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Articles taggés avec: Gosztola Matthieu

Nouvelles intégrales, tome I, Edgar Allan Poe, chez Phébus (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 20 Février 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Nouvelles intégrales, tome I (1831-1839), Edgar Allan Poe, Phébus, coll. Littérature étrangère, octobre 2018, trad. anglais (USA) Christian Garcin, Thierry Gillybœuf, 432 pages, 27 €

 

 

Christian Garcin et Thierry Gillybœuf citent Valéry Larbaud, dans la préface à leur traduction de l’ensemble des nouvelles de Poe, dont le premier tome, correspondant aux années 1831 à 1839, vient de paraître chez Phébus : « traduire un ouvrage qui nous a plu, c’est pénétrer en lui plus profondément que nous ne pouvons le faire par la simple lecture, c’est le posséder plus complètement, c’est en quelque sorte nous l’approprier ».

Mais comment traduire ? Dès 1946, le même Larbaud notait dans Sous l’invocation de saint Jérôme : « Chaque texte a un son, une couleur, un mouvement, une atmosphère qui lui sont propres. […] [C’]est ce sens là qu’il s’agit de rendre, et c’est en cela que consiste la tâche du traducteur ». Est-ce à dire que cette tâche est, s’avère impossible ?

Le vieil homme et la mer, Ernest Hemingway, nouvelle traduction de Philippe Jaworski (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 07 Février 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le vieil homme et la mer, Ernest Hemingway, Gallimard, coll. Folio n°6487, mai 2018, trad. anglais (USA) et préface, Philippe Jaworski, 144 pages, 6 €

Cette nouvelle traduction – superbe, fidèle – redonne au dernier roman publié du vivant d’Hemingway en 1952, toutes ses couleurs*.

« Il s’agenouilla, parvint à crocher le thon sous l’avant avec la gaffe et le tira vers lui en évitant les rouleaux de ligne. Faisant repasser la ligne sur son épaule gauche et prenant appui sur sa main et son bras gauches, il ôta le thon du croc et remit la gaffe à sa place. Il posa un genou sur le poisson et découpa des bandes de chair rouge sombre dans la longueur, de l’arrière de la tête à la queue. C’étaient des bandes triangulaires qu’il découpait depuis l’arête dorsale jusqu’au bord du ventre. Lorsqu’il en eut découpé six, il les étala sur le bois de l’avant, essuya son couteau sur son pantalon et souleva la carcasse de la bonite par la queue et la lança par-dessus bord ». Au travers d’un recours effréné aux descriptions, à la pesanteur des descriptions relatives aux gestes simples, précis, par quoi une audace humaine peut se lire au sein d’une nature hostile (j’ai perdu parce que je suis allé trop loin), ce bref et inépuisable chef-d’œuvre d’Hemingway s’élève à la dimension d’une allégorie. D’une parabole ? D’un mythe en tout cas, par quoi quelque chose de notre profond peut se dire.

Œuvres complètes, I et II. Nouvelles et récits, Romans, Franz Kafka en la Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

 

Œuvres complètesI et II. Nouvelles et récits, RomansFranz Kafka, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, novembre 2018, trad. allemand (Autriche) Isabelle Kalinowski, Jean-Pierre Lefebvre, Bernard Lortholary, Stéphane Pesnel, édition publiée sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre avec la collaboration d’Isabelle Kalinowski, Bernard Lortholary et Stéphane Pesnel, 1408 et 1088 pages, 60 € et 55 € (prix de lancement jusqu’au 31 mars 2019)

 

« Le Voyageur du tramway » (traduction précédemment parue dans la Pléiade) :« Je suis debout sur la plate-forme du tramway et je suis dans une complète incertitude en ce qui concerne ma position dans ce monde, dans cette ville, envers ma famille. Je serais incapable de dire, même de la façon la plus vague, quels droits je pourrais revendiquer à quelque propos ce soir. Je ne suis aucunement justifié de me trouver ici sur cette plate-forme, la main passée dans cette poignée, entraîné par ce tramway, ou que d’autres gens descendent de voiture et s’attardent devant des étalages. Personne, il est vrai, n’exige rien de tel de moi, mais peu importe ».

Solal et les Solal, Albert Cohen (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Solal et les Solal, Albert Cohen, Gallimard, coll. Quarto, octobre 2018, édition de Philippe Zard, 1664 pages, 34 ill., 32 €

 

Soit Belle du Seigneur :

Ô aigu bonheur du secret. Avant la représentation, elle lui avait dit qu’au premier acte lorsqu’elle descendrait les marches, sa main se poserait près de l’aine, pour prendre de l’étoffe et soulever un peu la robe, une robe d’un bleu profond, un bleu si beau, et ainsi par ce geste il saurait qu’en cet instant, étrangère et lointaine, c’était à lui qu’elle pensait, à leurs nuits.

Elle allait, nue sous la robe voilière qui claquait au vent de la marche, marche enthousiaste, marche de l’amour, et le bruit de sa robe était exaltant le vent sur son visage était exaltant le vent sur son visage haut tenu, son jeune visage en amour.

Lais du Moyen Âge, Récits de Marie de France et d’autres auteurs (XIIᵉ-XIIIᵉ siècle) en la Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 14 Décembre 2018. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Anthologie, Les Livres, Critiques

Lais du Moyen Âge, Récits de Marie de France et d’autres auteurs (XIIᵉ-XIIIᵉ siècle), octobre 2018, traduction de différentes langues. Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Entre 1170 et 1270 fleurissent de courts textes que d’aucuns ont pu comparer à des “nouvelles” rapportées au “roman” qui venait d’apparaître vers 1150 ». Un siècle, « c’est la période qu’assigne l’histoire littéraire à la naissance, à l’épanouissement puis à la dissipation de [ces] récits brefs que, dès le XVIIIesiècle, les érudits ont pris l’habitude d’appeler “lais” ».

Pourquoi lire ces courts récits – qui sont des racines plongeant dans le sol meuble d’un passé inatteignable – aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, il nous faut faire un détour. « Tout prend place d’emblée – remarque éloquemment Martin Heidegger – dans l’horizon de l’utilité, du commandement […] de ce dont il faut s’emparer… Plus rien ne peut apparaître dans la neutralité objective d’un face à face ». Dans cet « horizon de l’utilité », l’homme ne se trouve plus devant les « choses », il se trouve devant les « fonds disponibles », comme le précise Heidegger qui donne l’exemple de l’air « requis pour la fourniture d’azote » et du « sol » pour celle de minerai et de l’uranium dans la création de l’énergie atomique.