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Roman

Made in Trenton, Tadzio Koelb

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, La rentrée littéraire, Buchet-Chastel

Made in Trenton, août 2018, 254 pages, 19 € . Ecrivain(s): Tadzio Koelb Edition: Buchet-Chastel

 

Dans l’après-guerre immédiat dans le New Jersey, Abe Kunstler est ouvrier dans les aciéries. Il sort à peine des affres de la guerre qu’il a faite en Europe et dont dit-il il garde une phrase qu’il répète à l’envi : « J’ai été mutilé pendant la guerre ». L’homme est petit, plutôt malingre, mais on ne sait pas en quoi consiste la « mutilation » dont il parle. Aucun de ses compagnons d’usine ne semble remarquer la moindre anomalie : Abe est costaud, bon buveur, bon danseur les soirs de sortie, et bon raconteur d’histoires drôles. Il est tendre avec les filles, en particulier avec les filles paumées, à qui il donne un coup de main chaque fois que l’occasion se présente. Abe est loin du comportement machiste et vulgaire de ses compagnons.

C’est donc autour de cette énigmatique « mutilation » que Tadzio Koelb construit le début de son intrigue et nous propose un formidable voyage dans la classe ouvrière de la Côte Est à la fin des années quarante. La pauvreté est endémique, les rapports entre les hommes rudes, parfois violents, les dancings de la fin de semaine restent la seule distraction – on paye un ticket pour avoir droit à une danse avec une femme. Danse n’est pas le mot exact, disons plutôt contact rapproché avec le corps d’une femme.

Le Bruit du dégel, John Burnside (seconde critique)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Métailié, La rentrée littéraire

Le Bruit du dégel, août 2018, trad. anglais (Écosse) Catherine Richard-Mas, 362 pages, 22 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

DansLe Bruit du dégel, la patte, ou plutôt la texture de l’auteur de L’Eté des noyés se confirme. Cette même lumière intérieure, une sorte de douceur un peu étrange qui baigne le roman, qui en floute les contours, adoucit les angles, même les plus tranchants. On pourrait penser que John Burnside peint ses romans plus encore qu’il ne les écrit et ce n’est sans doute pas un hasard si l’art tient une grande place dans son écriture. Mais, si la peinture était omniprésente dans L’Eté des noyés, ici ce sont surtout le cinéma, la musique : images, ambiances, atmosphères… Les sens du lecteur sont extrêmement sollicités, y compris celui du goût, et nous lisons le roman comme nous regarderions des morceaux de films, où les personnages s’appréhendent peu à peu dans leur complexité, leur solitude, leur histoire particulière, souvent dramatique. Et justement, dans Le Bruit du dégel, c’est de cela qu’il est question : d’histoires, des morceaux de vie racontés par Jean, une vieille dame qui vit en lisière d’une forêt, qui coupe son bois, fait des beignets aux pommes et concocte des tisanes et adore aller boire un café accompagné d’une délicieuse pâtisserie, au Territoire sacré.

Les fureurs invisibles du cœur, John Boyne

, le Mercredi, 29 Août 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Jean-Claude Lattès, La rentrée littéraire

Les fureurs invisibles du cœur, août 2018, trad. anglais Sophie Aslanides, 592 pages, 23,90 € . Ecrivain(s): John Boyne Edition: Jean-Claude Lattès

 

Les fureurs invisibles du cœur, ce sont d’abord celles de Cyril, le narrateur qui dresse un portrait sans complaisance de la société irlandaise des années 40 et des décennies suivantes.

Dés la première scène le ton est donné : enceinte à 16 ans, la mère de Cyril est publiquement bannie et elle doit quitter sa famille et s’exiler à Dublin sans un sou en poche.

Abandonné dès sa naissance, Cyril est confié par une nonne bossue à Charles, un homme d’affaires qui fraude le fisc, et à sa femme, Maude, romancière qui pense que le succès littéraire est vulgaire, ce qui ne l’empêche pas de passer ses journées derrière sa machine à écrire, noyée dans un rideau de fumée car elle grille clope sur clope.

Maude et Charles Avery élèvent Cyril de façon à ce qu’il ne manque de rien mais ne ratent pas une occasion de lui rappeler qu’adopté, il n’est pas un véritable Avery. Et c’est bien le drame de Cyril, il ne sait pas d’où il vient, qui il est, ni pourquoi, contrairement aux autres garçons, il n’aime pas les filles.

Seule la nuit tombe dans ses bras, Philippe Annocque

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 28 Août 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Quidam Editeur

Seule la nuit tombe dans ses bras, août 2018, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Annocque Edition: Quidam Editeur

 

« Le décor est un écran bleu et les corps sont à distance, le sien assis à son bureau où il est supposé écrire, celui de Coline sans doute allongé sur son lit son smartphone à la main. Est-elle de dos ? sur le ventre ? A vrai dire, il n’en sait rien, il ne la voit pas. Mais il l’imagine sur le ventre, oui. Pourquoi il n’en sait rien mais il l’imagine sur le ventre. Si ça se trouve il a tout faux ».

Seule la nuit tombe dans ses bras est un roman d’amour virtuel, une histoire sensuelle et sans suite, sexuelle, entre les lignes de Facebook, dans les tchats, SMS et mails, les terrains complices et anonymes d’Herbert et Coline. Une  histoire d’amour comme une vieille chanson de variété, avec un refrain que fredonne Herbert et que reprend parfois Coline. Une chanson qui devient un roman, un roman qui s’écrit sous nos yeux et dont l’auteur s’amuse. Seule la nuit tombe dans ses bras se nourrit de courts échanges clandestins sur le net, comme au tennis, les deux amoureux virtuels montent au filet, frappent la balle, les phrases volent, cinglent, s’élèvent, rasent les lignes blanches, rebondissent, des phrases ornées de sourires préfabriqués par le net, ces petits icones qui s’offrent d’un clic, et de photos postées, et puis elle a retiré le haut, comme une signature, et qui font virevolter la fiction.

Tuer Jupiter, François Médéline (seconde critique)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 28 Août 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, La Manufacture de livres

Tuer Jupiter, août 2018, 224 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): François Médéline Edition: La Manufacture de livres

 

Le lundi 12 novembre 2018, un peu après 4 heures du matin, juste après la fin des cérémonies de commémoration du 11 Novembre, le Président de la République française Emmanuel Macron succombe à une tentative d’assassinat réussie, aussitôt revendiquée par Daesch. Il est enterré au Panthéon le 2 décembre, en grande pompe, au milieu de l’émotion de ses proches et de la nation tout entière.

A partir de cette date, François Médeline, qui connaît bien, pour les avoir fréquentés, les arcanes du pouvoir, remonte le temps et, mois par mois, semaine après semaine, dévoile l’énorme et sophistiquée mécanique qui, de Moscou à Washington DC, de Villejuif à Aubervilliers, des eaux territoriales israéliennes au large du Sahara occidental, de l’Elysée à New Delhi, orchestre le meurtre présidentiel.