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Roman

Au pays de la fille électrique, Marc Graciano

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mardi, 29 Novembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions José Corti

Au pays de la fille électrique, août 2016, 160 pages, 19 € . Ecrivain(s): Marc Graciano Edition: Editions José Corti

 

Dans son nouveau roman, paru aux éditions José Corti, tout l’art envoûtant de Marc Graciano réside dans cette façon singulière qu’il a d’épouser l’épaisseur du visible par la grâce de la description. Existence muette de l’inconfort, rivière de l’élaboration du vivant qui cherche la rédemption par la quête des origines et des métamorphoses. Au pays de la fille électrique est un conte magique, charge électrique intense qui vous laissera inerte entre la vie et le monde du mal séparés par les lumières incandescentes, les entrelacs du rêve et de la réalité où l’ambiguïté de la tragédie contribue au caractère dérangeant et insoutenable de la narration.

Berceau de la vie, lieu et lien « placentasmique » du renouveau, mais pas dans le même corps ! Pas dans la même tête, mais dans un monde qui sans cesse a besoin d’un nouvel être telle une bûche dans une cheminée. Pour que le feu brûle, pour que la flamme des désirs crépite par une couleur sang dans le couloir de la mort, dans la cheminée de l’immortalité. Marc Graciano nous parle du « viol-rance » de la violence, violence immémoriale de l’humanité, révélée par le théâtre macabre des bêtes assoiffées de haine envers les femmes ; comme pour mieux se libérer de leurs semences maudites.

Elle lui bâtira une ville, Raj Kamal Jha

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Actes Sud

Elle lui bâtira une ville, octobre 2016, trad. anglais (Inde) Eric Auzoux, 411 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Raj Kamal Jha Edition: Actes Sud

 

Avant le livre, il y a L’auteur. Journaliste expérimenté, directeur de la rédaction à l’Indian Express, il avait écrit (2008, Actes Sud) un précédent roman, Et les morts nous abandonnent. D’un tel chef d’œuvre, tellement à part, à plus d’un titre bouleversant, dire – et, si vous ne lisez qu’un livre… apparaissait comme allant de soi, jusqu’à ce second ouvrage, presque 10 ans après. Autre pur chef-d’œuvre totalement dans la veine du précédent, avec sujet, cadre, architecture du récit, et leur dose de nouveautés, mais toujours dans ce regard sur l’Inde actuelle – lorgnettes croisées du fantastique, du rêve, du reportage. Écriture (et traduction des plus pertinentes), philosophie ; sociologie aussi, qui relèvent de cette magie venue d’une – très grande – littérature indienne, contemporaine, ou (et) intemporelle… Sans oublier, également, le film-documentaire, qui passe, implacable, entre les mailles de cette formidable histoire déjantée. Jamais bien loin de l’écrivain bouillant dans son imaginaire, le reporter, le citoyen, qu’on devine engagé, de l’Inde d’aujourd’hui ; celui qui donne à voir – autrement – et qui pointe : « une montagne d’ordures ; six canalisations d’égouts géantes qui attendent d’être installées Dieu sait où. Elles servent de domicile à des mères et à leurs bébés, qui viennent y dormir après leur journée de labeur sur un chantier voisin… ».

Trop de morts au pays des merveilles, Morgan Audic

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 23 Novembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Le Rouergue

Trop de morts au pays des merveilles, avril 2016, 368 pages, 22 € . Ecrivain(s): Morgan Audic Edition: Le Rouergue

 

Pour ce premier roman, Morgan Audic nous propose un vrai roman policier, solidement construit et qui accroche rapidement pour ne nous lâcher qu’à la fin. On ne saurait s’en plaindre ! Son plus, son originalité, c’est la référence que le titre dévoile d’entrée de jeu à l’œuvre de Lewis Carroll qui sera une manière de fil conducteur dans le récit et l’écriture. Porté par cet esprit de jeu, l’auteur fait d’Alice une jeune femme mystérieusement disparue mais dont le reflet ne cesse de hanter son mari, un certain Christian Andersen, avocat et partiellement amnésique… Amnésique sur ce qui s’est passé au moment de la disparition d’Alice mais redoutablement efficace lorsqu’il s’agit de plaider, y compris les dossiers qui paraissent indéfendables.

En parallèle, voilà qu’un tueur en série, le « marionnettiste », pourtant sous les verrous, refait parler de lui car de nouvelles victimes, trop semblables aux siennes, font surface. Alice pourrait bien en être… Il n’en faut pas plus pour que la boxeuse Diane Kellerman renonce à sa préparation de championnat pour replonger dans une enquête où elle n’a pourtant rien à faire, ayant été chassée de la police pour avoir confondu intimes convictions et preuves méthodiques.

A l’origine, notre père obscur, Kaoutar Harchi

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 22 Novembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Babel (Actes Sud)

A l’origine, notre père obscur, août 2016, 164 pages, 6,80 € . Ecrivain(s): Kaoutar Harchi Edition: Babel (Actes Sud)

 

Ce roman sombre, ténébreux, dont la tonalité est donnée d’emblée par le caractère énigmatique du titre et, par connotation, par le qualificatif obscur qui y figure, est un constat terrible de l’obscurantisme socio-religieux qui règne dans certaines régions et qui se répand insidieusement dans d’autres.

La narratrice est tout au long du récit, successivement et progressivement, une enfant, une fillette, une jeune fille, une femme. La métamorphose est lente, douloureuse, anormale.

Car cette enfant, cette jeune fille, vit recluse depuis sa naissance, avec sa mère, dans « la maison des femmes », une prison sans serrure où les maris ou les pères conduisent leur femme ou leur fille pour les punir d’une quelconque prétendue faute susceptible de porter l’opprobre sur eux-mêmes et sur leur parentèle.

Tunisian yankee, Cécile Oumhani

Ecrit par Theo Ananissoh , le Lundi, 21 Novembre 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Elyzad

Tunisian yankee, septembre 2016, 284 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Cécile Oumhani Edition: Elyzad

 

La couverture du livre est composée de photos d’époque. Un bateau, un paquebot – et nous pensons non pas à une croisière mais aux migrations transatlantiques d’autrefois ; deux portraits, deux visages, une femme, un homme qui nous fixent à un siècle de distance. Étonnants regards francs, sans a priori. Des photos pour ainsi dire silencieuses, à l’image d’un récit calme, attentif qui ne dissimule pas une empathie pour le personnage principal. Mais ne nous y trompons pas, le propos est ambitieux et ample : la Tunisie sous le protectorat français au début du XXè siècle, le statut d’indigénat qui semble annoncer l’apartheid, la société tunisienne elle-même et certaines tares désolantes, la migration en Amérique donc, la Première Guerre mondiale en ses détails sanglants… Trois continents ; des situations historiques (Guerre mondiale, colonisation…) qui, chacune, suffisent à faire un roman. Dawood Casey, soldat américain blessé grièvement en cette dernière année de la Grande Guerre, se meurt lentement dans un hôpital des environs de Paris malgré les efforts médicaux pour le sauver. Que fait-on quand on est alité et qu’on devine dans le regard du médecin le doute quant à ses chances de s’en sortir ? On pense aux siens, à ceux qu’on a aimés ou qu’on aime, à son enfance, au chemin de vie parcouru jusque-là, aux sacrifices consentis pour accéder au bonheur.