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Sauver les livres et les hommes, Père Michaeel Najeeb

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 12 Mars 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Histoire, Grasset

Sauver les livres et les hommes, octobre 2017, 178 pages, 17 € . Ecrivain(s): Père Michaeel Najeeb Edition: Grasset

Pour des raisons qu’on a peur de comprendre (y a-t-il un agenda caché ?), l’Occident en général, les États-Unis en particulier, se sont acharnés contre l’Irak, la Libye et la Syrie, dont les dirigeants avaient certes des défauts (la conversion du Proche et Moyen-Orient à la social-démocratie de type suédois n’est pas pour tout de suite), mais qui étaient des pays laïcs, où la pratique de l’Islam était fermement encadrée par l’État. Par conséquent, les tenants d’autres religions pouvaient y vivre librement. Le fondateur du parti Baas (au pouvoir en Irak et en Syrie), Michel Aflak, était un chrétien, de même que le ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein, Tarek Aziz. En 1982, Hafez el-Assad mit brutalement un terme à l’expansion des Frères musulmans en Syrie. Saddam Hussein commença plutôt bien son « règne », avec une campagne d’alphabétisation massive, qui n’était pas sans évoquer celle menée par Mustafa Kemal en Turquie, avant – hélas ! – de saigner à blanc son pays dans un conflit absurde avec le voisin iranien et de se couper de son propre peuple. L’exécution de Saddam Hussein libéra le mauvais génie de la lampe, et l’Islam le plus rétrograde, longtemps comprimé par un régime policier, donna libre cours à sa sauvagerie. L’Irak, État artificiel, permettait à différentes communautés non-musulmanes de vivre dans des conditions à peu près sereines. Au XIXe siècle, un tiers de la population de Mossoul professait le christianisme et on y comptait 50.000 Juifs (le Talmud de Babylone fut élaboré sur ce territoire). Qu’en est-il aujourd’hui ?

Visiteurs de Versailles. Voyageurs, princes, ambassadeurs (1682-1789), Daniëlle Kisluk-Grosheide, Bertrand Rondot

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 06 Mars 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Gallimard

Visiteurs de Versailles. Voyageurs, princes, ambassadeurs (1682-1789), Daniëlle Kisluk-Grosheide, Bertrand Rondot, novembre 2017, 336 pages, 45 € Edition: Gallimard

 

Dans l’esprit de Louis XIV, autant qu’on puisse le savoir, le château de Versailles n’avait pas pour seules fonctions de le séparer de Paris, cité tumultueuse, ligueuse et frondeuse, dont le jeune monarque se retrouva quelque temps prisonnier (un très mauvais souvenir), et de domestiquer une noblesse attachée aux vestiges de l’ordre féodal. Cette ancienne demeure de chasse fut agrandie démesurément afin de frapper les esprits et de présenter une sorte d’image ramassée de la puissance royale (ce n’est évidemment pas un hasard si l’édification du château « moderne » a coïncidé avec la période la plus riche de l’opéra et du théâtre français : Versailles est une scène où le roi se produit), à une époque où la France tenait, dans la conscience européenne, la place des États-Unis dans l’actuelle conscience mondiale : pays riche, puissant, influent et donnant la note au continent entier. Au XVIIIe siècle, on parlera français dans la plupart des cours européennes et il n’y aura presque pas de potentat, de margrave, qui ne voudra sa réplique du château de Versailles, de la même manière qu’au début du XVIIe siècle tout le monde cherchait à imiter les jeux d’eau des palais romains.

