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Roman

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Points

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (1960), Points, 1995, 172 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Une vie foudroyée, un succès foudroyant, un oubli qui ne l’est pas moins. Voilà résumé le passage de Jean-René Huguenin sur cette terre, passage marqué au fer rouge par cet ouvrage en particulier, roman de la jeunesse traversé par les lumières et les ombres qu’elle implique, inévitablement. Huguenin est mort broyé dans une voiture le 22 septembre 1962, à 26 ans, à toute vitesse, dans la cruelle ardeur de son âge. La lecture de son brûlant Journal (Points Signatures) nous découvre un jeune homme ardent, blessé par la mollesse de son époque, fasciné par le dépassement de soi et la recherche de la force de caractère. Tous les témoignages de ceux qui l’ont connu concordent pour dresser le portrait d’un garçon redoutablement séduisant, exerçant une forte influence sur ses camarades, cassant et hautain. Ce jeune homme ressemble fort au héros de ce roman, Olivier, personnage doté d’une grande puissance mais souffrant de blessures intimes aussi irréparables que d’origine mystérieuse.

Elizabeth Finch, Julian Barnes (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Mercure de France

Elizabeth Finch, Julian Barnes, Mercure de France, septembre 2022, trad. anglais, Jean-Pierre Aoustin, 197 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Mercure de France

 

Neil, la trentaine, ex-comédien qui a du mal à se trouver s’est inscrit à un cours pour adultes. Son professeur, Elizabeth Finch, cadre d’emblée la teneur de ses interventions. Son enseignement de « culture et civilisation » fera plus référence à la maïeutique, au dialogue socratique qu’au bourrage de crâne et à la prise de notes. Elle s’adresse à des adultes et souhaite une classe active. Malgré ou à cause de sa vêture : ses chaussures plates, sa jupe qui descend juste au-dessous du genou mais aussi grâce à sa langue juste, précise, son intelligence aiguisée, il émane de sa personne une aura très particulière qui attire entre autres Neil. Ce dernier captivé très vite par ses cours devient un inconditionnel d’E.F. Ainsi, celui qui passait pour un instable, devenu platonicien en herbe ne tarde pas à succomber à ce qu’il faut bien appeler le charme singulier de son professeur. Après avoir entendu un peu de son message sur sainte Ursule et ses onze mille vierges, puis beaucoup plus sur Julien l’Apostat, source inépuisable de « dialogues » il osera l’inviter à déjeuner.

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 07 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper, Gallimard, Folio Classique, juin 2021, trad. anglais, Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret, 690 pages, 11,50 € Edition: Folio (Gallimard)

Présentée, préfacée et commentée par Philippe Jaworski, cette édition, magnifiquement servie par la traduction, dans un français d’une magistrale pureté classique, de Defauconpret de Thulus, permet à tout lecteur, au prix modeste du format Poche, d’embarquer pour une odyssée marine prodigieuse et conséquemment inoubliable.

L’action commence en 1759, précisément le jour où les habitants du lieu, fidèles sujets de la monarchie anglaise, célèbrent la victoire de l’Angleterre sur la France, laquelle perdait là ses colonies américaines et canadiennes, à Newport, alors petit port de Rhode Island, où mouillent deux navires, le Dauphin et la Royale Caroline, dont la présence, la nature, l’équipage, les qualités opératives, l’élégance, la provenance, la destination, l’activité hypothétique constituent, ponctués d’allusions répétées sur les faits et gestes d’un pirate quasi légendaire qui sillonne et écume l’océan en accumulant prises, massacres et autres forfaits, le sujet principal des conversations qui se nouent sur terre, à l’occasion récurrente de rencontres aux circonstances provoquées ou semblant relever du hasard, entre des personnages qui vont et viennent, en un chassé-croisé dont l’intrigante durée narrative suscite une attente croissante d’il ne sait quoi chez le lecteur littéralement (littérairement) captivé.

Trafic, Galien Sarde (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 05 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Trafic, Galien Sarde, Editions Fables Fertiles, avril 2023, 146 pages, 17 €

 

La littérature n’est-elle pas le fil invisible qui relie par-delà les siècles les hommes et les femmes, leurs vies, leurs passions, leurs œuvres et les personnages qui les animent ? N’est-elle pas célébration de l’intemporel, de ce qui demeure au fil des générations ? N’est-elle pas l’écritoire géant de nos quêtes existentielles ? Trafic, le merveilleux livre de Galien Sarde, incarne un peu de tout cela.

Dès les premières pages, on se laisse emporter dans le tourbillon d’une fresque vivante en perpétuel mouvement, à l’image des tumultes de l’existence. Aux « accidents de trafic » (embouteillages, accidents graves, visions cauchemardesques comme ce « visage bandé respirant en réanimation »), succèdent des jeux de lumière qui contribuent à créer une ambiance poétique, onirique et envoûtante. Ainsi, Galien Sarde dépose-t-il ses mots tel un peintre par touches flamboyantes de couleurs, dans un « déluge de lumières ». Il « peint » l’air brûlant de l’appartement où vit le héros, « les rayons de soleil » qui le « flambent », le « criblent » de « lignes étincelantes ». Il recrée des ambiances, immortalise la « féerie solaire » qui règne à proximité du Mississippi, « en se mêlant à l’eau du fleuve », les « teintes charnelles, rose, rouge et or ».

Nostromo, Joseph Conrad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Nostromo, Joseph Conrad, Folio, 1992, trad. anglais, Paul Le Moal, 526 pages . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Un roman d’aventures

Avant d’avancer dans la complexité énonciative et conceptuelle de ce roman-monde, tourbillon polyphonique aux mille voix, il est important que le lecteur sache que Nostromo est d’abord un formidable roman d’aventures, ce que les critiques de ce grand ouvrage oublient trop souvent de souligner. A la manière de ce que feront Gabriel Garcia Marquez et Carlo Emilio Gadda plusieurs décennies plus tard, Conrad fabrique de toutes pièces un état imaginaire, que sa formidable intelligence va rendre plus que vraisemblable, plus que réel : le syntagme des pays d’Amérique Latine du début du XXème siècle, avec leurs révolutions itératives et leur exploitation coloniale endémique. Immense république, le Costaguana (Costa Rica ? Guatemala ?) est le théâtre de ce roman et le territoire de cette geste baroque qui sert, une fois de plus, à dire la répugnance profonde de Conrad devant le fait colonial. On se rappelle la dénonciation des horreurs coloniales dans Au cœur des ténèbres.