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Roman

Fête des pères – Jean-Michel Olivier (par Philippe Chauché)

, le Jeudi, 19 Janvier 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Fête des pères – Jean-Michel Olivier – Editions de l’Aire – Serge Safran – 384 p. – 18/11/22 – 21 euros

« Aujourd’hui, on n’a pas besoin de tuer le père. La société s’en charge. Beaucoup de monde le guette au tournant. On l’épie nuit et jour, on lui tombe dessus au moindre faux-pas. Depuis longtemps, il a perdu ses privilèges et ses passe-droits – sa place royale sur l’échiquier.

Exit le père. Exit le nom.

Bienvenue aux fantômes. »

 

Fête des pères est le roman d’un père et de son enfant, dont il grapille quelques instants partagés après son divorce. L’enfant est sa boussole, celle qui n’indique ni le nord, ni le sud, mais simplement la vie. Une vie sans repères avant que l’enfant n’advienne. Une vie sur les planches des théâtres, dans les décors des films où il joue, derrière les écrans où défilent les acteurs américains qui désormais auront sa voix.

L’Ami commun, Charles Dickens (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 18 Janvier 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

L’Ami commun, Charles Dickens, Folio, août 2022, trad. anglais, Lucien Carrive, Sylvère Monnod, 1328 pages, 15,50 € . Ecrivain(s): Charles Dickens

Publié entre mai 1864 et novembre 1865 en fascicules, et en volume fin 1865, L’Ami commun est le dernier roman terminé par Dickens, et l’un des sommets d’une œuvre qui ressemble à bien des égards à un Himalaya littéraire. Si la critique et le public de l’époque ne l’ont que peu goûté, le temps a fait son œuvre, et le découvrir en 2023, dans une traduction vigoureuse rendant à merveille tant la verve sociale que l’humour tendre de Dickens, c’est la garantie d’une grande joie de lecture. Et, contrairement à ce qu’affirmait Henry James en 1865, les personnages de ce roman, par leurs excentricités et non malgré elles, sont autant de morceaux d’humanité, qui mènent à une compréhension plus complexe, approfondie, de celle-ci.

Certes, l’intrigue semble touffue, puisque les lieux et les personnages sont, comme souvent chez Dickens, multiples : du bas au haut de l’échelle sociale, échelle à gravir ou à dégringoler, c’est l’Angleterre victorienne qui défile durant ces plus de mille pages, et les personnages avancent de surcroît, pour nombre d’entre eux, masqués – et que tombent ces masques, pour une magnifique célébration, à la fin du roman ! C’est tout le jeu de dupes de la société moderne que met en scène Dickens, et ce dès un second chapitre ironique dû à une répétition lexicale qu’ont choisi de respecter les traducteurs :

Les loups aiment la brume, Laure Marchand, Guillaume Perrier (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 18 Janvier 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset

Les loups aiment la brume, Laure Marchand, Guillaume Perrier, Éditions Grasset, 281 pages, 20,90 euros. Edition: Grasset


Le titre de cet ouvrage est un proverbe turc auquel « l’institut de la langue turque donne le sens suivant : La brume fait ici référence à des moments de grande confusion. Une personne qui cherche une opportunité d’agir pour son propre bénéfice profite du temps troublé, grâce auquel personne ne peut l’empêcher d’accomplir sa tâche. »

Les deux auteurs ont mené une enquête minutieuse sur les «agents de l’ombre» du reis, Erdogan, et sur le redouté MIT, services de renseignements turcs, et sur ses ramifications regroupées sous le nom « Les Loups Gris » Les relations tendues entre la Turquie et l’Europe expliquent en partie les exactions commises dans nombre de villes européennes, meurtres et assassinats, intimidations et menaces de mort dont les victimes ont un point commun : toutes avaient ou ont des raisons de contrer le régime d’Erdogan.

Le Bois de la nuit, Djuna Barnes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 17 Janvier 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Seuil

Le Bois de la nuit (Nightwood, 1936), Djuna Barnes, Editions du Seuil, 2014, trad. américain, Pierre Leyris, 203 pages, 18 € Edition: Seuil

 

Djuna Barnes est américaine. Il est important de le rappeler d’entrée, tant sa prose, d’une beauté suffocante et d’une profonde poésie, et son approche des portraits, évoquent le style des grands romanciers et poètes anglais de l’époque élisabéthaine. Djuna est imprégnée aussi de littérature et de culture françaises et elle s’installe à Paris en 1920 : la dimension autobiographique de ce roman apparaît d’autant plus que c’est dans cette ville qu’il se déroule principalement.

Dans sa préface de 1937, T. S. Eliot dit que « seules les sensibilités exercées à la poésie pourront l’apprécier tout à fait ». Et il est difficile de prétendre le contraire. Tout l’art subtil et malin de ce roman est dans la langue, le style, les syncopes, le rythme. Les images utilisées font parfois sursauter, visiblement empruntées à l’art baroque ou au style de Shakespeare : Robine Vote, l’héroïne qui emprunte beaucoup à Djuna Barnes, est décrite comme « la vision d’un élan s’en venant dans une allée d’arbres, enguirlandé de fleurs d’oranger et d’un voile nuptial, un sabot levé dans l’économie et la crainte ».

Un bonheur viril, La Trilogie du Losange, Tome III (inédit), Françoise d’Eaubonne (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 13 Janvier 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Un bonheur viril, La Trilogie du Losange, Tome III (inédit), Françoise d’Eaubonne, novembre 2022, 320 pages, 20 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Nous pouvons rencontrer chez les saints une délicatesse et une bonté féminines ainsi qu’une sollicitude véritablement maternelle envers les âmes qui leur sont confiées, et, à l’inverse, chez les saintes, une intrépidité, une fermeté et un esprit de décision virils (Edith Stein)

Pourquoi les hommes ont disparu ?

Un bonheur viril est le dernier tome de La Trilogie du Losange, de Françoise d’Eaubonne (1920-2005). Le thème de ce roman d’anticipation s’inspire d’une époque masculiniste tellement oppressive qu’elle a causé la disparition des hommes et la révolte des femmes, la fin de l’andocentrisme, l’avènement de l’« ère Ectogenèse », où les derniers rescapés, des éphèbes transgenres, étaient faits prisonniers. Les femmes ont alors inauguré la toute nouvelle société matriarcale du Losange. Le pouvoir « viril » est abouché à l’industrie, au rendement massif, au profit, et « un oligopole » impose un capitalisme brutal, avec le fascisme comme système politique.