Identification

Articles taggés avec: Banderier Gilles

Ajoie, précédé de Passage des ombres et de Cette âme perdue, Jean-Claude Pirotte (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 10 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Ajoie, précédé de Passage des ombres et de Cette âme perdue, février 2018, préface Sylvie Doizelet, 424 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Jean-Claude Pirotte Edition: Gallimard

« Je m’appelle Montjoie et je viens en Ajoie vous apporter la joie ». L’Ajoie est cette pointe que pousse la Suisse en territoire français, au Sud de Belfort (analogue à la pointe de Givet, dans les Ardennes). Au XVIesiècle, le prince-évêque de Bâle, chassé de la cité rhénane par la Réforme protestante, se replia vers l’Ajoie et vint s’installer dans la petite ville de Porrentruy, dont il fit la capitale de son pouvoir temporel et spirituel. Ses successeurs poursuivirent l’œuvre d’embellissement et, de nos jours, Porrentruy est une magnifique cité ancienne, veillée par le château des princes-évêques, avec de nombreux bâtiments du XVIIIesiècle, qui lui confèrent unité et harmonie. Ce fut précisément un des princes-évêques de Bâle, Simon Nicolas de Montjoie (1698-1775), qui, selon la tradition locale, prononça à son arrivée en Ajoie (1762) la formule citée plus haut. En 1793, l’Ajoie se trouva rattachée à la France et forma le département du Mont-Terrible (du nom d’une montagne proche, le Mont-Terri), avant d’être incorporée au département du Haut-Rhin, puis de revenir à la Confédération helvétique. Peu touchée par l’urbanisation, l’Ajoie offre aux rêveurs et aux hommes libres des paysages intacts, où le temps s’écoule paisiblement.

Souviens-toi de nos enfants, Samuel Sandler (avec Émilie Lanez), par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 06 Septembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Souviens-toi de nos enfants, Samuel Sandler (avec Émilie Lanez), Grasset, mars 2018, 126 pages, 14 €

 

Ingénieur aéronautique, Samuel Sandler n’avait pas vocation à écrire des livres et surtout pas ce livre-là. Mais il arrive un moment où il faut savoir rompre le silence et briser l’oubli. Le patronyme de Sandler est entré brutalement dans l’actualité le 19 mars 2012, lorsque Jonathan Sandler et ses deux fils, Arié et Gabriel, furent exécutés (il n’y a pas d’autre verbe qui corresponde aux faits) devant une école de Toulouse, par un mystérieux individu juché sur un scooter. Cet individu, Samuel Sandler refuse de le nommer, mais chacun sait de qui il s’agit. Quelques jours plus tôt, ce lâche avait également exécuté des militaires, désarmés, cela va de soi. Puis, notre intrépide soldat du Prophète, soucieux de mériter les soixante-dix ou soixante-douze vierges que sa religion lui a promises au bout de sa route, et n’écoutant que son courage, dirigea sa haine des Juifs et de la France contre l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Outre Jonathan Sandler et ses fils, le viril et valeureux héros de l’islam (religion de paix et de tolérance, comme l’actualité le montre régulièrement), abattit encore une petite fille de neuf ans, Myriam Monsonego, qui avait fui moins vite que les autres car elle avait voulu récupérer le cartable contenant ses chaussons de danse.

Un Russe nommé Poutine, Héléna Perroud

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 27 Août 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Histoire, Les éditions du Rocher

Un Russe nommé Poutine, janvier 2018, 314 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Héléna Perroud Edition: Les éditions du Rocher

