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Articles taggés avec: Braux Marianne

Pas pleurer, Lydie Salvayre (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Mercredi, 16 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Points

Pas pleurer, 288 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Lydie Salvayre Edition: Points

 

Prix Goncourt 2014, Pas pleurerrevient après près de 80 ans sur la guerre civile espagnole, au travers de deux témoignages antithétiques offrant au lecteur une vue aussi nuancée qu’engagée d’un épisode important de l’Histoire européenne et de l’histoire familiale de Lydie Salvayre : d’un côté, le récit de Montse, la mère de la narratrice née en France de parents républicains ayant fui la guerre, qui en 36, lors du soulèvement libertaire mené par son frère à Lérima en Catalogne, connut le « plus bel été de sa vie » ; de l’autre, le témoignage déchiré de George Bernanos dans un ouvrage malheureusement trop peu lu, intitulé Les grands cimetières sous la lune, dans lequel l’écrivain catholique monarchiste résidant alors à Majorque dénonçait les exactions du camp nationaliste et la complicité de l’Eglise.

L’été radieux de ma mère, l’année lugubre de Bernanos dont le souvenir est resté planté dans sa mémoire comme un couteau à ouvrir les yeux. Deux scènes d’une même histoire, deux expériences, deux visions qui depuis quelques mois sont entrées dans mes nuits et mes jours, où, lentement, elles infusent.

Le Chant du monde, Jean Giono (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Jeudi, 10 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Folio (Gallimard)

Le Chant du monde, Jean Giono, Folio

 

Situé dans la Provence natale de Jean Giono, Le Chant du monde entraîne le lecteur dans une longue épopée paysanne conduite par Antonio, l’homme du fleuve, et son compagnon Matelot, partis à la recherche du fils de ce dernier à travers le pays imaginaire de Rebeillard. Face à eux, la bande à Maudru, maître auto-proclamé des lieux, décidés eux aussi à retrouver le « cheveu rouge », qui a kidnappé la fille de Maudru après avoir tué son neveu à qui elle était promise. L’action est dense et mouvementée comme la galerie des personnages est longue et diverse. Les rencontres sont nombreuses, qui rythment la quête du héros et sa découverte de l’Autre, incarnés par deux personnages éblouissants : Clara l’aveugle aux « yeux comme des feuilles de menthe » et à la parole clair-obscur, de qui Antonio tombera amoureux et apprendra la valeur de l’invisible, et Toussaint le bossu, figure du poète à la « voix d’enfant » qui enseignera au jeune homme le sens de l’intériorité et le pouvoir des mots.

Trois poèmes de Marianne Braux

Ecrit par Marianne Braux , le Lundi, 28 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Oraison

 

Vaquant

à la vue de l’autre monde

noir-transparence

dans les yeux d’une bête de somme

de même nature

l’homme d’outre-Rhin

à Turin pense

et parle d’horizons

L’air du dehors, par Marianne Braux

Ecrit par Marianne Braux , le Mercredi, 28 Mars 2018. , dans La Une CED, Ecriture

 

Ça veut sortir. Là, tout au milieu de soi, quelque part entre la gorge et le sexe, quelque chose de trop grand pour soi demande à voir le jour (lapsus, j’avais écrit « le dire »). On ne sait pas ce que c’est (à y réfléchir, il y a peut-être un terme pour ça, je le dirai le moment venu), on ne sait pas non plus de quoi ça aura l’air. On peut seulement se mettre à sa place, à la place de cette chose en soi, coincée sous la peau pour encore un peu de temps – on ne sait pas combien. En fermant les yeux, on peut imaginer ce qu’elle voit, la chose, et alors on voit du rouge. Un rouge sourd et battant, translucide, teinté ici et là d’ombres sans contours, qui parfois disparaissent. Un rouge… incubation (IN-CU-BA-TION, cela faisait des jours que je cherchais le mot !). C’est comme une série de beaux tableaux qui ramènent l’œil morne et expérimenté à un état d’avant la vie qu’on aurait oublié. La vision brûle un peu la cornée – on se demande si la chose au-dedans de soi a mal comme nous et si, elle aussi, elle prend plaisir à cette douleur. Car ce n’est pas une brûlure comme les autres ; c’est une brûlure saine, semblable à celle que fait une musique que l’on aime trop (une folie d’Espagne, une tarentelle), ou un poème, une phrase, sur la peau ténue de l’âme.

Merci, je préfère les huîtres, Marianne Braux

Ecrit par Marianne Braux , le Mercredi, 04 Octobre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

 

C’est nouveau, ça vient de sortir : les traditionnelles perles du bac seraient un symptôme de plus de notre culture éducative « du dédain », défectueuse et obsolète, basée sur l’humiliation permanente de ses jeunes et la hauteur inavouée de ses vieux, lesquels prendraient depuis trop longtemps un malin plaisir à « moquer les idioties » et « exhiber les bêtises » des lycéens qui « non, n’ont pas un QI d’huître ». Madame Cahen, à l’origine d’une contre-offensive visant à valoriser les « anti-perles » (somme des « fulgurances » de bons élèves, fièrement rapportés sur internet), et les médias en quête d’ondes positives qui s’en font le relais, voient-ils donc d’un si mauvais œil les « absurdités » laissées, parfois volontairement rappelons-le, par des élèves, osons le dire, souvent brillants à leur insu et audacieux ?