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Roman

Le Bon Cœur, Michel Bernard

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 10 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde

Le Bon Cœur, janvier 2018, 240 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

« Les sons et les mouvements de la nuit ne les inquiétaient plus. Leurs sens s’étaient habitués. Le hululement d’un hibou sur son territoire de chasse, suave et prenant, la solitude d’un chêne, son orbe découplé sur la nuit, le vol errant d’une chauve-souris, étaient les signes d’amitié de la forêt. Ils avançaient comme des ombres dans un rêve, et c’était le rêve de la jeune fille ».

Le Bon Cœur est le roman d’une jeune paysanne dont le prénom deviendra un nom, et dont le nom inspira historiens, musiciens et cinéastes : Jeanne d’Arc. De Jules Michelet à Georges Duby, de Joseph Delteil à Anatole France, de Dreyer à Victor Fleming et Otto Preminger, de Robert Bresson à Jacques Rivette, sans oublier Gérard Manset, avec une passion commune, saisir le visible et l’invisible, faire voir ce qui a fait de l’histoire de Jeannette de Domremy une histoire française. Le Bon Cœur fait entendre l’histoire de la reconquête du Royaume de France, et une voix singulière et unique, qui résonne, comme celles qu’elle a entendues avant de se lancer dans cette aventure, les voix font parfois l’Histoire et souvent les grands livres. Cette voix singulière est aussi celle du roman de Michel Bernard, il conte avec finesse cette folle épopée française, qui la conduit à Orléans et à Reims, avant de tomber dans les mains des Bourguignons et des Anglais, cette traversée de l’Histoire, et des histoires, cette guerre de reconquête et de mots, où l’héroïne insaisissable et troublante écrit une Histoire nouvelle, les armes à la main.

L’arpenteur des ténèbres, Antoni Casas Ros

, le Mardi, 09 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Castor Astral

L’arpenteur des ténèbres, janvier 2018, 327 pages, 19 € Edition: Le Castor Astral

 

La quatrième de couverture est suffisamment explicite, prometteuse, alléchante : on imagine déjà Antoni et Anca sillonner les États-Unis et le Mexique à la recherche de Toma Emin, l’écrivain mystérieux, qui refuse d’apparaître en public. On conçoit aisément que la quête sera longue et on l’espère palpitante et atypique à l’instar de nos deux amants : Antoni n’a-t-il pas été embauché par une étrange fondation pour laquelle il devra décrire le monde selon un pur critère esthétique ? Après avoir tagué son sexe en rouge sur bon nombre de murs new-yorkais, Anca ne peut décemment pas en rester là. Nul ne doute, enfin, que leur marginalité viendra contrarier le nouveau genre de terrorisme qui s’abat sur le monde.

Au début, tout se passe sans heurt : Antoni, l’écrivain qui n’avait jamais écrit un texte ailleurs que sur une ardoise effaçable, part à la découverte du monde avec son Olivetti Valentina rouge, fort d’un contrat d’un an et d’un salaire correct et régulier. Sa seule contrainte : un texte qu’il enverra chaque semaine à son employeur. Son choix personnel : une esthétique du chaos. Il rencontre Anca, la belle et fascinante cunt artist. Ensemble ils décident de retrouver Toma Emin et d’honorer l’engagement d’Antoni par l’envoi de textes croisés sur des sujets qu’ils tirent au sort. Quant à la menace terroriste, elle demeure distante, relayée par la télévision.

Le Chant des blessures, Sybille Claude

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 08 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Chant des blessures, Sybille Claude, LEGS édition, Haïti, août 2017, 110 pages . Ecrivain(s): Sybille Claude

Dans un langage simple, direct, un langage parlé avec des tournures qui peuvent parfois dérouter le lecteur, mais parsemée de fulgurances poétiques, Sybille Claude dans ce premier et court roman laisse entrevoir la naissance d’un écrivain qui va compter. Cette île on le sait est ô combien riche de poètes, d’écrivains, dont les désormais célèbres sont majoritairement masculins. Pourtant il y a bien des voix de femmes aussi dans la littérature haïtienne, aussi saluons cette plume nouvelle qui est celle d’une toute jeune femme, tout comme le personnage central et narrateur du roman.

