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Ainsi parlait, André Suarès (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Octobre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ainsi parlait, André Suarès, éd. Arfuyen, septembre 2020, 171 pages, 14 €

 

André Suarès ou La parole exhaussée

Comment définir ma jubilation à la lecture de ce livre où André Suarès apparaît dans sa complexité autant que dans son intégrité intellectuelle ? Cette forme panoramique – à laquelle nous habitue cette Collection Ainsi parlait, chez Arfuyen – permet de jeter une lumière sur ses intérêts artistiques et humains. De plus, j’y ai retrouvé des idées qui me semblent d’une grande justesse, provoquant mon alacrité intérieure. Car le sujet dominant de l’ouvrage réside dans la proposition suivante : comment augmenter la qualité morale et artistique de la poésie et du poète. Donc, quelle nature doit avoir l’artiste, s’il veut augmenter l’homme, lui faire rencontrer ce qui lui est principal ou principiel, en tous cas lui ouvrir le chemin de la quintessence de l’âme, essence qui ne doit jamais faiblir ?

Suarès montre toujours le haut, peut-être à l’image du Saint Jean-Baptiste de L. de Vinci, lequel indique en somme deux voies : l’une vers le ciel et l’autre, plus prosaïque, vers sa houlette. Cette indication soulignant que la voie mystique n’abolit pas la voie pastorale ; donc, c’est quand même toujours l’exhaussement qui reste désiré et désirable. Avec Suarès, la parole est édifiante, elle désigne la vérité haute de soi, de l’homme et de l’art, du poète et du livre.

Une brûlante usure, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Une brûlante usure, Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, août 2020, 147 pages, 15 €

 

Poème d’attente

Dire quelques mots de ce livre que Gérard Bocholier publie récemment, ouvrage qui se présente sous la forme d’un journal, où l’auteur indique simplement les mois successifs durant les deux années 2016 et 2017 en tête de chapitre, serait, comme en une tentation et pour le meilleur, ajouter, continuer, l’augmenter par la propre littérature intérieure du lecteur. Du reste, l’auteur lui-même s’y autorise, en poursuivant parfois l’idée d’un autre poète par ses mots à lui. Ainsi, les deux pensées se confondent : l’écrivain et le liseur – sachant que l’écrivain est toujours un liseur.

Cela dit, ce qui est essentiel, c’est l’œuvre, c’est ce journal mélancolique, et comme on le dirait d’une image photographique, légèrement sépia, tournant parfois à l’autochrome. Oui, la mort, et le temps qui a passé, la durée incertaine qui reste, les grandes dates de l’existence qui s’effilochent, pour ne garder du souvenir que des bribes, des fragments, des petits morceaux dont la valeur est bel et bien celle d’une matière friable, feuilles jaunies trouvées dans le pli d’un vieux livre.

Trois cahiers avec une chanson, Jean-Charles Vegliante (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Trois cahiers avec une chanson, Jean-Charles Vegliante, L’Atelier du Grand Tétras, juillet 2020, 64 pages, 12€

Poésie, question de l’ailleurs

Recevoir un nouveau livre, surtout s’il s’agit d’un recueil de poèmes, est toujours une façon pour moi d’aborder des questions essentielles. Donc, j’aime me confronter à la pâte du poème pour en circonvenir l’aventure sensible et projeter ainsi ma propre sensibilité, les questions qui me traversent sur le texte que je découvre. Je lis donc autant le livre pour lui-même, que je me lis dans le poème. Ici, non seulement le recueil s’ouvre sur deux textes qui orientent une compréhension globale de l’ouvrage, mais encore permettent de juger le poème à partir d’un autre lieu : la mort – dernier séjour où tous les séjours s’achèvent.

En restant un mystère, la mort construit une vision du monde, un endroit d’énigme, où se dirige la douleur du poète pour qui ce mystère fait poème. Pour Jean-Charles Vegliante cette sorte de liturgie est en relation avec la nature. Ou sinon une liturgie et néanmoins une tension vers la fin matérielle des choses, et surtout, l’arc-boutant d’un ailleurs. À mon sens, c’est cela la réponse à ces poèmes, la recherche d’un lieu, d’une habitation plausible, d’une arrivée en terre de beauté.

De la poésie, Entretien avec Reynald André Chalard, Philippe Jaccottet (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 25 Août 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

De la poésie, Entretien avec Reynald André Chalard, Philippe Jaccottet, éditions Arléa, juin 2020, 94 pages, 8 €

Le poète empathique

Comment rédiger quelques propos au sujet de l’entretien accordé par Philippe Jaccottet à Reynald André Chalard, sans trahir la pensée du poète sur la poésie ? J’ai très vite songé à cette question en y répondant en moi-même. J’ai pensé que pour un poète comme lui, qui ne tolère pas la trahison qu’exige sa propre empathie avec le poème, soit avec ses émotions, soit avec la réalité, et sans opter pour un langage poétique de fantaisie, d’artifice, cette vision était par elle-même impossible à dénaturer.

Il est vrai que mon destin est lié lui aussi au difficile travail du poème, sachant que j’aime lire la poésie d’aujourd’hui – et celle d’hier évidemment – et que je le fais toujours avec toute ma personne, risquant de parler de moi-même sous le couvert de faire parler l’auteur. Toujours est-il que je cherche en grande partie où se joue le pouvoir secret de créer. Et puisque je parle longuement de moi (trop ?) je finirai ici en précisant que j’ai aimé l’attention que porte Philippe Jaccottet à la vérité, vérité de la vie, pour lui qui fut traducteur et critique, et donc en quête à travers les textes, de la vie et de la véracité du langage qui l’accompagne.

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Août 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu, éd. Lanskine, février 2020, 200 pages, 18 €

Poésie et narration

Il devient vite évident, à la lecture du dernier livre de Florence Pazzottu, que sa vision est double. Il s’agit, je crois très nettement, de faire un poème et de faire un récit de soi. Narrer sa personne, et à partir de cette dernière, englober la réalité saillante de l’autrice prise à la fois dans son existence et son écriture. Cette écriture oscille entre poésie et chronique, ou plutôt se défait de son geste au sein de sa rédaction. Elle raconte tout autant qu’elle exerce une langue, disons, chantée – pour décrire ce mouvement qui appartient aux vers. On ne quitte pas le fond des scènes qui occupent la poétesse.

Ainsi, son texte complète mieux sa personne, l’explique, la justifie, l’organise, la rend dialectique. Là est l’occasion de décrire, un peu à la Rohmer, 45 épisodes des amours compliquées d’une femme – sans doute l’écrivaine mais dépeinte en fragments – qui transitent par des SMS, lesquels se transforment en annales savantes, ou pour aborder ailleurs dans le recueil les traumatismes d’une petite fille – que l’on devine comme celle de l’enfance de Florence Pazzottu – où tout se ferme sur une expression double.