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Roman

Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 05 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Sabine Wespieser

Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel, août 2022, 200 pages, 20 € Edition: Sabine Wespieser

 

Les romans qui décrivent des relations familiales marquées par la violence, la terreur, la haine, sont passablement nombreux dans la littérature aussi bien classique que contemporaine. Ceux qui rappellent l’importance de l’attachement à ses racines, à sa terre sont loin d’être rares. Celui de Sarah Jollien-Fardel est à la confluence de ces deux genres. Jeanne est la narratrice, elle relate dès le départ la violence endémique de son père, un homme rustre, sans éducation, pervers et marqué par un sadisme dévastateur. Sa sœur partage avec elle ces moments fréquents de peur, d’appréhension durant lesquels elle se demande quel geste il va commettre, tellement il est imbibé par l’alcool : « Moi, je voulais entendre. Déceler un bruit qui indiquerait que cette fois, c’était plus grave. Écouter les mots, chaque mot : sale pute, traînée, je t’ai sorti de la merde, t’as vu comme t’es moche, pauvre conne, je vais te tuer. Derrière les mots, la haine, la misère, la honte ».

De Grandes Espérances, Charles Dickens (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Tristram, Cette semaine

De Grandes Espérances, août 2022, trad. anglais, Jean-Jacques Greif, 626 pages, 29,40 € . Ecrivain(s): Charles Dickens Edition: Tristram

 

Prélude en forme de mea culpa : sur foi de quelques lignes lues à la dérobée dans une bibliothèque, la traduction de L’Île au trésor par Jean-Jacques Greif a été expédiée de façon lapidaire dans une chronique relative à la nouvelle traduction de 1984. Quelques lignes de dialogue ont suffi à faire émettre un avis relatif à la lisibilité de cette traduction pour des adolescents d’aujourd’hui, du moins ceux à qui est encore proposé ce classique à l’école. Mais depuis, cette traduction a été lue, in extenso et surtout avec joie, et elle a emporté tous les suffrages. D’une part, Greif a rendu la musique de Stevenson, en particulier pour une phrase d’ouverture dont les multiples traductions lues ont toujours laissé sur une faim de rythme ; d’autre part, ce qui avait choqué est en fait bonne part de la grâce de cette traduction : Greif a effectué un véritable travail sur la langue française pour rendre celles des différents personnages, en particulier celles des pirates et autres flibustiers.

La Gloire des Pythre, Richard Millet (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 30 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

La Gloire des Pythre, Richard Millet, Folio . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Folio (Gallimard)

 

Les vingt-deux premières pages de ce roman effarant et terrible suffisent à se convaincre que l’on est au début de l’un des plus grands ouvrages français de notre époque. La noirceur qui sourd du village perdu de Millevaches, portée par les volutes macabres des morts de l’hiver, est chargée du destin funeste des petites gens du pays que la misère écrase et qui colle à leurs sabots comme la glaise de Corrèze au début du siècle XX. Le style de Richard Millet, éblouissant d’élégance et de puissance, nous mène au plus profond de ce monde oublié.

En mars, ils se mettaient à puer considérablement. Ça sentait bien toujours un peu, selon les jours, lorsque l’hiver semblait céder et que ça se réveillait, se rappelait à nous, d’abord sans qu’on y crût, une vraie douleur, ancienne et insidieuse, que l’on pensait éteinte, qu’on avait fait mine d’oublier et qui revenait, par bouffées, haïssable comme les vents d’une femme aimée ;

L’homme qui peignait les âmes, Metin Arditi (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 29 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

L’homme qui peignait les âmes, juin 2021, 292 pages, 20 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

 

Qui a réellement peint le Christ guerrier attribué à tort, par la tradition, à Théophraste le grec, et exposé aujourd’hui dans une église au sud de Bethléem ? Indiscutablement « un iconographe de génie » dont Metin Arditi nous raconte, en sept dates décisives, l’existence vécue entre Acre, Mar Saba et Capharnaüm.

En 1079, Avner, adolescent juif, livre au monastère orthodoxe le poisson que pêche son père. Il goûte dans ce Petit Paradis la joie de l’accueil toujours chaleureux et gourmand que lui réserve frère Thomas et découvre l’art des icônes. Seule sa cousine Myriam avec laquelle il a grandi connaît son rêve, devenir à son tour peintre. Mais il lui faudrait alors se convertir au christianisme, rompre avec ses parents qui ne lui pardonneraient pas cette trahison et surtout renoncer à épouser Myriam.

L’art vaut pourtant tous ces sacrifices. Avner va même lui sacrifier la sincérité. Ainsi, le jour de son baptême, devenu Petit Anastase il « savait qu’il trichait » car il « avait lu et relu les Textes. Il les avait étudiés, commentés. Il avait été ébloui par leur intelligence, leur finesse, leur concision. Mais il n’avait pas réussi à croire à la Révélation ».

Petit Maître, Natsumé Sôseki (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 25 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Points, En Vitrine, Japon

Petit Maître, Natsumé Sôseki, Points, février 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 288 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Natsume Sôseki Edition: Points

 

Ce roman a paru en 1906. Le romancier Sôseki avait alors 39 ans. « Botchan » est le titre original.

Un jeune professeur quitte Tokyo et sa vieille servante et amie Kiyo pour un collège de province, dans une ville reculée. Il y donnera des cours de maths, au milieu d’un corps professoral haut en couleurs, où les inimitiés et les jalousies font la part belle : on y trouve de vieux professeurs comme Koga, un censeur, Tricot rouge, des collègues plus sympathiques comme Porc-épic et des imbuvables comme Cabot ou le Blaireau, directeur de l’établissement.

La province, c’est aussi des logeurs et logeuses qui vivent en louant des gourbis à ceux qui viennent de la capitale.

La province est un monde, tout à fait étranger au nouvel arrivant qui y voit des usages inconnus de lui.

Les élèves sont difficiles, toujours prêts à faire des mauvais coups, toujours prêts à chahuter le nouveau professeur ou à faire le chambard le soir dans les dortoirs.