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Né sous les coups, Martyn Waites

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Août 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Rivages/Thriller, Recensions, Iles britanniques, Polars, Roman

Né sous les coups (born under punches) 21 août 2013. trad de l’anglais Alexis Nolent. 459 p 22€ . Ecrivain(s): Martyn Waites Edition: Rivages/Thriller

 

Si vous n’avez pas une grande sympathie pour « la dame de fer », Margaret Thatcher, la lecture de ce livre vous la fera détester à jamais. L’action de ce roman se situe alternativement dans deux époques : « maintenant » et « avant ». « Avant » c’est 1984 avec en fond d’écran permanent et souvent même au cœur de l’action, la dernière grande grève ouvrière en Angleterre, la grève des mineurs du printemps 84, écrasée par la répression du gouvernement Thatcher. 1984, l’Angleterre bascule dans une nouvelle ère, sinistre. Comment ne pas évoquer, au passage, le 1984 de George Orwell ?

« Les temps modernes, tels que nous les connaissons, ont débuté le lundi 28 mai 1984. (…) C’est ce jour-là que notre pays a changé pour toujours, que la bombe à retardement a été enclenchée et le compte à rebours lancé. Et où ce singulier événement a-t-il eu lieu ? A Orgreave, près de Rotherham, dans le South Yorkshire. »

Ce jour-là, et Martyn Waites nous le fera vivre au plus près, la police aux ordres du gouvernement Thatcher écrase la dernière manifestation des mineurs dans le sang. C’est une certaine idée de l’Angleterre qui meurt, celle des trade unions, des confréries, des camarades, des solidarités dans les quartiers. « Maintenant », c’est autre chose :

La trilogie babylonienne, Sébastien Doubinsky (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Août 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman

La trilogie babylonienne, Traduit de l’anglais par Sébastien Doubinsky. 209 p. 20 € . Ecrivain(s): Sébastien Doubinsky Edition: Joelle Losfeld

 

Que ce soit dit d’entrée – et ici écrit – Sébastien Doubinsky est un architecte et un styliste. Sa maîtrise de l’art romanesque en est époustouflante.

Architecte. Tout dans ce livre est bâti en passerelles, en arc-boutants, en galeries de ronde, en abymes, en correspondances. Un « narrateur », passablement déjanté, caché derrière des masques de couleurs, nous l’annonce d’ailleurs dans le premier volet du triptyque. Comme un guide qui nous indiquerait grosso modo le chemin dans les méandres, seuils et répliques de la narration. Dans une amusante adresse au lecteur :

« Ah vous êtes là… Déjà ?... On aurait dû me prévenir… Enfin, ne vous inquiétez pas, je vous en prie… Cette histoire finira par prendre tout son sens – Du moins, je l’espère. On n’est plus sûr de rien de nos jours. »

Même les chiens, Jon McGregor

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 22 Juillet 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Roman, Christian Bourgois

Même les chiens (Even the dogs). Trad. de l'anglais par Christine laferrière. 276p. 18€ . Ecrivain(s): Jon McGregor Edition: Christian Bourgois


Même les chiens est un grand livre, de ceux que l’on n’oublie pas. Il vient d’emblée se ranger dans ces moments de lecture qui nous changent pour un moment, pour longtemps, pour toujours sûrement. Il est aussi un de ces moments de découverte d’une écriture authentique, d’un rapport intense et minutieux à la langue. Il établit encore, s’il le faut, que l’écriture est toujours une toile qui se tisse serrée, complexe, entre un récit, des êtres et un rythme. Avec Jon Mc Gregor, il faut écrire rythmes, bien pluriel, tant son halètement narratif nous prend sans cesse à contrepied, de la langueur douloureuse des fantômes errants à la trépidation effrénée des récits de guerre ou aux trous de langage de l’addiction quand elle se brise sur le manque. Jon McGregor enferme chaque repli du désêtre de ses personnages dans une poétique de l’errance.


« Mike ne l’avait jamais arnaqué sur un coup sauf une fois, ou bien deux fois, et ça c’était différent ça ne

Des gosses montaient la cage d’escalier en criant et en cassant des bouteilles alors il est retourné de l’autre »

Freedom, Jonathan Franzen

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 21 Juillet 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

Freedom, trad anglais (USA) par Anne Wicke, 718 p. 24€ . Ecrivain(s): Jonathan Franzen Edition: L'Olivier (Seuil)


Quel est l’objet (« objet petit a » dirait Lacan, désignant ainsi l’objet illusoire du désir) de la littérature ? Ou de la lecture pour être plus précis dans le moment de l’acte littéraire. Sempiternelle question de la quête. Mille réponses on le sait, parmi lesquelles, fréquentes, celles de la force des caractères, de la trépidation d’une histoire, de la magie d’une langue, de l’émotion nichée dans les recoins des phrases, en bas de la page 99 (toujours la page 99) et qui vous prend à la gorge parce que tout à coup, vous savez que l’auteur parle de vous, par exemple.

Etrange début pour un papier critique sur un livre. Nécessaire cependant pour expliquer ce qui constitue la collision entre « Freedom » et le déferlement médiatique qui l’a précédé avant son arrivée en France ! Rarement livre ne fut encensé avec tant d’élan outre-Atlantique, avec même couverture du Time ! « Freedom » est LE roman américain d’aujourd’hui peut-on y lire.


Et après la page 199 (pour rire), on se demande pourquoi.

Sans amour, Pierre Pachet

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Juillet 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Denoël

Sans Amour, Denoël. 150 p. 13€ . Ecrivain(s): Pierre Pachet Edition: Denoël

Pierre Pachet est un homme à femmes. Dans ce récit !... A un point tel que la différence sexuelle même s’efface dans son écriture. Les premières pages de « Sans amour » font parler une narratrice – une vieille dame solitaire – qui dit « on » et, par un glissement presqu’imperceptible, un narrateur s’y substitue, un « je » dans lequel il est facile de reconnaître l’écrivain. L’identification aux vieilles dames seules – poussant caddie dans les grandes surfaces et portant des sacs de provisions trop lourds  pour elles avant  de rentrer chez elles manger seules ce qu’elles n’aiment même plus – est une subversion du regard habituel sur l’âge et sur le sexe. La solitude n’est pas le propre des femmes, des veuves : elle est la compagne obligée de l’un ou l’autre du couple dans l’accomplissement du vieillissement. Elle est rivée au destin des êtres.

Cependant les femmes hantent ce livre, « … Ce livre de ma solitude, que je ne pourrais pas écrire si quelqu’un vivait avec moi, avait à subir mes hésitations, ma curiosité indiscrète et incertaine ». Elles sont comme une ponctuation essentielle et consolatrice d’une vie. Depuis les beautés conquérantes et ravageuses de la jeunesse aux beautés complexes, lucides et rieuses de l’âge mûr ou de la vieillesse. Des corps triomphants et aimés aux corps « intouchés » qui s’abandonnent peu à peu. Des corps nus de l’amour aux corps nus de la mort. Pierre Pachet assume, comme une évidence, sa fascination pour ces « fantômes » qui ont été comme des havres de paix lui souhaitant, lui construisant, sa part de sagesse.