Combat et création, Zbigniew Herbert et le cercle de la revue Kultura (1958-1998)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 01 Mars 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Pays de l'Est

Combat et création, Lettres choisies, présentées et trad. polonais Brigitte Gautier, Éditions Noir sur Blanc, octobre 2017, 158 pages, 19 € . Ecrivain(s): Zbigniew Herbert

 

On connaît la formule assassine d’Alfred Jarry présentant son Ubu roi et affirmant que la pièce se déroule en Pologne, « c’est-à-dire nulle part ». N’en déplaise à l’illustre soûlographe, la Pologne se trouve bien quelque part, en Pologne bien sûr, mais également ailleurs… grâce à un phénomène marqué d’émigration. Plusieurs écrivains polonais du XXe siècle, et non des moindres (Joseph Conrad, Witold Gombrowicz, Czesław Miłosz), passèrent une bonne part de leur existence hors de Pologne et, parfois même, hors d’Europe. Cette diaspora intellectuelle disposait de ses propres réseaux éditoriaux (distincts de ceux actifs en Pologne, sous le joug communiste) et de ses propres revues, parmi lesquelles Wiadomości (Les Nouvelles, éditée à Londres) et Kultura, publiée en France de 1947 à 2000 (année où mourut son rédacteur en chef, Jerzy Giedroyc).

Chrétiens d’Orient : 2000 ans d’histoire, Collectifs,‎ Raphaëlle Ziadé

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 13 Février 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Gallimard

Chrétiens d’Orient : 2000 ans d’histoire, Collectifs,‎ octobre 2017, 208 pages, 29 € . Ecrivain(s): Raphaëlle Ziadé Edition: Gallimard

 

Le christianisme est si bel et bien associé à l’Europe qu’on a presque fini par perdre de vue qu’il s’agit d’une religion aux origines orientales. Qu’y a-t-il de particulier sur cette terre étroite, entre Méditerranée, Mer Rouge et désert, pour qu’elle ait donné naissance au judaïsme, à son éthique indépassable, ainsi qu’à ce qui en constitue à la fois l’hérésie majeure, la plus durable et le vecteur d’une diffusion universelle de cette éthique, le christianisme ? Ensuite et ailleurs apparut l’Islam qui, comme l’a montré de façon convaincante Daniel Sibony (Coran et Bible en questions et réponses, Odile Jacob, 2017), ne prétend pas seulement dépasser le judaïsme et le christianisme, les récapituler, mais surtout les annuler. Aussi déroutant que cela nous paraisse aujourd’hui, les Juifs et les Chrétiens étaient nombreux dans la péninsule arabique, lorsque s’éleva la prédication de Mahomet – cette présence explique les références coraniques à Abraham et Ismaël (mais pas à Ézéchiel, Jérémie ou Isaïe), à Jésus et à Marie. Les premiers Musulmans, comme du reste les Chrétiens d’Arabie à la même époque, priaient en direction de Jérusalem. De nos jours, hors de l’État d’Israël, la présence de Juifs et de Chrétiens au Proche et au Moyen-Orient ne tient plus à grand-chose. De nombreux Chrétiens libanais se sont expatriés, bouleversant le fragile équilibre confessionnel et communautaire du pays.

Les Routes de la traduction. Babel à Genève, Barbara Cassin, Nicolas Ducimetière

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Gallimard

Les Routes de la traduction. Babel à Genève, Coédition Gallimard/Fondation, novembre 2017, 336 pages, 39 € . Ecrivain(s): Barbara Cassin, Nicolas Ducimetière Edition: Gallimard

 

Bibliophile zurichois, Martin Bodmer (1899-1971) avait réuni une extraordinaire collection, très étendue dans le temps et dans l’espace (contrairement à d’autres bibliophiles qui se spécialisent dans une seule langue et une période précise – par exemple, le livre à estampes du XVIIIe siècle français). Cela ne signifie pas que l’ancien vice-président de la Croix-Rouge internationale fut un brouillon touche-à-tout. Il s’était proposé de réunir les témoignages les plus marquants du génie humain en matière littéraire, articulés selon cinq domaines, cinq « phares » : la Bible, Homère, Dante, Shakespeare et Goethe. Leur étude approfondie suffit déjà à remplir une vie ; à plus forte raison si on se met à en rassembler les multiples éditions et traductions (qui pourrait se flatter de posséder un exemplaire de chaque Bible jamais imprimée ?). Les traductions occupent une place de choix dans le projet de Martin Bodmer (la Bible étant elle-même un texte plurilingue. L’évangile selon saint Matthieu, que nous possédons en grec, est la traduction d’un original hébreu, perdu pour le moment).