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Articles taggés avec: Gosztola Matthieu

Le souci de la terre, Virgile (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 03 Octobre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, Gallimard

Le souci de la terre, Virgile, Gallimard, mars 2019, trad. nouvelle du latin par Frédéric Boyer des Géorgiques, 264 pages, 21 €

 

Qui fut Virgile ? Qui fut réellement Virgile ? Frédéric Boyer le présente magnifiquement, dans Faire Virgile : « Passer de Mantoue à Naples. Chassé du toit paternel et des bords sinueux du Mincio, exproprié un temps de ses terres, garder toujours le souvenir de Mantoue et de ses prairies. Poète né paysan, quitter sa naissance obscure et se faire réapparaître dans un poème en berger chanteur. Avoir lu Hésiode, Théocrite, Caton, Varron. S’intéresser avec eux à la res rustica (la matière agricole) dont on parle beaucoup à présent que l’on prétend occuper aux champs les vétérans désœuvrés des guerres civiles qui ont déchiré la République. Et après que ces guerres ont probablement causé ravages, rapines, famines, destructions des récoltes et des domaines agraires. Être contemporain de Tite-Live et d’Horace. N’avoir que vingt et un ans quand éclate la guerre civile qui conduit à la fin de la République romaine. Apprendre que César est assassiné. Avoir connu ainsi les dernières convulsions de la République romaine et développé son œuvre pendant l’âge augustéen, période de paix et de création, diront les chroniqueurs.

Lettre d’une inconnue, Stefan Zweig (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 20 Septembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

 

Élie Faure évoque dans L’homme et la danse le « tourbillon de flammes dansantes, qui tout d’un coup s’éteignent pour se figer en lisse et dense fût de bronze, bronze brûlant encore de ces flammes qui l’ont fondu ». La passion sont les flammes qui ont fondu chaque phrase de cette lettre d’une inconnue, encore brûlante à la lecture.

Grâce à Zweig, les mots de cette lettre – inépuisable, telle une vie non retenue dans son envol, tel un fleuve qui se sait fleuve – deviennent ainsi comme la ligne de crête d’un amour. Inépuisable comme l’est toute confession qui s’offre sans chercher à être la première mesure d’une symphonie à construire en tandem (car à deux, l’on peut retrouver tous les instruments d’un orchestre, tous les timbres). Comme l’est toute confession qui ne se donne que pour ce qu’elle est – une confession –, et non pour ce qu’elle n’est pas : un espoir, une supplique, voire une appréhension. Pur don ici. Qui bouleverse :

Enfin le royaume, Quatrains, François Cheng (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Enfin le royaume, Quatrains, François Cheng, Gallimard, coll. Poésie/Gallimard, n°542, février 2019, édition revue et augmentée, 224 pages, 7,40 €

 

« De l’eau naît la flamme, / De la flamme l’air / Mêlé au pur souffle / D’une biche endormie », reconnaît François Cheng. La psychanalyste Anne Dufourmantelle décrit ainsi la douceur, réveillée par le poète dans le quatrain que nous venons de citer : « Le ventre d’un animal. La palpitation d’une veine qui affleure sous la peau. Une peau très âgée comme un galet translucide. Une peau de très jeune enfant, sa joue encore couverte d’un imperceptible duvet. Calme de la respiration, de ce qui contient le vivant et le protège. Et qui s’offre au toucher ». Puis elle ajoute : « La douceur est une force de transformation secrète prodiguant la vie, reliée à ce que les anciens appelaient justement puissance. Sans elle, aucune possibilité que la vie s’augmente dans son devenir. Je crois que la puissance de métamorphose de la vie elle-même se soutient dans la douceur. Quand l’embryon devient un nouveau-né, quand la chrysalide laisse éclore le papillon, quand une simple pierre devient la stèle d’un espace sacré dans les jardins de Kyoto, il y a, au minimum, la douceur ».

Court vêtue, Marie Gauthier (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 20 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Court vêtue, Marie Gauthier, Gallimard coll. Blanche, janvier 2019, 112 pages, 12,50 €

 

Barthes prévenait déjà en 1955, dans sa « Petite sociologie du roman français contemporain »* : « [L]es œuvres de l’esprit circulent très peu : sauf exception, un roman ne voyage pas à travers les différentes couches sociales, il ne dépayse pas, il ne choque pas, et chose encore plus grave, il ne se transforme pas. En somme, le roman ne va jamais trouver que son public, c’est-à-dire le public qui lui ressemble, qui est avec lui dans un rapport étroit d’identité. C’est là un trait grave, dans la mesure où l’on peut concevoir que la fonction de la littérature est précisément de présenter aux hommes l’image vécue de l’autrui. L’œuvre idéale est toujours une œuvre étonnante, et il faut dire que le cloisonnement des publics ne peut logiquement produire que des œuvres rassurantes ». Si nombre de romans contemporains répondent à cette conception, il est, heureusement, des exceptions. Au premier rang desquelles figure, en 2019, Court vêtue.

Alfred Jarry, Une vie pataphysique, Alastair Brotchie (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Alfred Jarry, Une vie pataphysique, Alastair Brotchie, Les presses du réel, janvier 2019, trad. anglais Gilles Firmin, 528 pages, 42 €

 

« Ubu, c’est-à-dire tout ce dont je n’ai pas réussi à parler », reconnaît Patrick Besnier dans sa première biographie de Jarry parue chez Plon, « ou tout ce dont j’ai réussi à ne pas parler : la merdre, la merde, la Phynance et les oneilles, cornegidouille, etc. La gloire d’Alfred Jarry en un mot, Jarry tel qu’il est parce que tel il a voulu se montrer ».

Alastair Brotchie prend le cheminement exactement inverse, faisant d’Ubu le centre de sa biographie. Ce qui est logique eu égard à la conception qu’a le critique de l’œuvre de Jarry, partant du principe qu’elle se divise en deux périodes : « avant et après Ubu roi ».

La promotion que fit Jarry d’Ubu roi fut, remarque Alastair Brotchie, « à la fois géniale et remarquablement menée. Trois ans à peine après avoir débarqué à Paris comme n’importe quel petit provincial, son Père Ubu y occupait la scène de l’un des théâtres les plus en vue de la capitale des lettres et des arts ». Et il est vrai, comme le remarque Patrick Besnier, que Jarry « imposa [Ubu roi] sur la scène du théâtre de l’Œuvre, déréglant l’ordre et le cérémonial de l’art ».