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Les Dossiers

Entretien avec Chris Womersley, à propos du livre "Les affligés"

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 21 Juin 2012. , dans Les Dossiers, La Une CED, Entretiens

Propos recueillis par Yann Suty

 

Votre livre va dans plusieurs directions. Il est difficile à rattacher à un genre en particulier. Drame de l’après-guerre ? Histoire de vengeance ? Fantastique ? Roman gothique ? Western ? En tout cas, c’est un livre riche en interprétations. Est-ce que c’était une volonté de votre part de faire un livre insaisissable, qui nous embarque sur de multiples pistes ? Qui s’amuse même à nous tromper ?

 

Je suis ravi que vous le décriviez comme un livre riche et je pense que c’est entre autres ce qui fait son intérêt : il peut plaire à des personnes aux goûts littéraires variés. J’ai été inspiré par de très nombreuses sources, du roman d’Emily Bronte, Les Hauts de Hurlevent à L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Même si ce n’était pas mon intention première d’explorer autant de genres, je voulais tout de même écrire un livre qui puisse être perçu de multiples façons, tant en ce qui concerne les thèmes que les personnages. J’aime l’ambiguïté fictionnelle, donner aux lecteurs plus de questions que de réponses.

Léon Tolstoï, les chemins de la misère

Ecrit par Nadia Agsous , le Jeudi, 31 Mai 2012. , dans Les Dossiers, Etudes, La Une CED

 

Les chemins de la misère, Léon Tolstoï, Editions de l’Herne, 2012, 63 pages, 9,50 €

 

Le 9 février 1909, le Comte Lev Nikolaïevitch Tolstoï écrivait dans son journal :

« Je viens de voir un misérable, un moujik, un ancien soldat, qui s’exprime avec des mots étrangers, inutiles, mais leur sens est le même : la haine à l’encontre des gouvernants, des riches, la jalousie et une façon de se justifier de tout. Un être épouvantable. Qui a fait cela ? Les révolutionnaires ou le gouvernement ? Les deux ».

A travers ce paragraphe, L. Tolstoï décrit un tableau qui s’inspire d’une réalité sociale qui sévit en Russie. C’est ainsi qu’il nous introduit d’emblée dans le thème central de cet essai totalement consacré au monde paysan vivant dans les villages à proximité de sa demeure située près de Toula. Par ailleurs, en centrant son propos sur les paysans et sur leurs conditions de vie extrêmement précaires, il nous informe du contexte politique russe des années 1908 et dévoile son positionnement à l’égard du gouvernement russe, d’une part. Et des révolutionnaires, d’autre part.

A propos de "La mort aux trousses" d'Hitchcock. Deux lectures

Ecrit par Yasmina Mahdi, Didier Ayres , le Mardi, 22 Mai 2012. , dans Les Dossiers, Etudes, La Une CED

1. Synopsis 1959

"La Mort aux trousses"d'Alfred Hitchcock par Yasmina MAHDI

 

Sous le titre français qui sonne comme celui d'un roman policier, on voit au générique le vrai nom anglais, "North by Northwest", enroulé comme un noeud de Moebius, c'est-à-dire une impasse, un nom qui ne veut rien dire. Un titre qui, comme le plan de la plongée vertigineuse du haut du toit de l'immeuble des Nations-Unies à New-York sur le bassin circulaire et le jardin qui s'arrondit en coin, le tout encadré et bloqué par les fenêtres cellulaires du gratte-ciel, se trouve sans issue. Comme un constat. Une vision aveugle. Un angle mort. Le film est célèbre car chacun s'est approprié la course-poursuite d'un homme traqué, se retrouvant seul attaqué par un avion. Détournement du sens ou anticipation de détournements d'avions ? Guerre froide derrière le saupoudrage d'informations, (nocif comme l'épandage), d'images de femmes et d'hommes élégants, impeccables, - sorte de gravure de mode des années 60 -, adeptes du modernisme, (et de l'individualisme), du bien-penser et du bien-manger, agents de la propagande d'un peuple sain d'Amérique ? Continent débarrassé de ses scories, espions venus de l'Est, trafiquants, usurpateurs politiques ?

Voyage avec Frédéric Boyer dans la question brûlante du "nous" (2)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 12 Mai 2012. , dans Les Dossiers, Etudes, La Une CED

 

Frédéric Boyer, Phèdre les oiseaux, suivi de Texte pour une voix off (Thésée) et de Chants pour d’autres voix, P.O.L, 2012, 106 pages, 12 e ; Personne ne meurt jamais, P.O.L, 2012, 170 pages, 13 € ; Techniques de l’amour, P.O.L, 2010, 83 pages, 10,65 €

 

L’on sait en outre que l’amour est tout sauf commun, quand bien même il est la chose la moins inattendue. Cette expérience de l’amour, parce qu’elle est partagée par tous, est commune à chacun d’entre nous. Mais alors, l’amour serait-il lui-même commun ? L’on pourrait le penser. Car l’on aime finalement dès l’aube de sa vie. « Dès le ventre de [s]a mère [on] aim[e] quelqu’un ». En réalité, il n’en est rien. L’amour revêt toujours un caractère inédit. On aime toujours pour la première fois, quel que soit le nombre de fois où l’on a pu aimer, du reste. L’amour est toujours une première fois. Comme si, en aimant, en tombant amoureux puis en laissant l’amour s’installer en lui, l’amoureux naissait à sa vision, à son ressenti pour la toute première fois. Naissait à lui-même, en même temps qu’au monde, et à la vie.

L'étranger dans l'art (3)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 09 Mai 2012. , dans Les Dossiers, Etudes, La Une CED

 

Les nations européennes se vautrent dans l'opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s'est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l'Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l'oublier.

"Les Damnés de la Terre", Frantz Fanon

 

Deux dates cadrent étrangement: la mort de Matisse le 3 novembre 1954 et le début de l'insurrection algérienne le 1er novembre 1954. Les poncifs de la "grande nuit orientale", de ses "mystères impénétrables" sapent les traces de l'histoire et la violence de ses rencontres, d'"une nuit sans fin qui met à l'abri" [le sujet] "des réveils de l'histoire". (P. Vaudray) Les arts d'Afrique, d'Asie et d'Océanie, sont exposés dans différents musées, objets éparpillés, privés de leur sens initial, méconnaissables, fragmentaires. Ils survivent comme trophées vêtus de la domination occidentale.