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Les Livres

Les petits farceurs, Louis-Henri de La Rochefoucauld (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 17 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Robert Laffont

Les petits farceurs, Louis-Henri de La Rochefoucauld, éd. Robert Laffont, août 2023, 226 pages, 20 € Edition: Robert Laffont

 

« Les maudits, pourtant, ne mènent pas la grande vie. On ne peut pas avoir le spleen et l’argent du spleen. J’ai compris à son contact que je ne serais jamais quelqu’un. Je n’étais pas animé par la même énergie, ni par cette envie d’en découdre. Avoir eu des ancêtres bien placées à la Cour m’avait appris qu’il faut fuir une lumière trop éclatante, la disgrâce n’est jamais loin ».

Les petits farceurs est le roman d’un moraliste qui s’immerge armé de l’art du roman dans une nouvelle Cour, celle des maisons d’édition. Les petits farceurs trouve sa source au cœur de l’amitié entre deux jeunes étudiants, Henri qui devient le narrateur de ce roman, et Paul qui rêve de célébrité romanesque et qui y perdra son talent, ses rêves et sa vie. Henri va un rien gâcher sa carrière universitaire, préférant écrire dans Avant-Garde, un magazine qui « ne parlait que d’artistes louches dont je ne savais rien et de phénomènes générationnels encore plus improbables », il ne va pas y faire fortune mais bien s’y amuser, comme dans une comédie des Marx Brothers.

Vivre avec sans, Adagio maladie, Anne Sultan (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 17 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Récits, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Vivre avec sans, Adagio maladie, Anne Sultan, éditions des femmes Antoinette Fouque, octobre 2023, 64 pages, 12 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Désarticulation

Le titre de ce récit-poème écrit par Anne Sultan (née en 1967, danseuse et chorégraphe durant vingt ans, aujourd’hui autrice et metteuse en scène), Vivre avec sans, sonne comme en un espace dramatique et participe d’une double injonction paradoxale : « vivre avec sens » ou « vivre avec sang ». En effet, une jeune femme tente de survivre malgré un pronostic vital engagé, retrouvant du sens à son existence, perdant beaucoup de sang et souffrant de même… Le texte de l’auteure est construit par de très courtes phrases, certaines pronominales, se réduisant parfois à un seul mot. L’Adagio maladie, c’est le tempo lent de l’affection, du traumatisme.

Récits de Kolyma, Varlam Chalamov (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 16 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Histoire, Editions Maurice Nadeau

Récits de Kolyma, Varlam Chalamov, Editions Maurice Nadeau, Les Lettres Nouvelles, Coll. Format Poche, octobre 2023, trad. russe, Katia Kerel, Jean-Jacques Marie, 350 pages, 12,90 Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Située à 6.000 kilomètres à l’est de Moscou, en Sibérie orientale, la Kolyma a été pendant plus de 30 ans, entre 1930 et 1953, la plus terrible zone de déportation des goulags staliniens.

Varlam Chalamov, l’auteur des Récits de Kolyma, y fut déporté durant dix-sept ans, de 1937 à 1954, accusé d’activités contre-révolutionnaires trotskystes.

En 1965 le texte, jusque-là inédit, en est proposé à Maurice Nadeau sous la forme d’un microfilm susceptible de lui être envoyé de Moscou de façon rocambolesque.

« Une de mes connaissances qui est depuis quelques mois à Moscou m’a fait parvenir par la valise diplomatique une lettre où il me dit posséder le microfilm d’un roman sur les camps de concentration de Staline où l’auteur a passé de longues années. L’homme s’appelle Varlam Chalamov… ». Lettre adressée par Nadeau à Jean-Jacques Marie, qui, lui-même ancien trotskyste, comme Nadeau, en effectue avec Katia Kerel la traduction initiale sous le pseudonyme d’Olivier Simon, pour une première publication en 1969 chez Nadeau dans la Collection Les Lettres Nouvelles.

Ecume, Véronique Bergen (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 16 Novembre 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Editions des Equateurs

Ecume, Véronique Bergen, éditions des Equateurs, Onlit-Roman, août 2023, 416 pages, 21,90 € Edition: Editions des Equateurs

 

Roman d’amour entre deux êtres que tout oppose : un marin en quête d’aventure à l’instar du capitaine Achab pour Moby Dick et une fille à hôtesse embarquée dans une aventure marine à priori pas de son goût. Le roman se veut océanique à dénouer nos désastres écologiques et une mer épuisée : « Cent cinquante millions de tonnes de poissons, crustacés, mollusques, animaux marins pêchés par an en 2021, un plafond dépassé d’année en année, trois millions deux cent mille navires en Asie… ». Dans une nature affolée, la « Mirabelle », le bateau utilisé par les protagonistes « doit comprendre que les trompettes ne sonnent pas le Jugement dernier mais que, sur la grande scène de l’Univers, le ciel, les mers aux abois, se réveillent, reprennent leurs droits ». Le roman se veut également plaidoyer écologique.

Le Banquier anarchiste, Fernando Pessoa (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 15 Novembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Christian Bourgois

Le Banquier anarchiste, Fernando Pessoa, Christian Bourgois Editeur, 2021, trad. portugais, Françoise Laye, 120 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Christian Bourgois

 

« Nous n’avons aucune communication à l’être » (Montaigne, Essais, II, 12)

1- « Je suis pluriel ; je suis innombrable ; à travers mes hétéronymes, je crée les fictions multiples qui me composent, n’étant circonscrit par aucune d’elles, ne me limitant pas à leur somme » : telles ont pu être, un soir pluvieux à Lisbonne, en descendant d’un tram, devant la terrasse d’un café, au milieu de la foule indifférente du Chiado (mais quelle revanche posthume !), face au Tage mélancolique, les méditations d’un promeneur à l’allure presque ordinaire.

Publiée en 1922 dans la revue Contemporânea sous la signature de l’orthonyme, la nouvelle de Pessoa Le Banquier anarchiste déroute depuis cent ans par son titre oxymorique et par sa leçon indécidable : faut-il voir dans ce récit une simple blague ? Un canular, comme il arrivait à l’auteur d’en inventer, illustrant à sa façon le « plaisir aristocratique de déplaire » ou de se contredire cher à Baudelaire ? Un anti-apologue wildien ? Une démonstration par l’absurde de l’inapplicabilité des doctrines anarchistes ? Une anticipation géniale de l’évolution des régimes révolutionnaires ? L’embarras du lecteur, aujourd’hui encore, prolonge le malaise initial.