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Psychose (Psycho), Robert Bloch (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 19 Juin 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, USA, Moisson Rouge

Psychose. Robert Bloch. Nouvelle traduction de l’américain Emmanuel Pailler. Mai 2011. 188 p. 15 € . Ecrivain(s): Robert Bloch Edition: Moisson Rouge

 

On doit imaginer d'abord l’étrangeté absolue de l’entreprise d’une lecture qui consiste à retrouver un univers, des personnages, une histoire non seulement connus mais installés dans nos mémoires depuis des décennies ! Par le livre de Bloch déjà, écrit en 1959 et traduit une première fois en français en 1960. Et surtout par le chef-d’œuvre cinématographique d’Alfred Hitchcock en 1960.

Et pourtant, il se trouve que cette lecture est un formidable moment de découverte.

D’abord par la préface de Stéphane Bourgoin, qui éclaire les sources de la fiction : L’affaire Ed Gein, fermier du Wisconsin, Serial killer de femmes chez qui la police trouvera un véritable musée des horreurs, du dépeçage au cannibalisme. Point de départ de « Psychose » certes mais aussi de milliers de livres et scenarii (Le silence des agneaux et le Dahlia Noir entre autres …)

Ensuite par l’étonnant personnage central, le célèbre Norman Bates, auquel il nous est bien difficile de ne pas prêter le physique félin et filiforme d’Anthony Perkins. Il est chauve, gras, petit, laid ! On ne peut plus antipathique, à mille lieues du charme vénéneux et ambigu de notre Anthony.

Spooner (Spooner), Pete Dexter (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 12 Juin 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Roman, USA

Spooner. 2011. 555 pages. 24 € . Ecrivain(s): Pete Dexter Edition: L'Olivier (Seuil)

Spooner est de ces livres-fleuve qui vous installent des personnages et des scènes destinés à durer toujours dans votre mémoire littéraire. Et il faut bien commencer par le début : la naissance du bonhomme.

« La mère de Spooner se lève seule en roulant sur le côté et, durant ces premiers instants à la verticale, une main agrippée à une chaise et l’autre couvrant sa bouche en cas de mauvaise haleine matinale, accouche de Spooner, apparu les pieds devant et de la couleur d’une aubergine, le cordon ombilical enroulé autour du cou, tel un petit homme nu précipité dans l’autre monde par la trappe d’un gibet »

Pete Dexter a planté le décor, comme les pieds de Spooner sur cette terre ! Comment ne pas penser à Rabelais, à ce moment bien sûr mais  tout au long de ce roman picaresque, drôle, baroque, émouvant, puissant ? La vie de Spooner va nous coller à la peau sur plus de 500 pages. Dans une famille décalée d’enseignants américains pauvres (pléonasme ?) ayant « pondu » trois garçons plus étonnants l’un que l’autre. Deux surdoués intellectuels et … Spooner, surdoué aussi mais autrement, par ses performances physiques (il sera un grand joueur de Base-Ball), par son humanité dévorante, par sa folie assoiffée de la vie. Un personnage et un livre qui évoquent aussi John Fante par la fluidité de la narration, son flot qui emporte et par la vie bouillonnante qui anime les personnages et les scènes de vie qu’ils traversent.

Les figuiers de Barbarie, Rachid Boudjedra (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 05 Juin 2011. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, Les Livres

Les figuiers de Barbarie. Rachid Boudjedra. Grasset. 2010.


Nous tenons là probablement le premier grand roman sur l’Algérie. Pas DE l’Algérie, ça on en avait déjà un beau rayon avec Mohamed Dib, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Malek Haddad, Tahar Djaout et la talentueuse génération actuelle (entre autres, et parmi les plus prometteurs, Maïssa Bey, Kamel Daoud, Amin Zaoui …). Non, avec « Les Figuiers de Barbarie » de Rachid Boudjedra, nous tenons le premier grand livre tricoté dans l’histoire même, la plus profonde, de l’Algérie et des Algériens. La matière qui fait ce livre, celle dont il est pétri, c’est le tissu serré de ce croisement étroit entre un pays depuis plus d’un siècle et demi et les destins intimes, surprenants, improbables, de ses habitants, du héros au salaud, du plus connu de ses intellectuels ou de ses politiques au plus obscur de ses fellahs ou de ses épiciers.

Ce livre est un tour de force. En 250 pages et une heure d’avion entre Alger et Constantine, Boudjedra dessine une fresque saisissante, bouleversante de l’Algérie entre 1831 (la colonisation française) et aujourd’hui. Deux amis d’enfance se retrouvent dans cette heure de voyage. Ils ont eu des destins différents mais des ponctuations constantes de retrouvailles.

La théorie de la lumière et de la matière (The Theory of Light and Matter), Andrew Porter (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 22 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Nouvelles, USA

La théorie de la lumière et de la matière, traduit de l'anglais (USA) par France Camus-Pichon. Mai 2011. 208 p. 20 € . Ecrivain(s): Andrew Porter Edition: L'Olivier (Seuil)

Attention, joyau. Ne vous laissez pas piéger par ce titre à terrifier tout esprit non scientifique. Ce livre ne traite pas de physique. Encore un miracle que les Américains cachaient dans leur vivier de nouvellistes étincelants. Andrew Porter nous fait faire une sorte de road reader à travers les USA. Un collier de dix nouvelles inoubliables, scènes à la fois banales et effarantes de la vie quotidienne. C’est là le secret de Porter : il a trouvé la clé du mystère qui lie étroitement le banal et l’effarant. Chaque histoire est un morceau, quelques heures ou un moment unique, de la vie de quelques personnages. Rien d’exceptionnel dans les situations : deux amants nus sur le sol de leur salle de séjour, un fils et ses parents qui ne s’entendent pas, deux enfants qui jouent dans un jardin, un couple qui a adopté un jeune garçon … et doucement, sans en avoir l’air, la dissonance arrive dans l’harmonie apparente, mettant à nu, impitoyable, le réel niché derrière les illusions d’une vie.

« C’est la seule fois de ma vie où j’ai vu mon père en costume avec ma mère en robe du soir. Ils se tiennent par le bras, souriants, serrés l’un contre l’autre, légèrement courbés pour lutter contre le vent, se protégeant de quelque chose qu’ils ne voient pas encore. »

La grande maison (Great House), Nicole Krauss (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 22 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Roman, USA

La grande maison. Traduit de l'anglais (USA) par Paule Guivarch. 334 p 22 € . Ecrivain(s): Nicole Krauss Edition: L'Olivier (Seuil)


« La Grande Maison », on ne l’apprend qu’au dernier chapitre, c’est le grand Temple disparu de Jerusalem. C’est la « maison » purement immatérielle que fabriquent les bribes de mémoire millénaire des juifs du monde.

Titre énigmatique pour un livre qui l’est de bout en bout. Au rugby, on dirait qu’il alterne les temps forts et les temps faibles. Nicole Krauss a fait le choix de bâtir son roman dans une architecture complexe et très apparente : la première partie, il y en a huit, s’intitule « L’audience est ouverte », la cinquième aussi. Le titre de la  deuxième partie « Trous de nage » se retrouve à la septième. Et ainsi de suite. Seules la partie centrale, la plus longue « Mensonges d’enfants » et la dernière, la plus courte, « Weisz » sont uniques dans leur intitulé. On voit le projet : construire une trame délocalisée (New-York, Londres, Jerusalem …), des héros multiples et peu à peu mener aux liens qui font sens d’ensemble. On pense irrésistiblement aux films d’Iñarritu, « Amours chiennes », « 21 grammes » et « Babel », construits sur le même schéma.