D’Être en ce monde, Alexandre Blaineau (par Didier Ayres)
D’Être en ce monde, Alexandre Blaineau, éditions Milagro, septembre 2021, 72 pages, 10 €
Depuis l’Histoire
Pour moi qui aime voir et découvrir l’être derrière l’écriture, cette lecture a suscité en moi une sagacité réelle. J’ai, dans un premier temps, été pris par le caractère squelettique du texte. Cette forme moderne d’une « anorexie » volontaire, m’a fait songer au Bonnes de Genet – qui décrit sa pièce comme étant squelettique – tant le caractère lapidaire des poèmes semble faire référence à un univers froid, emprunt, sujet au détachement, à la distance.
Cette vallée devenue plaine
Vaste comme la main d’un dieu
Où s’imposent le toujours des puissances
Le paysage d’un feu nouveau
Et le regard inquiet des antilopes
Puis, soudain, à ma relecture j’ai compris que je ne pouvais me soustraire à ce que je savais de l’auteur, c’est-à-dire sa formation doctorale en histoire. Alexandre Blaineau parle de lui, à travers non pas des dates, mais d’une impression, celle de l’Histoire qui deviendrait un mythe – je songe souvent par devers moi à l’Atlantide.
Saveurs de la chair
Parfums des corps sur le marbre lisse
Muscles et veines jusqu’aux cassures
Nos regards et la blancheur
Les statues nous envient
Le poème cherche sa langue dans l’imaginaire, celle d’un rêve, un rêve d’Histoire. Donc, sujet à l’énigme. Et du reste, le caractère nu des poèmes facilite bel et bien cette tendance, celle de revivre des points iconiques de la grande Histoire. Quoi qu’il en soit, ce texte en filigrane nous montre des statues (antiques), des temples (envahis d’herbes sauvages) ou encore des aigles (ceux des augures romains). Ce recueil peut donc se présenter dans le très peu, comme si le lecteur pouvait déguster un hydromel gaulois ou un vin grec coupé de miel avec sobriété et songe, celui de vivre ailleurs et dans un autre temps, dans la durée du poème. Cela ressemble pour moi à la fixité des trésors archéologiques de Pompéi, ici pris dans la glace du poème, fixé pour toujours dans sa nudité lithique.
Concluons avec A. Blaineau et ce texte dépouillé et songeur :
La statuette encore prisonnière de son fossé est maculée de glaise
En s’approchant
On devine le visage serein d’une femme
Les plis délicats de son vêtement
Et les traces d’une polychromie sacrilège
Didier Ayres
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