La réélection de Vladimir Poutine pour un quatrième mandat présidentiel à la tête de la Russie, le 18 mars 2018, s’est accompagnée d’un véritable concert de casseroles dans les mass medias d’Europe de l’Ouest. En particulier, c’est peu dire que les canaux d’« information » français, qui avaient sans doute oublié que l’élection se jouait à plusieurs milliers de kilomètres de nos frontières (on avait déjà eu le sentiment que la dernière élection américaine nous concernait au premier rang), avaient multiplié les considérations désobligeantes, accusant – sans produire trop de preuves (c’est pénible, les preuves) – Vladimir Poutine de truquer les élections, dans son propre pays comme aux États-Unis, d’espionner un peu partout, d’empoisonner les agents doubles, d’avoir la main sur les médias russes, de réchauffer le climat… Dans l’affaire Skripal, peu de journalistes eurent assez de sens commun pour rappeler que, si le métier d’espion est déjà dangereux en soi, celui d’agent double comporte double dose de risques : comme dans le décès d’Alexandre Litvinenko, probablement « retourné » par le MI 6, empoisonné au polonium 210 et converti in extremis à l’islam, la seule chose sûre est l’implication d’un « grand » service secret (mais lequel ?). La presse française faisait-elle assaut d’esprit critique, afin de faire oublier sa servilité, son obséquiosité, depuis la campagne présidentielle de 2017 (quelques jours avant l’élection présidentielle russe, un journaliste de Paris-Match écrivait qu’à New Dehli « même les chèvres s’inclinent sur [le] passage » de MmeMacron) ?

Comenius, Philosophie moderne et prophétisme, Marta Fattori

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 20 Août 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Italie, Editions Honoré Champion

Comenius, Philosophie moderne et prophétisme, janvier 2018, trad. italien Tomaso Berni Canani, 238 pages, 45 € . Ecrivain(s): Marta Fattori Edition: Editions Honoré Champion

 

Le patronyme de Comenius ne survit guère, dans ce qu’on appelle la « culture générale » (c’est-à-dire la culture partagée, commune), que grâce au programme européen d’échanges éducatifs qui a reçu son nom. Le personnage lui-même demeure dans l’ombre. Il écrivit en deux langues, l’une minoritaire (le tchèque), l’autre morte et, en France du moins, enterrée (le latin). Bien malgré lui, son existence fut modelée par les convulsions et les horreurs de son siècle, les longues guerres de religion et la Guerre de Trente Ans. Jeté de bonne heure sur les chemins de l’exil, Comenius partagea sa vie entre la Pologne, l’Angleterre, la Suède et, pour finir, les Pays-Bas, ce havre des originaux, des dissidents et des persécutés, où il fut à Amsterdam le voisin de Rembrandt (selon une hypothèse, un des portraits du grand peintre néerlandais représenterait le philosophe tchèque – voir p.78). Grâce à une intelligence rare et à une prodigieuse capacité d’abstraction, Comenius parvint à bâtir une œuvre importante, dans des circonstances qui eussent découragé tout individu moins obstiné et bien que ses manuscrits eussent été égarés ou brûlés au gré des déménagements et des conflits.

Allons-nous renoncer à la liberté ? Une feuille de route pour affronter des temps incertains, Carlo Strenger

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 12 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande, Belfond

Allons-nous renoncer à la liberté ? février 2018, trad. allemand Laurence Richard, 160 pages, 16 € . Ecrivain(s): Carlo Strenger Edition: Belfond

 

Carlo Strenger n’est pas un homme politique (il est trop honnête pour cela), mais une intelligence politique dont on aimerait pouvoir dire – pour le déplorer – que l’espèce en est éteinte en France. Cela voudrait dire qu’au moins elle y a existé. En réalité, elle n’y est jamais apparue (ou alors, si un représentant de cette espèce s’est aventuré chez nous, il n’a guère laissé de trace de son passage). Carlo Strenger se revendique de la « gauche libérale ». L’épithète ne doit pas prêter à confusion et être prise au sens qu’elle revêt en économie : en France comme ailleurs, il y a déjà beau temps que toute une partie de la gauche s’est convertie, à travers le projet européen, à un mélange délétère de libéralisation et de bureaucratie. Elle n’a plus d’yeux que pour la « société liquide » où tout est objet de consommation et pour les « villes-monde ». Malheureusement pour eux, le prolétariat, les petites gens, ne sont ni liquides, ni solubles dans la mondialisation marchande et marchante. Carlo Strenger est « libéral » au sens anglais du mot et, dans son essai Allons-nous renoncer à la liberté ? Une feuille de route pour affronter des temps incertains, s’affirme en disciple du grand historien des idées Isaiah Berlin, Juif russe (il est né à Riga) installé en Grande-Bretagne.