Identification

Roman

Mes deux papas, Éric Mukendi (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 23 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Afrique, Gallimard

Mes deux papas, Éric Mukendi, Gallimard, Coll. Continents Noirs, mars 2023, 181 pages, 18,50 € Edition: Gallimard

 

Le regard de l’enfance sur la vie et sur les adultes aux prises avec les réalités de la vie. La Vie devant soi de Romain Gary s’est imposée comme le modèle d’un genre romanesque. Le premier roman d’Éric Mukendi fait penser à ce grand exemple sans manquer de qualités propres qui en font une œuvre réussie et agréable. Le jeune Boris qui raconte est aussi appelé par son entourage Bobo – un peu comme l’inoubliable Momo de Gary/Ajar. Mais les temps ont changé. Nous sommes à l’ère de l’Internet et des réseaux sociaux. Et le 9.3 où habite Boris est quasiment un ailleurs lointain et même étrange par rapport à Paris où chacune de ses excursions est une prise de risques. Aller de l’un à l’autre, c’est passer une frontière, en particulier linguistique. Boris est collégien ; une innocence finissante. Cela donne à ce qu’il raconte le cachet sociologique d’une phase charnière – entre l’enfance et la jeunesse adulte. Il a une première histoire d’amour, comprend vite et se défend bien contre un prédateur sexuel à l’aide d’un cran d’arrêt…

L’affaire Cherkassky, Aurélie Ramadier (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 22 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

L’affaire Cherkassky, Aurélie Ramadier, Editions Balland, décembre 2022, 452 pages, 25 €

 

Roman policier, roman d’espionnage, roman initiatique, il y a de tout cela dans cet ouvrage volumineux.

La narratrice, Camille, jeune étudiante plus ou moins intermittente en lettres classiques, qui, détail essentiel pour l’intrigue, a passé une partie de son enfance à Moscou où résidaient ses parents pour des raisons professionnelles, a décidé, sans attendre la fin de son cursus universitaire, sans passer par une des écoles dédiées à cet effet, de devenir journaliste en brûlant toutes les étapes de la formation. Présentée, par l’entremise d’un ami de ses parents, au directeur d’un grand organe de presse préparant un numéro spécial sur la Russie, elle décide de consacrer un dossier rétrospectif à l’affaire Farewell (qui a défrayé la chronique dans les années 80) et à son protagoniste principal, Vladimir Vetrov.

Mais, très vite, ses recherches documentaires rencontrent le nom et croisent l’itinéraire d’un mystérieux Nicolas Cherkassky, dont elle apprend qu’il s’agit d’un Français de parents russes qui, communiste ayant rejoint l’URSS en 1945 y aurait été retenu de force, décrété apatride par le régime soviétique, avec quelques séjours dans les goulags les plus éprouvants, pendant 37 ans avant de réussir à s’évader vers l’occident natal.

A propos de Wilderness, Lance Weller (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 22 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Gallmeister

Wilderness, Lance Weller, éd. Gallmeister, 2017, trad. américain François Happe, 346 pages, 10 €

 

De l’endroit où l’auteur écrit. Ou depuis lequel lire un livre. Sans doute cela modifie-t-il la lecture. L’impression. Créer une expérience de lecture. J’ai souhaité lire Wilderness sur l’île d’Hawaï, qu’ici, aux États-Unis, nous appelons Big Island. Big Island, tout simplement parce que c’est la plus grande de l’archipel. Parce que dans les îles dites Américaines, l’histoire n’est pas seulement écrite dans les livres, elle se vit quotidiennement. Elle suinte, elle déborde, elle est un marqueur. Émotionnel. Et dans la langue américaine, les mots sont pragmatiques. La pensée, factuelle. Ce sont des mots comme patrie, serment, camp, communauté, partisan. Des pensées comme autant d’images cinématographiques. Des gueules qui accrochent la cornée et leur histoire tatouée sur l’écran. Les rides, les cicatrices, les plaies comme autant de mots à traduire. Lire Wilderness, c’est assurément renouer avec ces termes-là. Leur application dans le monde dit réel.

Un vent les pousse, Frédéric Bécourt (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 20 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Un vent les pousse, Frédéric Bécourt, Accro Editions, mars 2023, 208 pages, 19 €

 

« L’admiration de Gilles pour sa fille ne connaissait aucune limite. Elle était sa principale force et sa plus grande faiblesse. La source de toutes ses joies, aussi, et l’unique objet de ses angoisses ».

Un vent les pousse est le roman d’une folie, d’une folie administrative et sociale qui va frapper un père et sa fille. Pour quelques mots échangés entre deux jeunes enfants dans la cour de leur école, la machine éducative va s’échauffer et entrer en fusion. La petite Chloé âgée de 5 ans est accusée par une enseignante d’avoir tenu des propos racistes envers un autre enfant, Souleymane : Laisse-moi, tu sens mauvais, … Rentre chez toi, ou rentre à ta maison. Dans les temps du roman, ministère, inspecteurs et enseignants veillent au grain, au bon grain, et à bien le séparer de l’ivraie. Pour cela un protocole est activé, et l’enfant doit être soumise à des tests psychologiques, la vigilance est de tous les instants, chaque mot et réaction des enfants pesés sur la balance sociale.

Manhattan Transfer, John Dos Passos (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 19 Juin 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Manhattan Transfer, John Dos Passos, Folio, février 2023, trad. anglais (USA) Philippe Jaworski, 544 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Grâces soient rendues à Philippe Jaworski, dont on peut de bon droit estimer qu’il a souffert, enfant, adolescent et adulte, de traductions pénibles d’ouvrages anglo-saxons, puisqu’il soigne depuis des années cette souffrance en rendant justice à ces ouvrages ! Et pour le coup, on soupire d’aise : il était grand temps que Manhattan Transfer, le cinquième roman de John Dos Passos et, au passage, l’un des plus importants romans de la modernité soit proposé en français autrement que dans la langue guindée et purificatrice de Maurice-Edgar Coindreau. Certes, ce dernier a œuvré pour la reconnaissance de la littérature anglo-saxonne en France, d’Ernest Hemingway à William Faulkner ou de John Steinbeck à Erskine Caldwell, mais qu’est-ce qu’il pouvait élaguer ! On rêve ainsi à lire Le Petit arpent du bon Dieu en français dans toute sa virulence…

Pour Manhattan Transfer (1925), c’est donc désormais chose faite, que ce passage de l’anglais d’un New York populaire à un français assoupli de ses convenances, et on peut pleinement goûter le propos de John Dos Passos. Jugeons sur pièce avec un paragraphe saisissant, celui de l’accident du livreur de lait Gus, conclusion du second chapitre :