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Essais

Le snobisme, Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Plon

Le snobisme, mars 2015, 157 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven Edition: Plon

 

Ce petit livre subtil et ironique ne laisse pas indifférent et modifie instantanément le regard que l’on peut avoir sur le snobisme. Car même si on fuit le snobisme, il y a des grandes chances d’en être sévèrement atteint. Dans une dialectique captivante et limite tournoyante, Adèle Van Reeth par ses questions qui piquent là où il fait bon d’appuyer et les éclairages sans tabou de Raphaël Enthoven, les différents visages du snobisme se dévoilent au fur et à mesure dans tout leur paradoxe. Le snobisme ne désigne pas un individu type, mais un comportement qui peut frapper n’importe quel commun des mortels, celui de croire que nos goûts (ou nos pensées) sont supérieurs aux autres. C’est ce qu’appelle R. Enthoven : l’anticartésianisme, soit l’absence de doute.

Mais n’est-il pas surprenant que ce soit un philosophe qui nous explique les rouages du snobisme, alors que cette discipline dégouline à foison de cette image de snobe bien trop intellectuelle ? Contrairement aux apparences, « la philosophie donne les moyens de penser le snobisme ». Alors que l’histoire présente le snobisme comme un phénomène ponctuel et que la sociologie le situe au niveau de la lutte des classes. La philosophie permet en effet d’aller plus loin dans le décorticage de ce type de comportement, qui consiste à vivre comme « indubitables des vérités qui n’en sont pas ».

Le Cerveau à sornettes, Roger Price

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 23 Juin 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Wombat

Le Cerveau à sornettes, avril 2015, trad. de l’anglais (E-U) par Frédéric Brument, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Roger Price Edition: Wombat

 

 

En toute logique, il faudrait éviter de parler du présent livre de Roger Price (1918-1990), puisqu’il s’agit du manifeste « évitiste » absolu. D’un autre côté, respecter la logique lorsqu’il est question des écrits de Roger Price, humoriste de son état, tiendrait quasi de l’absurde. Pas celui de Camus. Celui d’Alphonse Allais.

Reprenons. Préfacé par un Georges Perec de toute évidence sous le charme en 1967, Le Cerveau à Sornettes (In One Head and Out the Other en version originale, 1951) connaît une nouvelle traduction et donc une nouvelle jeunesse aux éditions Wombat, qui le présentent comme un « chef-d’œuvre nonsensique », « un des livres les plus frappadingues de la littérature comique anglo-saxonne » – ce qui a de quoi allécher tout amateur de mauvais esprit.

Artaud et l’asile, Laurent Danchin, André Roumieux

Ecrit par Guy Donikian , le Vendredi, 19 Juin 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Séguier

Artaud et l’asile, janvier 2015, 872 pages, 32 € . Ecrivain(s): Laurent Danchin, André Roumieux Edition: Séguier

 

Séguier se présente comme « l’éditeur de curiosités », et ce à juste titre s’agissant de ce beau volume consacré à Artaud, poète « maudit », mais aussi homme de théâtre, de méningite, littérateur, polémiste, « empêcheur de tourner en rond »… On réédite là le texte d’André Roumieux intitulé Au-delà des murs la mémoire, suivi de la correspondance du Docteur Ferdière, de plusieurs lettres de sa mère et des témoins de Rodez, lieu de son enfermement, à quoi il faut ajouter l’intégralité du dossier médical, inaccessible jusque-là. Notons que la précédente édition, de 1966, n’était pas complète, ne serait-ce que par l’absence du dossier médical et de lettres restées alors inédites.

La (re)lecture du texte d’André Roumieux, infirmier psychiatrique fasciné par le poète, rappelle si besoin les conditions dans lesquelles Antonin Artaud commence une vie difficile. Ce sont tout d’abord des symptômes de méningite à la suite d’un coup reçu sur la tête à l’âge de quatre ans et demi. Soigné, l’enfant, note Euphrasie, sa mère, reste irritable, nerveux, coléreux.

Dictionnaire amoureux de la Méditerranée, Richard Millet

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 17 Juin 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Plon

Dictionnaire amoureux de la Méditerranée, mars 2015, 800 pages, 25 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Plon

 

« C’est la lumière qui unifie la Méditerranée ».

« Retournons vers ces espaces où sont nés le monothéisme et la philosophie. Retournons la leçon de la nouvelle alliance entre l’Orient et l’Occident. Contemplons. Méditons. Vivons » (Contemplation).

Qui mieux que Richard Millet pour nous offrir ce Dictionnaire amoureux de la Méditerranée ? La question posée ne résiste pas longtemps à la lecture vagabonde de cet éblouissant et réjouissant dictionnaire. D’Abraham à Istanbul, en passant par Dalida et Homère, sans oublier Durrell, Hérodote, Lampedusa, saint Paul, l’Art Roman et Port Royal. Justesse du choix des entrées, pensées vives du jeune Français devenu Libanais le temps de l’enfance et de la guerre, éclats et éblouissements de l’écrivain au cœur parfois tendu comme un arc. Le chrétien corrézien baigné de patois limousin, s’ancre avec l’élégance et la force du vicomte de Chateaubriand dans la langue de Giono, René Char, Casanova et Valéry. Question de style et de manière, mais aussi de matière, l’écrivain sait où il met les pieds, il sait la nature des sols, leurs tremblements, leurs forces intérieures et l’éblouissante douceur des arbres qui s’y accrochent, oliviers, platanes et cyprès, arbres méditerranéens, arbres qui s’accordent au ciel et s’accrochent aux regards des hommes.

La France contre les robots, Georges Bernanos

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 11 Juin 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Castor Astral

La France contre les robots, avril 2015, 247 pages, 18 € . Ecrivain(s): Georges Bernanos Edition: Le Castor Astral

 

Une phrase, croisée au détour d’un recueil de citations, suffit parfois à donner envie de lire l’œuvre dont elle est extraite : On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. De cette phrase percutante, d’une actualité troublante, on apprend qu’elle est signée Georges Bernanos (1888-1948) et qu’elle est extraite d’un essai intitulé La France contre les Robots (1947). A ceci près que ce texte écrit en 1945 n’était plus disponible couramment ; grâces soient donc rendues au Castor Astral pour cette réédition bienvenue, des particularités de laquelle il sera question plus loin, dû aux textes inédits qu’elle contient.

Dès les premières pages, Bernanos, qui écrit alors que la victoire alliée se dessine de plus en plus nettement, met en garde : la Révolution doit se faire, peu importe les conséquences, car « si nous pensions que ce système est capable de se réformer, qu’il peut rompre de lui-même le cours de sa fatale évolution vers la Dictature – la Dictature de l’argent, de la race, de la classe ou de la Nation – nous nous refuserions certainement à courir le risque d’une explosion capable de détruire des choses précieuses qui ne se reconstruiront qu’avec beaucoup de temps, de persévérance, de désintéressement et d’amour ».