Identification

Articles taggés avec: Levy Leon-Marc

Mon ennemi mortel, Willa Cather

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages poche, Roman, USA

Mon ennemi mortel (My mortal enemy, 1927), février 2016, trad. américain Marc Chénetier, 101 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Willa Cather Edition: Rivages poche

 

Ce petit roman est un grand moment littéraire. Willa Cather est certes une (grande) auteure américaine, mais ici, elle se joue de la littérature anglo-saxonne pour épouser l’univers, les personnages, le style de nos grands nouvellistes français. Comment ne pas penser à Maupassant, mais aussi à Mérimée, Sand, Flaubert, et encore (surtout ?) Barbey D’Aurevilly, en lisant cette délicieuse histoire tissée autour d’un portrait de femme étonnant. On peut y ajouter, pour ne pas être trop chauvin, un air de Stefan Zweig.

Tous ces « parrainages » littéraires n’amoindrissent en rien l’originalité de Willa Cather. Son écriture d’abord, d’un naturel sans aucun maniérisme, même quand elle use de formes grammaticales doucement surannées (et bellement relayées par la traduction fluide de Marc Chénetier). Ainsi, la description physique des personnages – ici du personnage central – par exemple, détaillée à l’extrême et très « Vieux Monde » :

Editorial : De la chose à La Cause Littéraire (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Avril 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Editoriaux

 

Depuis le XIXème siècle, et l’avènement de l’ère des grands médias écrits, la littérature possède simultanément deux vies : la sienne propre, celle qui se nourrit et croît de l’esprit, de l’âme et du sang des poètes, des écrivains. Et celle que lui (re)donnent tous ceux qui écrivent et glosent sur elle : analystes, critiques, professeurs, medias… Ce sont bien deux vies séparées, entrant parfois même en collision, à l’occasion violente. Pour illustrer le propos d’un exemple célèbre : Charles Baudelaire et « Les Fleurs du Mal ».

Posé comme un miracle, un petit recueil de poèmes, quintessence de la poésie française, concentré absolu de musicalité « tricotée » avec le sens. En face de ce moment inouï et fondateur de la littérature française d’aujourd’hui, un article, publié dans « Le Figaro » le 5 juillet 1857, signé d’une plume peu connue à l’époque et reléguée au fin fond des oubliettes depuis, Gustave Bourdin, claironne : « Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire, il y en a où l’on n’en doute plus (…) c’est, la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes choses, des mêmes pensées. L’odieux y côtoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect… » La messe est dite. Cet article imbécile et assassin va fixer l’opinion dominante de l’époque : Baudelaire devient un poète « maudit ». On connaît la suite : le procès, la condamnation, les pièces interdites jusqu’en…1949, soit presqu’un siècle plus tard.

L’Heure d’or, William Nicholson

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 14 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Editions de Fallois

L’Heure d’or (The Golden Hour), mars 2016, trad. anglais Anne Hervouët, 411 pages, 22 € . Ecrivain(s): William Nicholson Edition: Editions de Fallois

 

William Nicholson continue brillamment sa toile sur sa petite société de la province anglaise. Et notre addiction y trouve son compte, comme dans une série dont on attend avec avidité la suite et le destin des personnages. On l’a déjà dit ici, l’art de Nicholson est de transformer la petite vie de ses humains en aventures passionnantes. Nulle généralité. Le regard de l’auteur se démultiplie pour nous faire saisir au plus près les chemins individuels. Dans la fourmilière, il ne regarde pas la fourmilière mais quelques fourmis, dans leur particularité.

Cet été anglais est torride. Laura, Henry, Maggie, Andrew, Mrs Dickinson et les autres sont dans leurs jardins, leurs maisons, leurs soucis, leurs joies. C’est le tableau d’une certaine société anglaise qui se peint devant nous : une société moyenne bourgeoise, provinciale, tenaillée par les doutes, l’inquiétude pour certains – sociale, affective – par l’ennui pour d’autres qui ont vieilli, ou qui ne travaillent pas, ou plus. Dans tous les cas, il s’agit de l’incapacité des êtres à vivre heureux, même s’ils en ont la possibilité. Cette hypothèse fascine Nicholson : les personnages sont comme des papillons de nuit devant la lumière, hypnotisés par l’échec à tout prix ! Et cela en espérant le bonheur !

Résurgences sataniques (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Avril 2016. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

Le Prince des Ombres n’est pas retiré des affaires. A s’en tenir à ses réapparitions itératives dans la littérature ou le cinéma, il faut bien reconnaître que le vieux Belzébuth exerce encore effets de terreur et de fascination sur l’imagination des hommes. L’Eglise l’avait tenu à bout de bras pour dociliser ses brebis et, si elle a perdu de son influence, la civilisation de l’image l’a amplement remplacée. A icône, icône et demi. On peut penser que ce fonds de commerce du Diable n’a d’autre sens que… le fonds de commerce justement. Mais le Diable a suffisamment fait escorte à l’histoire des hommes, suffisamment assisté à ses crises, insisté sur ses failles et brisures pour que nous nous permettions de balayer ses prestations récentes d’un mépris trop hâtif. Cette résurgence du nocturne démonologique dans notre société des images doit nous interroger : l’ombre qui refait surface à la lumière des discours de la Cité questionne toujours. Surtout dans une époque, la nôtre, où la Cité pare ses langages de toutes les apparences de la rationalité scientifique et organise ses métaphores autour d’une technologie toute-puissante. Cette floraison d’images nous interpelle du lieu même de son grand et régulier succès auprès des publics occidentaux.

La fin d’une imposture, Kate O’Riordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Iles britanniques, Roman

La fin d’une imposture, Kate O’Riordan, Traduit de l'anglais par Laetitia Devaux Ed. Joelle Losfeld janvier 2016, 377 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Kate O’Riordan Edition: Joelle Losfeld

 

Si le très anglo-saxon concept de « Page-turner » a un sens, il est superbement représenté par ce roman, dont la particularité majeure est de vous accrocher très vite et de ne plus jamais vous lâcher jusqu’au dernier mot de la dernière page. Haletante, telle est la narration de ce livre, dont on n’attend pas forcément, au départ, que ce soit un thriller et pourtant qui en est un, terrifiant. Si un « page-turner » n’est pas forcément de la haute littérature, c’est, quand il est emmené avec le brio de ce roman, un excellent bouquin, à n’en pas douter.

La topologie de cette histoire est une affaire de dedans/dehors, dans le style bande de Moebius. La famille Douglas devrait être le dedans. Mais tout est tellement dehors chez elle : Le couple cassé, le fils mort pendant un séjour de vacances en Thaïlande, la fille dévastée et en rébellion. Et Jed – le beau et jeune Jed – il devrait être l’autre, le dehors donc. Mais voilà, il entre dans un cercle familial branlant et il met en œuvre sa destruction totale. L’auteure a bien compris que son histoire a affaire à la topologie. Dès les premières pages, à l’annonce affreuse de la mort du fils une veille de Noël, elle met en place sa structure dominante, le trou.