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La Joute, Richard Millet (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 06 Octobre 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Joute, Richard Millet, Ed. Les Provinciales, 2025

 

La Joute est un livre de haute noblesse. Dans un monde de plus en plus plébéien, on se sent bien à lire un livre de patricien.

C’est un livre fouillé, dense. Non un roman porté par un scénario, mais un recueil de notes, cependant continu dans sa discontinuité. On peut en faire une lecture buissonnière, ou suivie.

C'est un livre sévère, difficile. Très abstrait pour explorer des choses très concrètes, parfois presque inhumain pour scruter des choses éminemment humaines, manquant un peu de chair pour sonder la relation charnelle. Un livre si resserré, si compact que par moments étouffant, et le lecteur alors se prend à soupirer : De l'air ! De l'air ! – Pour autant, mon attention ne s’est pas relâchée.

Qu’est-ce que la joute ? Beaucoup pensent spontanément à la joute qui opposait les chevaliers sous les yeux de la dame dont ils portaient les couleurs, et notamment à Henri II désarçonné par son adversaire dont la lance lui traversa l’œil, ce qui lui fut fatal, devant son épouse, Catherine de Médicis, et sa maîtresse, Diane de Poitiers.

Tweet n°1 (classé) X, Guillaume Basquin (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 19 Mai 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Tinbad

Tweet n°1 (classé) X, éditions Tinbad, 2025, 112 p., 16 euros . Ecrivain(s): Guillaume Basquin Edition: Tinbad

 

Guillaume Basquin est un bourreau du travail et un derviche tourneur. Un érudit et un danseur sur lignes. Il est sage et il est fou. C’est un virtuose de la réflexion et des mots. Où trouve-t-il donc le souffle dont il fait preuve ?

« Mon âme est une étrange usine. » Il y a du génie dans cet homme excentrique… qui recentre.

Tweet n°1, (classé) X, son dernier livre, se donne pour mission celle que Kafka intimait à l’écrivain : « Hacher en nous la mer gelée ». Basquin, effacé en public et défonçant plume en main, chauffe la température à fond, et la mer gelée bouillonne dans un tourbillon de phrases où cet homme singulier, ce « monsieur cent mille volts » et cependant très doux, ausculte le cœur de son époque. Ça roule et se déroule, ça tournoie, ça galope. Basquin, l’insurgé, le dissident, le mutin, le psychopompe à qui vous « donneriez le bon Dieu sans confession », examine et pose un regard implacable et sans pitié sur les grands traits de notre monde et de celui qui se profile.

Ozanges, Richard Millet (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 12 Mai 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ozanges, Richard Millet, Est-Samuel Tastet éditeur, 2024, 124 pages, 20 €

 

Ozanges, qui pourrait s’écrire Aux anges, est un très beau livre de Richard Millet. L’histoire ? qui n’en est pas une : l’alter ego de l’écrivain, Pascal Bugeaud, est hébergé dans un château plus ou moins abandonné où il va passer une nuit, seul, en hiver. Des bruits infimes, des craquements légers qui ont l’air de chuchotements, des lueurs, des souvenirs qui reviennent, reviennent, et se ramifient. L’homme a peur, il ne dort pas et il erre jusqu’à l’aube dans les couloirs et diverses pièces du château.

Quels fantômes habitent derrière les portes tandis que, frissonnant dans l’obscurité, il monte et descend les escaliers, ouvre avec anxiété les poignées de porcelaine blanche, allume un peu de feu dans une cheminée, s’assied à une table poussiéreuse devant une bouteille de vin – soupirant après un peu de clarté et d’amour, guettant jusqu’à l’aurore une présence qui réchauffe et fasse reculer la mort ?

Consentir à être vous, Correspondance, Joseph Joubert, Pauline de Beaumont (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 06 Janvier 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques

Consentir à être vous, Correspondance, Joseph Joubert, Pauline de Beaumont, Éditions des Instants, novembre 2024, 176 pages, 16 €

Je n’ai pas voulu finir hier soir ma lecture de la correspondance de Joubert et Pauline de Beaumont car je voulais demeurer encore avec eux – et je me trouvais bien à baigner dans cette délicatesse et cette courtoisie, cette bienveillance, cette langue parfaite si agréable à écouter mentalement (je finirai tout à l’heure ; à moi de dire : Encore un instant, monsieur le bourreau).

Je ne voulais pas que Pauline, épuisée par la maladie, meure hier soir ; c’est dire combien l’on s’attache à elle à travers ces missives. On admire du reste le fonctionnement de la poste à l’époque.

Il y a longtemps que je n’ai pareillement été captivée par un livre. Tout y est si vrai et naturel.

Je dois avouer que longtemps je n’ai moi-même écrit que des lettres, et que la forme épistolaire m’est particulièrement chère. Je crois même que c’est celle qui demeurera quand les autres auront disparu. On y touche des yeux un cœur battant, une subjectivité et l’humeur changeante ; on est happé par celui qui semble vous parler à bout portant.