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Roman

La Rose de Saragosse, Raphaël Jerusalmy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 25 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

La Rose de Saragosse, janvier 2018, 190 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

 

C’est un court roman que nous offre Jerusalmy, mais quelle intensité, quelle poésie, quelle délicatesse ! Le cadre de Saragosse quelques années avant « la catastrophe » annoncée pour les Juifs d’Espagne – l’exil, l’arrachement à la terre que l’on croyait pouvoir aimer pour toujours – est un écrin d’autant plus précieux et séduisant qu’il est désormais, pour Ménassé de Montesa, sa famille, et toute la juiverie* espagnole, en danger imminent de disparaître.

On est en pleine inquisition et Torquemada est de plus en plus puissant et féroce. Les mécréants, les apostats, les « sorcières » constituent son gibier ordinaire. Mais les Juifs – même les « conversos » – font ses délices mortifères.

L’inquiétude est déjà bien installée dans les maisons juives quand survient – le livre commence ainsi – le meurtre du Père Arbuès, membre de l’Inquisition, en pleine église. Les tensions alors arrivent à un sommet dans la ville.

L’art de perdre, Alice Zeniter

Ecrit par Franck Verdun , le Mercredi, 24 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

L’art de perdre, août 2017, 512 pages, 22 € . Ecrivain(s): Alice Zeniter Edition: Flammarion

 

Les harkis ont subi le malheur des vaincus et celui-là était à double détente. Ils ont dû fuir leur pays pour la France ; mais là, leur présence évoquait trop visiblement la colonisation, la guerre et la défaite, comme la tache de sang poursuivait le crime de lady Macbeth.

Les harkis, comme tous les perdants, n’ont pas d’histoire. Chacun choisit alors sa stratégie de survie. Certains décident de déserter leurs souvenirs : ils choisissent le silence. Mais le vide du silence est une masse dense qui obéit aux lois de la physique. Il satellise les êtres autour de lui, il obsède comme la présence du membre fantôme que l’on a amputé. Cette éternelle histoire des perdants, Alice Zeniter l’écrit magnifiquement dans L’art de perdre. Le roman raconte la filiation de Naïma, jeune femme née de père Kabyle et de mère française dont les grands-parents Ali et Yema ont quitté l’Algérie pour la France en 1962, et qui après un passage dans des camps de travail parviennent dans l’appartement d’une HLM de Normandie.

Cette nuit, Joachim Schnerf

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Zulma

Cette nuit, janvier 2018, 146 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Joachim Schnerf Edition: Zulma

 

Salomon est un vieil homme qui porte à l’avant-bras un tatouage. Pas un prénom féminin, un cœur ou quelque autre emblème folklorique. Une suite de chiffres. Enfant, il fut déporté à Auschwitz avec ses parents. Lui seul en réchappa et put revenir du dernier cercle de l’enfer. On a beaucoup publié sur des thèmes comme « vivre après Auschwitz », « écrire après Auschwitz », « aimer son semblable et lui faire confiance après Auschwitz », etc. Pour Salomon, ce ne sont pas des questions théoriques. Ayant vu ce que personne n’aurait jamais dû voir et ce que nul ne peut pleinement communiquer, il surmonta cette expérience en développant un « humour concentrationnaire » très personnel. Il prit le parti d’en rire, ce qui ne manque jamais de provoquer de l’embarras (pour le dire gentiment) en société. Peut-être grâce à cette politesse du désespoir (une définition bien connue de l’humour), Salomon put fonder une famille et mener une vie aussi normale que possible. Joachim Schnerf prend son personnage de patriarche à un moment délicat de son existence : il vient de perdre sa femme et doit organiser seul la Pâque juive qui s’annonce.

Ör, Auður Ava Ólafsdóttir

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 22 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Zulma

Ör, octobre 2017, trad. islandais Catherine Eyjólfsson, 236 pages, 19 € . Ecrivain(s): Auður Ava Ólafsdóttir Edition: Zulma

 

Le narrateur, Jonas Ebeneser, opère une rupture brutale, qu’il annonce définitive, avec sa vie, son travail, sa famille, ses amis, après avoir appris que sa fille Nymphéa n’est pas sa fille. Une ultime visite à sa mère, « ratatinée » dans sa maison de retraite, qui radote en faisant référence à ses connaissances d’historienne, ne fait que conforter sa décision.

Je n’ai pas l’intention de finir comme maman.

Il en a décidé : il veut, il doit mourir. Après avoir mis de l’ordre dans sa cave et retrouvé le journal de ses jeunes années, il part sans prévenir quiconque, avec sa caisse à outils et un vieux fusil emprunté à son meilleur ami Svanur, loin, de l’autre côté de la mer, dans un pays dévasté par une guerre qui vient tout juste de s’achever.

La question est de savoir quelle destination prendre. Je cherche sur Internet une destination adéquate en me concentrant sur les latitudes en zone de guerre.

Tina, Christian Laborde

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 17 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions du Rocher

Tina, janvier 2018, 128 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Christian Laborde Edition: Les éditions du Rocher

 

« La nuit est un animal qui ne dort que d’un œil. Elle sent bien que cette sortie à moto est une fuite, qu’une peau est en jeu. La nuit prend soin de Tine, de ses cheveux. C’est elle qui règle l’intensité du vent, le maintient à distance du side-car. Le vent ne doit pas décoiffer Tine ».

Tina fuit, elle fuit la fureur des hommes, la vengeance des vauriens de Vissos, le charivari, elle ne laissera pas ces résistants lui voler sa longue chevelure flamboyante, elle refuse les crachats, les insultes, et l’infamie. Alors, elle fuit, elle fuit dans la nuit occitane avec l’aide de Gustin, fidèle et silencieux, elle fuit vers la ville, vers Toulouse où personne ne la connaît, pour se cacher chez les Sœurs de la rue des Trois-Fontaines. Elle a une mémoire affutée Tina, comme son regard, elle ne plie pas, elle s’ouvre au monde, comme elle ouvrait ses bras à son amant Karl, l’officier allemand qui lui offrait en retour des vers de Verlaine, d’Hugo, de Musset, d’Apollinaire : « En admirant la neige semblable aux femmes nues ».