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Articles taggés avec: Gavard-Perret Jean-Paul

Mohair suivi de mot à mot oratorio, Max Fullenbaum (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 10 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie

Mohair suivi de mot à mot oratorio, Voix Editions, Richard Meier, 2016, 29 € . Ecrivain(s): Max Fullenbaum

 

A la fin, la répétition : Max Fullenbaum et la Shoah

L’ambition d’un livre tient à ce qu’il engage de mots de vie et de mort. Pour autant, « dire » ne suffit pas. Il existe par exemple bien des témoignages sur la Shoah, plus poignants les uns que les autres (de Levi à Anthelme, de Rawicz à Littell aujourd’hui pour le plus récent d’entre eux). Mais qui ne peuvent que tourner autour de l’innommable. Max Fullenbaum, pour tenter d’aller au-delà de cette transmission, a percé une brèche. Car, et comme il l’écrit, « dès 1923 l’année où Marcel Duchamp devint un peintre défroqué, les nazis prirent possession de ces mots à mots déjà là ». Les mots en effet sont toujours prêts à l’emploi pour les bourreaux comme pour leurs victimes. Et c’est pourquoi l’auteur a su inventer un « pas au-delà » (Blanchot). D’où le titre qui par lui-même casse le « ready-made » de ce qu’il semble signifier. Il devient le hors clos du forclos que Duchamp avait ressenti en transformant l’urinoir en fontaine et que Lacan formalisera plus tard en opposant à la langue ce qu’il nomme « lalangue ».

Félix Fénéon, critique, collectionneur, anarchiste (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 03 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie

Félix Fénéon, critique, collectionneur, anarchiste, Isabelle Cahn, Philippe Peltier, Laurence Des Cars, Cécile Debray, La Procure, 2019, 317 pages, 39,90 €

 

Fénéon le Yankee

Ami de Mallarmé, Signac, Matisse, Fénéon évolue d’abord dans le milieu symbolique en tant qu’auteur et critique. Voulant avant tout mettre en avant les autres, il inventa le terme « nouveau-impressionnisme » et une nouvelle critique d’art à l’extraordinaire langue cucurbitante, échineuse, débarbouillante entre autres pour évoquer Degas. Le tout dans un maniérisme revendiqué comme tel. La critique ne se veut que descriptive. Néanmoins Félix Fénéon fait parler le tableau en le réinventant dans son érotique poétique.

Toujours disponible aux arts nouveaux, il découvre les arts lointains (africain et de l’Océanie). Il est un des premiers à les défendre et les collectionner dès le début du XXe. Il fut sans doute préparé à ce regard neuf initié par la peinture japonaise. L’art de l’Extrême-Orient ouvre à celui d’Afrique pour une traversée des formes fondamentales.

Par les routes, Sylvain Prudhomme (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Août 2019. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Par les routes, août 2019, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sylvain Prudhomme Edition: Gallimard

 

Le livre des possibles

Ce livre est celui des croisées des chemins. Mais les couper n’implique pas forcément de les suivre. Les rencontres sont souvent fugaces. Mais il arrive qu’à nouveau elles fassent retour, mais à la personne escomptée s’en substitue une autre.

Mais elle vaut tout autant le détour. Si bien que le récit avance par la force de l’amitié comme celle du désir. Il vaque au gré des temps à travers des fêlures qui bombardent le moi. Mais celui-ci se relève. Car tant que la vie est là il n’a pas d’autres choix.

Et Sylvain Prudhomme nous emporte parmi les décombres de ce qui fut exquis et provisoire. Et il fallait peut-être des impasses pour que dans leur fond tout cela respire par-delà le sens concassé.

Des notes s’égouttent ainsi sur le clavier du destin fait de trous entre elles. Restent néanmoins leurs échos. Ils touchent la pulpe du sentir dans les vibrations d’un blues qui monte.

La folle et fausse insouciance de l’autobiographie (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 04 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

L’autobiographie n’est que le bavardage de soi-même et une farce dérisoire. Que l’auteur se contente d’y entrer en visiteur et en traînant les pieds ou comme parangon de l’humanité n’y change rien, de tels récits restent anecdotiques et ennuyeux. Cela ressemble à un décès, au souvenir anthume et niais parsemé de baisers et crachats abâtardis et résiduels théâtralisés à un profit particulier sous prétexte d’intérêt général. Cela empeste le parfum qui a tourné. L’autobiographe devient l’idiot auquel nul n’a demandé son avis mais qui l’impose. Il semble que la bêtise dispose alors d’un laisser-passer où le hâbleur prétend à un cœur mis à nu. Il écœure. Tout est inexact, sans être tout à fait faux. Qu’on se souvienne des Confessions de Rousseau. Peut-être et dans le genre le plus véridique des œuvres tendues vers sa passion des travers. Mais, même dans cet exemple des plus hauts, le pamphlet contre soi-même tourne à l’apologie permanente.

Les furtifs, Alain Damasio (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 17 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Science-fiction

Les furtifs, éditions La Volte, avril 2019, 687 pages, 25 € . Ecrivain(s): Alain Damasio

 

Damasio collages et décollages

L’impact émotionnel – mais pas seulement – puissant dans les tensions que provoquent ces « furtifs » est puissant par les tensions que les deux héros gémellaires provoquent. Ils assument leur sécession et une marginalité. Il s’agit pour eux de « vivre ivres » dans des interstices que leur laisse leur collage et qu’évoquent les matières vibrantes poétiques, narratives, politiques aux assonances sauvages face à une technologie d’un âge d’or à la triste figure où le seul objectif est de trouver un art de vivre par la réappropriation des technologies avancées et fermées.

Romancier de l’état de la langue et du monde, Alain Damasio est une sorte d’actionniste littéraire. Il titille le lecteur par son art de la performance. Il vampirise la narration et sa materia prima dans un parcours où se révisent bien des invariants par un rituel romanesque, dont il ne conserve que le chapeau là où la ville ne dort jamais, prête à écraser les déviants dans sa puissance de contrôle…