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Roman

Présence de la mort, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Présence de la mort, Charles-Ferdinand Ramuz, Editions L’Aire Bleue, 2009, 160 pages, 11,85 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz

 

Alors les grandes paroles vinrent ; le grand message fut envoyé d’un continent à l’autre par-dessus l’océan.

La grande nouvelle chemina toute cette nuit-là au-dessus des eaux par des questions et des réponses.

Pourtant, rien ne fut entendu.

Qu’attendre après cet incipit ? La prière du monde, et elle vient. La sublimation de la langue, et elle vient. La présence de Ramuz à son œuvre, et elle vient. L’immense beauté de la littérature, et elle vient.

La peur est un thème récurrent chez Ramuz. Elle n’a pas toujours un objet défini mais elle est ontologique, rivée aux hommes comme leur ombre même. Quelques années après ce roman, Ramuz écrira La Grande Peur dans la montagne, ouvrage qui concentrera l’essence de la peur ramuzienne : elle est diffuse, générale, elle touche à l’universel, elle est d’autant plus effrayante que nul ne peut rien contre sa cause car on ne la connaît pas.

Les Sacrifiés, Sylvie Le Bihan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 08 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Denoël

Les Sacrifiés, août 2022, 384 pages, 20 € Edition: Denoël

 

« Chaque vie tissée de tourments, de peine et de labeur contient une petite étincelle de joie. Pour Juan, ce fut Ignacio. Et surtout, ce fut l’amour que le célèbre torero avait laissé à Madrid et dont il rapportait, sur les pans sombres de sa veste, les traînées d’un bonheur caché ».

Les Sacrifiés contient cette étincelle de joie, cette même étincelle qui parfois jaillit lorsqu’un torero se livre face à son taureau, ou encore quand un chanteur de flamenco touche au point indicible du duende, ce miracle inspiré, lorsque le chant transcende le chanteur et son public. Les Sacrifiés est un roman touché par cette même grâce inspirée. Roman d’une passion amoureuse, et d’admirations. Admiration pour la génération de 27 qui rassemblait notamment des écrivains et poètes comme Pedro Salinas, Rafael Alberti, ou encore Federico García Lorca, et le torero écrivain Ignacio Sánchez Mejías. L’un fusillé le 19 août 1936 à Grenade par les phalangistes, l’autre encorné par le taureau Granadino dans les arènes de Manzanares, et qui en mourra deux jours plus tard.

Lumière d’août (Light in August), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard), En Vitrine

Lumière d’août (Light in August, 1932), trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, 628 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

La scène inaugurale de ce roman – l’ouverture peut-on dire tant on pense à l’art lyrique – est d’une lenteur biblique. Le temps y semble dilaté jusqu’au bord de l’immobilité. Plus qu’un ralenti, c’est un à-peine-mouvement, un semblant, qui anime la jeune femme dans son long périple, avec son petit baluchon et cette charge innommable dans son ventre. Qui anime la charrette qu’elle croise et dont on perçoit plus le bruit que le mouvement. Scène d’ouverture écrasée par la chaleur, par la lumière d’août. Une des plus belles ouvertures romanesques de l’histoire de la littérature.

Assise sur le bord de la route, les yeux fixés sur la charrette qui monte vers elle, Lena pense : « J’arrive de l’Alabama : un bon bout de route. A pied de l’Alabama jusqu’ici. Un bon bout de route ».

Lena arrive à Jefferson comme une parfaite étrangère. Pieds nus, enceinte et abandonnée par le père de l’enfant qu’elle porte, Lena stupéfie et scandalise ceux qu’elle rencontre. Elle est considérée comme une paria, suscitant des réactions qui pourraient laisser penser que Jefferson est un lieu où les étrangers et les marginaux sont rares, où il y aurait des normes communautaires.

Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 05 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Sabine Wespieser

Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel, août 2022, 200 pages, 20 € Edition: Sabine Wespieser

 

Les romans qui décrivent des relations familiales marquées par la violence, la terreur, la haine, sont passablement nombreux dans la littérature aussi bien classique que contemporaine. Ceux qui rappellent l’importance de l’attachement à ses racines, à sa terre sont loin d’être rares. Celui de Sarah Jollien-Fardel est à la confluence de ces deux genres. Jeanne est la narratrice, elle relate dès le départ la violence endémique de son père, un homme rustre, sans éducation, pervers et marqué par un sadisme dévastateur. Sa sœur partage avec elle ces moments fréquents de peur, d’appréhension durant lesquels elle se demande quel geste il va commettre, tellement il est imbibé par l’alcool : « Moi, je voulais entendre. Déceler un bruit qui indiquerait que cette fois, c’était plus grave. Écouter les mots, chaque mot : sale pute, traînée, je t’ai sorti de la merde, t’as vu comme t’es moche, pauvre conne, je vais te tuer. Derrière les mots, la haine, la misère, la honte ».

De Grandes Espérances, Charles Dickens (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Tristram, Cette semaine

De Grandes Espérances, août 2022, trad. anglais, Jean-Jacques Greif, 626 pages, 29,40 € . Ecrivain(s): Charles Dickens Edition: Tristram

 

Prélude en forme de mea culpa : sur foi de quelques lignes lues à la dérobée dans une bibliothèque, la traduction de L’Île au trésor par Jean-Jacques Greif a été expédiée de façon lapidaire dans une chronique relative à la nouvelle traduction de 1984. Quelques lignes de dialogue ont suffi à faire émettre un avis relatif à la lisibilité de cette traduction pour des adolescents d’aujourd’hui, du moins ceux à qui est encore proposé ce classique à l’école. Mais depuis, cette traduction a été lue, in extenso et surtout avec joie, et elle a emporté tous les suffrages. D’une part, Greif a rendu la musique de Stevenson, en particulier pour une phrase d’ouverture dont les multiples traductions lues ont toujours laissé sur une faim de rythme ; d’autre part, ce qui avait choqué est en fait bonne part de la grâce de cette traduction : Greif a effectué un véritable travail sur la langue française pour rendre celles des différents personnages, en particulier celles des pirates et autres flibustiers.