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Roman

Alice suivi de La Chasse au Snark (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 28 Novembre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, La Pléiade Gallimard

Alice suivi de La Chasse au Snark, traductions nouvelles, Philippe Jaworski, éd. bilingue, 207 illustrations, 1024 p., éd. Gallimard/La Pléiade, n°681 de la collection, 2025, 64 €

 

Royaumes enchantés

Les célèbres récits : Aventures d’Alice sous terre / Aventures d’Alice au Pays des Merveilles / De l’autre côté du miroir, et ce qu’Alice y trouva, suivis de Le Frelon emperruqué et de La chasse au Snark, écrits par Charles Lutwidge Dodgson (alias Lewis Carroll, né en 1832 à Daresbury, et décédé en 1898 à Guildford), font l’objet d’une nouvelle traduction établie par Philippe Jaworski qui précise : « Le diacre Charles Lutwidge Dodgson n’a cure de célébrer la morale conventionnelle quand il écrit des histoires sous le pseudonyme de Lewis Carroll ». La composition des textes s’apparente au collage, au rêve, où, néanmoins, les rituels, les éléments du récit et les mœurs restent typiquement anglais. Lewis Carroll rédige les Aventures d’Alice « sur le fond sinistre de massacres en Irlande, d’oppression dans les manufactures et de la philosophie utilitariste de Bentham. » [Jaworski]. Le texte de Carroll est juxtalinéaire, d’une écriture ronde, qu’il illustre de dessins assez naïfs.

Échappées, Pierre Péju (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Novembre 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Gallimard

Échappées, Pierre Péju, Gallimard, 273 p. 21 € . Ecrivain(s): Pierre Péju

 

Comment évoquer la Résistance, l’Occupation, les attitudes du peuple français, sans risque de retomber dans une description manichéenne et unilatérale de cette sombre période de l’histoire de France ? Pierre Péju, dans son dernier roman Échappées, parvient à éviter cet écueil et à renouveler quelque peu le genre.

Nous sommes à Lyon, en octobre 1942. Une entreprise, Au déménagement moderne, réalise très ordinairement un déménagement, et aussi la cache de biens de Juifs en fuite car son patron s’est engagé dans la Résistance. Au cours de ce déménagement, son personnel découvre une enfant, Stella Wirst, cachée dans une mallette ; elle s’est dissimulée dans cette dernière après l’arrestation de ses parents, Juifs alsaciens originaires de Strasbourg.

Ce patron a engagé Aimée comme secrétaire, en raison de sa maîtrise de la technique de la sténodactylographie.

Souviens-toi des abeilles, Zineb Mekouar (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 20 Novembre 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Souviens-toi des abeilles, Zineb Mekouar, Folio – 9 octobre 2025, 176 pages 9,00€ Edition: Folio (Gallimard)

 

Prix Henri de Régnier de l’Académie Française 2025, ce deuxième ouvrage de Zineb Mekouar plonge le lecteur dans un univers culturel alternatif où se mêlent et s’affrontent tradition, superstition et sacrilèges, interdits, violations des lois coutumières, conséquences tragiques du changement climatique, exil rural, contraintes socio-économiques et sentiment de dépravation culturelle et morale à l’évocation et au contact de la « civilisation » urbaine.

 

L’action se déroule en majeure partie dans le douar Inzerki, dans la province de Taroudant, et en second lieu à 80 kilomètres de là, à Agadir.

Rêves de trains, Denis Johnson (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Novembre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Titres (Christian Bourgois)

Rêves de trains, Denis Johnson (Train Dreams 2003), traduit de l’américain par Brice Matthieussent, Christian Bourgois Titres, 138 p. 7,50 € Edition: Titres (Christian Bourgois)

Au-dessus du vide, des gouffres vertigineux, des canyons brutaux, des hommes ont lancé des ponts, des monstres de métal pour réduire les distances dans les territoires montagneux, dans les brisures des Rocheuses, des Appalaches, comme un défi insensé à la Nature jusqu’alors toute puissante. Des hommes ont bravé le danger, ont risqué et ont laissé leur vie dans les gouffres obscurs pour accomplir cette tâche de titans au nom de ce que l’on a appelé le progrès – et qui l’était sûrement pour l’économie américaine des années 20. Moment essentiel de la composition de la symphonie des trains qui tissèrent leur toile à travers l’immense territoire, monts et vallées, déserts et villes, canyons et plateaux.

Grainier fut l’un de ces bâtisseurs et son histoire, ici racontée, est scandée par le bruit des trains, leurs vibrations, leurs sifflements, leurs grondements. Une vie simple, d’homme simple, écrite dans un style au dénuement total. Les accents bibliques ne sont pas loin, avec des passages d’une poésie céleste qui frise le fantastique. L’histoire de Grainier coule dans ses veines à jamais et, longtemps après l’âge héroïque des premiers ponts, il a gardé au fond du cœur et de la mémoire les moments d’alors.

La Montagne magique, Thomas Mann (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 14 Novembre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Fayard, En Vitrine, Cette semaine

La Montagne magique, Thomas Mann, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, Fayard, 2016, 782 pages, 39 euros. . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Fayard

 

Sur la Montagne magique, tutoyer l’amour.

La nuit de Walpurgis, dans un salon de la maison Berghof, sanatorium cossu de Davos, Hans Castorp déclare à Clavdia Chauchat son amour. Il le fait en français, la langue qui permet, dans ce monde « d’en haut » où le seul lien évident entre pensionnaires est un mal identique, d’échanger des politesses entre gens qui ne parlent pas la même.

Mais il n’est plus question, dans l’intimité que tissent piano et rumeurs de la fête, de politesse. « Je t’aime, balbutia-t-il, je t’ai aimée de tout temps, car tu es le Toi de ma vie, mon rêve, mon sort, mon envie, mon éternel désir… »* Hans, qui ne s’est jamais auparavant adressé à Clavdia, la tutoie d’emblée. Car, de même que la tuberculose outrage, sans se laisser d’abord voir puis à grand renfort de drames, la vie de cette communauté dont les apparences doivent rester sauves, de même la vie intérieure de Hans est trop bouillonnante pour se plier encore, cette nuit de Walpurgis, aux cachotteries bienséantes d’une conversation mondaine.