Après l’assassinat du père adoré, poète, intellectuel et militant politique, un accident cardiovasculaire cloue la mère inconsolable de Sarah Aurore Barreau dans un fauteuil et toute leur vie avec, qui dégringole au plus bas. Un grand frère, adoré lui aussi, a tenté le tout pour le tout en s’embarquant clandestinement sur une de ces embarcations lancées en vain vers une hypothétique Amérique. « L’eau a eu raison de la ténacité de mon frère ». Sarah Aurore Barreau s’est retrouvée seule avec une mère qui ne la regarde plus et dont elle doit cependant s’occuper à Lanfèpam, nom dans lequel on ne peut qu’entendre le mot « enfer », quartier de tôles et de mouches, d’eaux puantes où « le soleil te cherche et te trouve à l’intérieur de ces trous crasseux » et « où il n’y a pas d’espace entre deux taudis lézardés pour insérer même une plante ».

Bénédict, Cécile Ladjali

Ecrit par Sana Guessous , le Lundi, 08 Janvier 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Bénédict, janvier 2018, 272 pages, 20,80 € . Ecrivain(s): Cécile Ladjali Edition: Actes Sud

 

Il n’est pas désagréable de cheminer entre les pages de Bénédict, le roman de Cécile Ladjali, à paraître en janvier 2018 chez Actes Sud. Les phrases sont d’une grande coquetterie. L’autrice les a parées de mille atours étincelants. « Les rais brûlants strient la dalle glacée » ; « Les fougères sourient à l’ombre de la source vive » ; « l’aube métallique fait entendre les carillons d’une partition de Purcell ». La forme de ce roman m’évoque un jardin à la française, taillé avec élégance, d’une symétrie parfaite. Une forme polie, policée, qui jure cruellement avec le fond, plutôt dérangeant.

Le fond ? C’est l’identité contrariée, déchirée de Bénédict Laudes. Le personnage central du roman s’empêtre dans un corps qui lui est étranger, qui l’encombre. En exil dans sa propre chair, Bénédict refuse l’image lisse et normée que la société lui assigne. « Non, vous n’êtes pas entièrement là », lui reproche quelqu’un. « Une partie de vous est ailleurs. Et c’est cette autre moitié qui m’inquiète. Je la devine à cette heure tardive, entre chien et loup, quand les étudiants sont partis et que nous sommes seules sous le chuchotement des arbres. Il y a quelque chose en vous que je ne comprends pas et qui me fait peur. Quelque chose qui se brouille. Qui s’efface comme le jour. Oui, vous me faites peur ».

Œuvres romanesques précédées de Poésies complètes, Blaise Cendrars en la Pléiade

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Décembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Pléiade Gallimard

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, Edition établie et présentée par Claude Leroy, 2 volumes, 115 € (jusqu’au 31 mars 2018) . Ecrivain(s): Blaise Cendrars Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Je resterai ma vie durant

à regarder couler la Seine…

C’est un poème dans Paris »

(La Seine, Poèmes tardifs).

Blaise Cendrars fait une nouvelle apparition dans la Bibliothèque de la Pléiade, avec deux volumes d’œuvres romanesques et poétiques, aux mille éclats de paillettes d’or. En 2013, Gallimard publiait deux premiers opus, consacrés aux Œuvres autobiographiques – si essentielles à l’écrivain voyageur : L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, et Prière d’insérer. Le Tour du Monde poétique et romanesque du poète armé du bouclier de son œuvre (1) s’achève. L’arpenteur, le guerrier du présent, le bourlingueur lettré, l’engagé volontaire, nous livre ses Mémoires d’outre-vie composées sur le vif du sujet, sur le motif, à la manière de Cézanne et c’est admirable.