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Bassin méditerranéen

L'épître des ombres et des trombes, Ibn Shuhayd

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 24 Mai 2013. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Récits, Sindbad, Actes Sud

L’Epître des ombres et des trombes, texte établi, annoté et traduit de l’arabe par Philippe Vigreux, mai 2013, 116 pages, 20 € . Ecrivain(s): Ibn Shuhayd Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Le chant audacieux de Ibn Shuhayd

 

L’ouvrage est composé de trois parties accompagnées d’un prologue. Dans cette ouverture, ivre de poésie, Ibn Shuhayd compose. Cependant, il se rend compte assez vite de son manque d’inspiration. Cet état l’aurait plongé dans le désespoir s’il n’avait pas rencontré un allié bien particulier : « A ce point je restai court et le souffle tari. Je vis alors à la porte du lieu où j’étais assis un cavalier monté sur un cheval noir autant que l’était sa barbe (…) ». Il s’agit de son génie inspirateur qui désormais l’accompagne et l’aide dans sa tâche : « Depuis lors Abû Bakr dès que mon souffle se tarit, que je perds le fil de mon idée ou qu’un tour me fait défaut je n’ai qu’à chanter ces vers et mon ami m’apparaît ». Avec cette aide venue d’un autre monde, le poète ne peut que réussir dans son entreprise. D’autant plus qu’il fera sur le dos du cheval de son Génie bienfaiteur un merveilleux voyage. Il traversera des mondes inconnus, il foulera des terres lointaines et fabuleuses où il discutera avec les Génies et Djinn pour les obliger à louer son œuvre.

Tombé hors du temps, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Seuil, Moyen Orient

Tombé hors du temps, traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses, 199 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

« Il y a

Une respiration il y a

Une respiration dans

La douleur il y a

Une respiration » (p. 196)

 

dit la voix de l’enfant du centaure, en lui.

Une respiration, peut-être quelque chose qui prend à l’extérieur, et qui rejette de l’intérieur, quelque chose qui traverse, un passage. Une respiration, en musique, c’est aussi une pause, avec tout ce qui y passe (« elle peut – la respiration – alors être indiquée par un signe en forme de virgule ou d’apostrophe placée entre deux notes » (Larousse). Pause dans la douleur ? La douleur respirant, vivant d’elle-même ? Se reconstituant autour de son cœur même ? Accommodement de tous les êtres, dans la ville de ce livre-là qui ont pour point commun, point de fuite, d’avoir perdu un enfant.

Ce que le jour doit à la nuit, Yasmina Khadra

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 12 Octobre 2012. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Pays arabes, Pocket

Ce que le jour doit à la nuit, 2009, 441 p. 7,60 € Edition: Pocket

 

Qu’est-ce qui détermine la vie d’un homme ? Sa condition sociale, ses origines, ses antécédents culturels, son enfance ? Sans céder jamais à un schématisme facile, Yasmina Khadra nous invite dans ce roman à une double traversée : celle du destin de Younes Mahieddine, jeune algérien vivant dans un village, misérable, nommé Jenane Jato, dans les années trente, et celui de son pays : l’Algérie.

Ce personnage, dont la maison familiale a brûlé, et dont le père s’éloigne de sa famille pour des raisons tant matérielles que morales, est confié à son oncle, un musulman éclairé, progressiste vivant avec une européenne, Germaine, gérante d’une pharmacie à Rio Salado, dans les environs d’Oran. Après avoir découvert la misère dans son village d’origine, l’analphabétisme, la discrimination sociale, toujours présente en filigrane dans le roman, il se frotte au milieu des colons européens ; y découvre l’amitié de certains personnages, André, Fabrice, Jean-Christophe, tous épris du désir de vivre follement leur jeunesse et de profiter de la vie, malgré les nuages qui s’amoncellent sur l’Algérie coloniale.

Murtoriu, Marc Biancarelli

, le Mercredi, 19 Septembre 2012. , dans Bassin méditerranéen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Murtoriu (Le glas), trad. du corse par Jérôme Ferrari, Marc-Olivier Ferrari et Jean-François Rosecchi, 5 septembre 2012, 270 p. 22 € . Ecrivain(s): Marc Biancarelli Edition: Actes Sud


Marc-Antoine Cianfarelli vit à contre-courant. Se définissant lui-même comme un poète raté doublé d’un libraire raté, il choisit de fermer boutique dès que l’été fait déferler sur la Corse son flot de touristes ; il se rend alors dans le berceau de sa famille, les Sarconi, « un petit village blotti dans sa coquille, asphyxié entre les pins et les châtaigniers ». Dans ce repaire, il se plait à goûter des moments de grande paix « enveloppé par une nature sublime et généreuse ». Pourtant, de tels instants sont rares ; la solitude et l’absence de femmes pèsent au libraire et dès qu’il revient en ville, la vanité de la société actuelle l’horripile. Il se met à ruminer et à déblatérer, ici sur les politiciens, là sur les pistonnés, ou encore sur les « pinzuti  et les lucchesi que l’été vient vomir sur nos côtes ». Personne ne trouve grâce à ses yeux. Les Corses sans doute encore moins que les autres. D’ailleurs Marc-Antoine qui n’a appris la langue corse que sur le tard, à un moment où ses locuteurs étaient déjà regardés de haut, se sent-il tout à fait corse ? On peut en douter quand il confie : « j’ai compris que j’avais toujours été un étranger. Les vieux me menaçaient de leur bâton, me forçaient à parler aux chiens, les gamins qui attendaient le car avec moi voulaient me renvoyer sur le bateau et les gens d’aujourd’hui me menaçaient de leurs sourires en coin et de leur regard condescendant ».