Le vaste monde se terminait aux pieds des quatre murs d’une grande salle, légèrement humide, avec des rayonnages en bois. Une splendide lumière du jour éclairait l’espace. Une grosse ampoule pendue au milieu du vide. Beaucoup de volumes, formats différents. Les petits et les grands. Les reliés et les nus. Ceux écrits de gauche à droite. Ceux écrits de droite à gauche. En bonne compagnie. Bon voisinage ! Il y avait des chaises en bois avec des pieds d’acier, au nombre de quarante-huit en tout. Le silence de cette salle régnant sur les douze tables ne ressemble point aux autres silences d’ailleurs.
Les tables et les chaises à l’image d’Aït Abdelkader, responsable de cette bibliothèque du village, n’ont jamais abandonné leurs places. N’ont jamais manqué leur rendez-vous. Ils sont là depuis le jour où j’ai mis pour la première fois les pieds dans ce lieu, foulant l’ambiance du parterre en carreaux noirs et blancs. J’avais à peine onze ans.
Depuis, je n’ai pas quitté le lieu. Plutôt, le lieu ne m’a jamais quitté ! Ssi Aït Abdelkader, on l’appelait ainsi, fut un homme de petite taille. Discret. Toujours debout dans son costume classique, chemise blanche et une cravate noire mouchetée. Sérieux et souriant ! Cet homme m’a ensorcelé. Il connaissait par cœur tous les titres de ces livres rangés, en toute quiétude, côte à côte sur des planches en bois couvertes d’une vaporeuse couche de poussière.