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Les Dossiers

Conjecture sur l'hybridité

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 03 Mai 2013. , dans Les Dossiers, Etudes, La Une CED

 

À l’occasion de l’exposition Africa remix au Centre Georges Pompidou, qui a eu lieu de mai à août 2005 dans la galerie 1 du musée, les Editions du Centre Pompidou avaient publié un petit catalogue qui donne à voir, avec assez de précisions, des travaux d’arts visuels issus des activités des plasticiens africains contemporains. C’est un peu par hasard que j’ai acquis ce livre, dans une bouquinerie pour tout dire, et j’ai trouvé que le parti de montrer les œuvres sans presque de commentaires ni préface, était intéressant et remarquable. En tout cas, il m’a inspiré cette petite rêverie sur l’hybridité, et j’espère que cette discussion trouvera un écho et pourra se justifier de ce bon fondement. Car, comme dans l’entrée Ville et terre du catalogue, j’ai découvert une sculpture de Bodys Isek Kingelez, qui imagine un Kinshasa du troisième millénaire, l’Afrique m’a bondi aux yeux. Oui, avec ces espèces de bouteilles thermos des années 60 en guise d’immeubles – ou est-ce le contraire ? – ces constructions de lego qui figure des buildings et des gratte-ciel futuristes, je me suis trouvé bien à l’aise pour commencer de disserter en moi-même sur la porosité de l’expression africaine contemporaine, en tout cas telle que la propose cette exposition, et surtout le catalogue qui en est issu.

Insurrections arabes et impensé démocratique (I), Smaïn Laacher

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 26 Avril 2013. , dans Les Dossiers, La Une CED, Entretiens

 

Entretien Nadia Agsous avec Smaïn Laacher

 

Le dernier ouvrage du sociologue et chercheur S. Laacher traite des soulèvements et protestations publiques qui ont eu cours dans plusieurs pays arabes. L’entretien qui suit nous éclaire sur un certain nombre d’aspects que le chercheur a observés au plus près des pratiques des acteurs et des actrices de ces mouvements qui, de son point de vue, ne sont ni des « réveils » ni des « printemps » ni des « révolutions ».

 

Nadia Agsous : De votre point de vue, l’immolation par le feu « est un acte d’accusation porté contre la puissance publique et les puissants eux-mêmes ». Ce geste n’a-t-il pas une signification politique ?

Propos sur Poèmes d'août de Maria Ângela Alvim

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 09 Avril 2013. , dans Les Dossiers, Etudes, La Une CED

 

Quelques propos sur les Poèmes d’août, Maria Ângela Alvim, ed. Arfuyen, coll. Ombre, 2000, 14 €

 

Hymne aux choses abstraites

 

Comment expliquer le choix de livrer quelques mots sur ce livre paru en 2000 aux éditions Arfuyen, de la poétesse Maria Ângela Alvim, sinon, comme si l’idée des anges de la grâce – chère au cœur de Jean Tauler – pouvait s’appliquer au monde des livres. Car, je ne sais plus depuis quand ni pourquoi ce livre est dans ma bibliothèque, ni pourquoi encore une fois, je l’ai sorti du rayonnage, sinon par une vive nécessité – qu’expliquerait peut-être la mystique rhénane. Je dis « encore » mais il faudrait dire « à nouveau ». Comme quelque chose de non concret, de diffus, qu’il faut recommencer. Juste cette musique qui va l’amble de la musique des poèmes, tout à fait baignés de la lumière crépusculaire du suicide de Maria Ângela en 1959 à l’âge de trente-trois ans.

La chair du théâtre - Mettre en scène Perplexe de Marius von Mayenburg

Ecrit par Marie du Crest , le Samedi, 06 Avril 2013. , dans Les Dossiers, La Une CED

 

Peu de gens en vérité lisent du théâtre, cette lecture semble réservée à des pratiques scolaires puis universitaires. Musset a écrit, un peu par dépit, des pièces « dans un fauteuil », destinées selon lui à la lecture. La postérité lui donna tort. Le théâtre est texte et chair. Et c’est justement cette confrontation intellectuelle et sensible qui fait sa grandeur, son essence. Le théâtre contemporain pose souvent de manière aigüe le passage de l’un à l’autre. Que pourra être l’incarnation de ce texte sur un plateau ? Comment jouer ça ?

Perplexe est une œuvre dont la réalisation scénique est affaire de théâtre. Les personnages sont des comédiens en devenir. La pièce a été d’abord créée en Allemagne par l’auteur. Il s’appuyait sur un principe particulier, à savoir celui de donner aux personnages les noms véritables de ses comédiens : Eva, Judith, Robert et Sebastian. Les prénoms du réel et de la fiction théâtrale se superposent. G. Chavassieux, lors de la création française, reprend ce système. Jeanne et François ; Antoine et Sophie, sont bien les membres du collectif ILDI ! ELDI. Toutefois la traduction apporte quelque chose de différent à la version originale, un éloignement de la germanité avec ces prénoms français.

Plein écran (2) - La grande bouffe, Marco Ferreri

Ecrit par Sophie Galabru , le Mercredi, 03 Avril 2013. , dans Les Dossiers, La Une CED, Côté écrans

Inscrit au titre de grand classique du cinéma français, ce film de Marco Ferreri séduit d’autant plus qu’il réunit quatre des plus grands acteurs du XXe siècle ; Michel Piccoli – Les choses de la vie, Vincent François Paul et les autres, Milou en mai – Marcello Mastroianni – Huit et demi, La dolce vita, Divorce à l’italienne –, Ugo Tognazzi – La tragédie d’un homme ridicule, La cage aux folles, L’amour à la ville Philippe Noiret – Le vieux fusil, Le juge et l’assassin, La vie et rien d’autre.

Le film n’a pas la prétention des grandes histoires : pas d’action principale, ni d’intrigue, ni de suspens : ces quatre amis se réunissent le temps weekend, ou plus si la jouissance de la mort l’exige, afin de se délecter sans limite de tout ce que la vie peut réserver de meilleur : sexe, amitié, luxe, rencontres impromptues, et surtout grande bouffe. L’idée n’est pas de jouir mais de mourir : s’empiffrer plus que déguster, mourir plus que bien vivre, se séparer plus que se réunir. C’est toute la problématique d’un film qu’on pourrait dire vouloir simplement choquer. Comment la vie dans son excès conduit à la mort ? Comment le trop plein du jouir n’est que l’autre versant du mourir ? Pourquoi vie et mort n’ont pas de frontière ? En quoi la surconsommation contemporaine, capitaliste, occidentale semble accompagner voire porter ce plaisir nihiliste et mortifère ? Ce qui choque n’est-ce pas davantage que le plaisir puisse dissimuler l’envie de mourir ? Que le plaisir ne soit pas la fin mais le moyen d’une fin plus ultime : la mort ?