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Essais

Inscription sacrée, Évhémère de Messène (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juillet 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Les Belles Lettres

Inscription sacrée, Évhémère de Messène, Les Belles Lettres, novembre 2022, trad. Sébastien Montanari, Bernard Pouderon, 330 pages, 45 € Edition: Les Belles Lettres

 

Il faut toujours partir de ce fait tellement massif qu’il en est devenu invisible et que nous n’y pensons même plus : l’écrasante majorité de la littérature gréco-latine a disparu sans retour. Pas seulement les œuvres qui eussent été jugées mineures (et par qui ?), mais des dizaines de tragédies composées tant par Eschyle (nous en avons conservé 7 sur 110) que par Sophocle (8 sur 123) et par Euripide (19 sur 92) ; tragédies dont nous ne connaissons plus que les titres.

Nous savons bien, d’un côté, que la survie de ce qui nous est parvenu à travers vingt-cinq siècles de vicissitudes diverses n’a tenu qu’à une succession de miracles philologiques, improbables, comme le sont tous les miracles ; mais d’un autre côté on ne comprend pas pourquoi ces miracles ne se sont pas produits avec d’autres œuvres (pourquoi avons-nous conservé l’Antigone de Sophocle et pas son Laocoon ou son Iphigénie ?). Car cette disparition semble s’être produite de bonne heure et il n’est pas plausible, quels que soient les fantasmes inavoués ou les idéologies avouées des uns et des autres, d’incriminer les copistes monastiques ou les invasions arabes.

Autobiographie, Charles Darwin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Juin 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Editions Honoré Champion

Autobiographie, Charles Darwin, éd. Honoré-Champion, octobre 2022 (édition par Nora Barlow, rétablissant les passages supprimés de la publication originale), trad. Aurélie Godet, Michel Prum, Patrick Tort, 296 pages, 19 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Oublié aujourd’hui, Ernst von Hesse-Wartegg (1851-1918) fut un ingénieur et voyageur autrichien qui semblait sortir d’un roman de Jules Verne. À peine âgé de vingt-quatre ans, il avait déjà publié un livre sur les machines-outils et un autre sur la faisabilité technique d’un tunnel sous la Manche. En 1875, il communiqua à Charles Darwin une recension d’un de ses ouvrages en le priant de bien vouloir lui faire parvenir une esquisse biographique destinée à paraître dans un journal allemand.

La requête du jeune ingénieur dut consonner avec les préoccupations propres de Darwin, alors sexagénaire, qui se mit à rédiger une autobiographie dont les dimensions dépassèrent vite l’espace éditorial initialement alloué par Hesse-Wartegg (deux colonnes d’un quotidien comme le Times). Darwin écrivit de mai à août 1876 et ne cessa ensuite d’enrichir son manuscrit, qui ne sera publié qu’en 1887, cinq ans après que le grand naturaliste eut été inhumé en l’abbaye de Westminster, comme toutes les gloires de Grande-Bretagne (Shakespeare excepté).

Rimbaud et la Veuve, Edgardo Franzosini (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 21 Juin 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Baconnière

Rimbaud et la Veuve, Edgardo Franzosini, éd. La Baconnière, mai 2023, trad. italien Philippe Di Meo, 120 pages, 17,50 € Edition: La Baconnière

 

Nombreux sont les essais consacrés au grand Arthur, certes pour des raisons parfois très diverses. Sa précocité littéraire, ses amours avec Paul Verlaine, son rejet de la poésie si jeune, ses voyages, ses commerces. Bref, il y a toujours matière.

Le vagabond des lettres françaises a toujours beaucoup circulé : l’Angleterre, la Belgique, l’Allemagne, sans oublier l’Afrique bien sûr ni l’Italie puisqu’il y fit plusieurs séjours. Celui du printemps 1875, en avril-mai, attira d’emblée tous les commentateurs et Ernest Delahaye en parle dès 1891. Rimbaud, arrivé à Milan, a résidé au 39, Piazza Duomo, chez une veuve dont on ne sait rien. Sauf qu’un poème la mentionne sous l’appellation de la « brune ».

Haut-Karabakh, Le livre noir, Eric Denécé, Tigrane Yégavian (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 21 Juin 2023. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Histoire

Haut-Karabakh, Le livre noir, Eric Denécé, Tigrane Yégavian, CF2R, Centre Français de Recherche sur le Renseignement, éditions Ellipses, août 2022, 408 pages, 28 €


Une trentaine de personnalités reconnues répondent dans cet ouvrage au silence « assourdissant » de l’absence médiatique et internationale qui maintient une méconnaissance de la guerre qui a sévi au Haut-Karabakh, et du blocus actuel maintenu par l’Azerbaïdjan. Ce sont des comédiens, des essayistes, des universitaires, des religieux qui s’expriment pour s’indigner et alerter une opinion mondiale bien frileuse quant à ce désastre humanitaire, culturel… Si toutes les guerres sont « sales », certaines le sont d’autant plus qu’elles se font dans une indifférence coupable.

Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, Peter Burke (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Juin 2023. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les Belles Lettres

Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, Peter Burke, Les Belles-Lettres, septembre 2022, trad. anglais Christophe Jaquet, 256 pages, 23,50 € Edition: Les Belles Lettres

 

Publié en 2004, What is cultural history ? a mis dix-huit ans à se voir traduit en français. On a connu pire, mais également mieux en matière de délais (la présente traduction souffre de faiblesses intermittentes, qui parle d’Ernst Robert Cassirer et d’Ernst Curtius, et aurait dû être relue de plus près). Ce livre offre un regard panoramique sur une discipline parfois mal-aimée ou mal-identifiée, en tout cas non enseignée dans l’Université française, et permet, comme tout panorama, d’apercevoir de nouveaux horizons.

L’histoire cultuelle naquit – premier paradoxe – dans un espace linguistique qui n’était pas encore un espace politique, l’Allemagne d’avant l’unification bismarckienne. Une véritable frénésie érudite s’était emparée des esprits allemands avant la naissance de l’Allemagne en tant qu’État et elle durait encore lorsque le pays s’effondra, quelques décennies plus tard. Mais – second paradoxe – deux des noms fondateurs de la discipline furent, l’un suisse (Jacob Burckhardt), l’autre néerlandais (Johan Huizinga).