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Critiques

Kif, Laurent Chalumeau

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

Kif, octobre 2014, 457 pages, 22 € . Ecrivain(s): Laurent Chalumeau Edition: Grasset

 

Certains parleront, après avoir lu ce roman, de langue littéraire évoluée, ou pour le moins évolutive. D’autres y verront d’intolérables, de scandaleuses atteintes à la « belle » langue française.

Kif n’échappera ni à l’une ni à l’autre de ces critiques.

Mais le lecteur qui ouvre un livre avec l’espoir d’y vivre quelques heures de pur plaisir aimera l’audace linguistique de l’auteur et la contextualisation réaliste que le langage utilisé procure à l’histoire.

L’histoire, c’est celle de petits malfaiteurs dont la nullité opératoire n’a d’égale que leur absence de scrupules et la médiocrité de leurs ambitions délictuelles. On croit revoir Les Pieds Nickelés. On a des réminiscences de San Antonio. On est dans le registre de la cinématographie du genre « Faut pas prendre les oiseaux du bon Dieu pour des canards sauvages ». Bref, on se marre.

Alaska, Melinda Moustakis

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Récits, Gallmeister

Alaska (Bear Down Bear North), octobre 2014, traduit de l’américain par Laura Derajinski, 216 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Melinda Moustakis Edition: Gallmeister

 

L’Alaska est pour nous une terre bien lointaine, un pays méconnu, surtout habité par la neige et quelques ours. Nous imaginons aussi qu’il y traîne quelques prospecteurs. Le pays que nous fait découvrir Melinda Moustakis avec ce recueil de nouvelles est bien un pays où les choses peuvent devenir des expériences limites, extrêmes. Entre les jours et les nuits interminables, le froid et les rivières puissantes comme les saumons qui les peuplent, les forêts immenses où vivent et meurent les élans et où se perdent les chiens, les humains doivent batailler pour vivre, survivre et tout simplement trouver leur place.

L’Alaska dans laquelle l’auteur nous entraîne n’est pas vraiment celle que l’on propose aux touristes, pas plus que celle de ceux qui viennent y travailler pour en repartir dès que possible. Hors de la grande ville, Anchorage, nous côtoyons ceux qui toujours ont vécu là, qui toujours continueront d’y vivre. Ici, la vie se réduit souvent à l’essentiel et on n’y a rarement le temps d’y faire de la littérature, même si entre cuites et bagarres, entre pêche et poisse, il y a aussi place aux récits que l’on ressasse au fur et à mesure que s’égrènent les vies.

Au nom des Indiens, Une histoire de l’évangélisation en Amérique espagnole, Bernard Lavallé

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire, Payot

Au nom des Indiens, Une histoire de l’évangélisation en Amérique espagnole, octobre 2014, 432 pages, 29 € . Ecrivain(s): Bernard Lavallé Edition: Payot

 

Les relations historiques réservent quelquefois des présentations qui défient une logique très conventionnelle. Certains usages sémantiques qualifiant des situations globales procurent également ce sentiment. Ainsi, pour la vieille Espagne du Moyen Âge finissant, et par un étrange concours d’appellations, la Reconquête précéda-t-elle assurément la Conquête. Manière en quoi le Musulman almohade y perdit d’ailleurs aussi son latin. Charles Quint, un souverain qui, par comble, ne parlait pas un traitre mot de la langue de ses sujets, deviendrait ensuite et pourtant le premier monarque fédérant les Espagnols sous sa couronne. Egalement, désignerait-on sans tarder par « Indes » le continent américain. Colomb, un Génois alors plutôt italien, serait à cette occasion le tout premier conquérant ibérique, et sa nouvelle route des épices serait autrement celle de l’or. Si l’on considère cette fois le cas d’Eglise durant ces mêmes chroniques, tout aussi renversé pourrait se voir un certain agencement des choses et, pour ainsi dire même, l’ordre des ordres.

Proust et la guerre, Brigitte Mahuzier

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 05 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

Proust et la guerre, collection Recherches Proustiennes, n°29, février 2014, 192 pages . Ecrivain(s): Brigitte Mahuzier Edition: Editions Honoré Champion

Proust n’est pas considéré comme l’un des écrivains de la Grande Guerre. De ce fait, le thème de la guerre est très peu présent dans la critique proustienne, tant française* qu’anglo-saxonne. Et pourtant…

A la recherche du temps perdu fut en grande partie écrit et réécrit pendant et juste après la première Guerre Mondiale. Si ce roman a pris les proportions qu’on lui connaît, c’est directement à cause de la Guerre, qui a suspendu la publication des deux volumes qui devaient suivre Du côté de chez Swann.

Si l’irruption de la Grande Guerre fit dévier le projet original de Proust, c’est, écrit Brigitte Mahuzier, « dans cette déviation qu’il faut voir dans la Recherche un texte dont la modernité est d’être précisément là où on ne l’attend pas, et une tentative de la part d’un Proust à la fois stratège et tacticien, de faire de son roman la Grande Œuvre de la Grande Guerre ». Stratège et tacticien, Proust ? Mahuzier développe, en son essai, cette séduisante hypothèse, arguant que la Recherche doit être considérée « comme champ de bataille », avançant que ce grand roman n’est pas une « arche » de Noé mais une arche militaire, l’écrivain n’étant pas, à ses yeux, un conservateur du passé (ce que l’on a dit avec une harassante récurrence de Proust) mais un « témoin de la modernité militaire, menant sa propre guerre, se posant les mêmes questions stratégiques et tactiques qu’un général sur un champ de bataille ».

Le secret de Samuel Liberman, Gérard Netter

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 04 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le secret de Samuel Liberman, Éditions Complicités, octobre 2014, 316 pages, 22 € . Ecrivain(s): Gérard Netter

 

« Un roman est une vie prise en tant que livre » (Novalis)

En décidant d’ouvrir le roman Le secret de Samuel Liberman de Gérard Netter paru en octobre 2014 aux éditions Complicités, l’auteur oblige le  lecteur à entrer dans une forêt touffue. Comme dans certains contes, le livre pourrait commencer par « Il était une fois… »

Un père âgé meurt trois ans après sa femme Annah. Une ascendance s’éteint. Alors, une quête s’amorce qui conduit le personnage principal à défricher un enchevêtrement inextricable au sein d’une famille avec toute une suite de ramifications imprévisibles.

Pour se lancer dans cette écriture, l’auteur embarque comme viatiques des souvenirs, des sensations, des émotions, l’histoire d’une époque, son imaginaire et ses mots. Il délimite ainsi le territoire d’une intrigue qui tourne autour de l’héritage et de sa transmission. Et toute une série de questions s’ouvrent alors.