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Roman

Notre-Dame-des-Fleurs, Jean Genet

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 24 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Notre-Dame-des-Fleurs, décembre 1976, 384 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Jean Genet Edition: Folio (Gallimard)

 

Jean Genet prévient dès les premières pages de Notre-Dame-des-Fleurs (publié d’abord en 1944, révisé pour Gallimard en 1951) : « Il se peut que cette histoire ne paraisse pas toujours artificielle et que l’on y reconnaisse malgré moi la voix du sang : c’est qu’il me sera arrivé de cogner du front dans ma nuit à quelque porte, libérant un souvenir angoissant qui me hantait depuis le commencement du monde, pardonnez-le-moi. Ce livre ne veut être qu’une parcelle de ma vie intérieure ». La formule est modeste, mais soutenue par une écriture forte, à la syntaxe et au lexique riches, et surtout feignant que ce récit n’est pas grand-chose alors qu’il est une explosion, une super-nova comparé aux pétards mouillés littéraires d’une pauvre auto-fiction contemporaine qui se revendique de Genet sans l’avoir lu et donc sans rien y avoir compris.

A titre personnel, je ne peux pas prétendre être un spécialiste de Genet, n’ayant lu que Les Bonnes, Querelle de Brest, et le présent roman, mais j’ai été emporté par ses phrases, par ces cascades verbales dans lesquelles on ne peut se baigner qu’au risque d’être emporté. Un autre exemple :

La sainte réalité, Vie de Jean-Siméon Chardin, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 23 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard

La sainte réalité, Vie de Jean-Siméon Chardin, janvier 2017, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

« Chardin sait ce qu’il doit faire, il sait ce qu’il doit peindre. Le travail est long mais la destination très claire. Il y a un autre monde, caché et plus grand que le monde actuel, ce qui est mot n’est pas vraiment mort, les objets, les simples reflets, sont aussi vivants que les plus animés des êtres ».

Les livres de Marc Pautrel sont toujours des rencontres au sommet, des rencontres au sommet de la vie, de la pensée et de l’art. Des rencontres physiques, où les corps se livrent entre les lignes. Leur mouvement plaît à l’écrivain, comme il se plaît à les faire vivre. Marc Pautrel se plaît à écrire le mouvement d’une main, d’un regard, d’une idée, d’une pensée, d’une jambe, des corps et des objets, l’éclat d’un fruit, le silence d’un lièvre que l’on pense mort. Il nous livre vases et cruches, fleurs et pêches qu’éclairent les toiles de Chardin. Leur âme s’élève sous le pinceau du peintre des natures mortes, des natures si vivantes, endormies – Still Life –, qui n’attendaient qu’une couleur, une touche, un trait, une phrase pour s’éveiller et qui à nouveau s’éveillent dans la sainte réalité, autrement dit à la vie. Le peintre est au travail, comme l’écrivain, il s’isole, laisse la lumière du printemps flirter avec ses toiles et sa feuille, la main sait ce qu’elle veut, elle est ferme, elle trace ligne à ligne l’aventure d’un peintre d’un temps ancien et finalement très contemporain. La main de l’écrivain est habitée par la même force, sa feuille blanche est une toile en mouvement permanent où se brisent ses phrases, vagues qui se lèvent sous le vent de l’inspiration.

Extermination des cloportes, Philippe Ségur

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Samedi, 21 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Buchet-Chastel

Extermination des cloportes, janvier 2017, 288 pages, 18 € . Ecrivain(s): Philippe Ségur Edition: Buchet-Chastel

 

Dix ans après la publication d’Écrivain (en 10 leçons), Phil Dechine, le héros de cet ancien roman a pris du grade. Veuillez désormais l’appeler « Don » Dechine.

Ça fait chic pense son épouse Betty et ça sonne à la hauteur de son ambition : quitter son poste de professeur de lettres modernes pour écrire un best-seller pendant que sa femme passera son doctorat.

Seulement pour écrire un bijou littéraire, il faut du temps, du calme, et surtout une vie débarrassée des petits tracas du quotidien afin de trouver l’inspiration. Or les soucis s’accumulent dans la vie du futur grand écrivain plus vite que les mots sur la page blanche. Après une journée passée à enseigner le français à « quarante titulaires de comptes Facebook et Twitter », à répondre au harcèlement d’un voisin influent auprès du syndic de l’immeuble, à réparer un chauffe-eau récalcitrant, à payer des contraventions et des taxes foncières, quoi de plus naturel et de plus réconfortant pour Dechine que de se caler devant la télévision et de regarder l’un des épisodes de l’intégrale des Soprano.

Trois ex, Régine Detambel

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 21 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Trois ex, janvier 2017, 144 pages, 15,80 € . Ecrivain(s): Régine Detambel Edition: Actes Sud

 

L’auteur de Opéra sérieux et de La Splendeur aime assez nous plonger dans un romanesque documenté, où l’histoire nourrit le portrait des personnages. On retrouve ici dans Trois ex ce goût pour des personnages réels, hauts en couleurs. La figure d’August Strindberg sert de fil conducteur à ce récit des trois mariages du dramaturge. L’écriture suit de 1877 à 1912 les soubresauts intimes, familiers, conjugaux de l’écrivain suédois (1849-1912). Trois femmes – Siri, Frida, Harriett – composent ce livre qui passe au scalpel fin les déroutes sentimentales d’un homme, trop conscient de ses mérites, bousculant la tradition, heurtant les bonnes conventions, s’imposant avec brutalité et égoïsme à ses proches.

Qu’il est ardu, pour ces femmes qui l’aiment, de devoir supporter ce caractère infernal (n’a-t-il pas écrit Inferno ?), de subir les emprunts pour ses livres à leur vie personnelle. Ce qu’il fait pour toutes ses connaissances, avec un plaisir semblable : puiser dans les défauts de tout un chacun pour mieux les exhiber dans ses pièces et romans.

Tout dort paisiblement, sauf l’amour, Claude Pujade-Renaud

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 20 Janvier 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Tout dort paisiblement, sauf l’amour, mars 2016, 308 pages, 22 € . Ecrivain(s): Claude Pujade-Renaud Edition: Actes Sud

 

1855. Un homme est mort à Copenhague. Une femme, à Sainte Croix où elle a suivi son mari gouverneur, informée plusieurs semaines après de ce décès, se plonge dans ses souvenirs.

Quelle était la véritable personnalité de cet homme et quelle place a-t-elle tenu dans sa vie, se demande-t-elle avec d’autres proches dont les voix, à travers journaux intimes et lettres, se croisent pour percer ses mystères.

Le procédé romanesque est classique sauf qu’ici, les personnages ont réellement existé. Ce sont le philosophe Søren Kierkegaard, auteur du célèbre Journal du séducteur, et Régine Olsen, la fiancée qu’il abandonna avant de consacrer des centaines de pages à leur histoire.

Fruit d’une lecture très attentive de ses livres, le récit consacré à la figure de Kierkegaard est une histoire d’amour hors du commun mais aussi une réflexion sur la création – celle-ci nécessite-t-elle la souffrance ? – la mémoire et l’écriture.