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Recensions

En d’autres lieux, Max Alhau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 02 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

En d’autres lieux, Max Alhau, Voix d’encre, octobre 2023, 72 pages, 11 € . Ecrivain(s): Max Alhau

 

Le poète, dans nombre de ses recueils, consigne un véritable travail de mémoire, que les vocables reconnaissables entre tous nomment, entre traces, empreintes, oubli, mémoire.

La poésie, donc, doit s’inventer « en d’autres lieux » pour sauver ce qui peut l’être. On a perdu des saisons, des visages, des amours ; on a bien du mal à en conserver des traces qui puissent défier le temps ; on est sans cesse à la quête de « ces espaces/ hors de portée », « comme si tu pouvais restituer au passé/ ses effluves, les preuves de son passage ».

Entre « absence et infini », titre de la troisième partie de ce recueil, la poésie d’Alhau s’avère épuisante recherche, comme un chercheur d’or dans un monde de sable. A la conviction que « tout n’est pas perdu », qu’on n’a pas pu tout de même oublier « les visages auréolés d’un rêve », la poésie répond d’une salve d’impératifs adressés au poète lui-même, conseils de vigilance dans un univers qui s’effrite, s’effiloche : « Laisse couler le vent », « Eloigne-toi de la brume », ou encore « rends grâce à des dieux/ dont tu as perdu la trace ».

Le Cheval en Feu, Anuradha Roy (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 01 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Asie, Roman, Actes Sud

Le Cheval en Feu, Anuradha Roy, Actes Sud, novembre 2023, trad. anglais (Inde), Myriam Bellehigue, 271 pages, 22,50 € Edition: Actes Sud

« Il était une fois, il y a fort longtemps, un potier, qui était tombé amoureux d’une femme. Ils vivaient dans le même quartier, il la croisait tous les jours, mais il ne pouvait aller la trouver pour lui dire ce qu’il ressentait. Cet homme et cette femme appartenaient à deux tribus qui se détestaient. Il savait bien que jamais ils ne pourraient vivre ensemble. Une nuit, un cheval de terre cuite le visita en songe : ses naseaux crachaient du feu, il avait des yeux de braise et il s’adressa à lui si clairement que le potier comprit chacun de ses mots. S’il apprenait à chevaucher ce cheval de feu sur la terre et sous l’eau, la femme serait à lui. Il se réveilla avec la certitude que ce cheval devait voir le jour et que c’était à lui de le créer ».

Nous sommes en Inde, le potier se nomme Elango. Il a dans les mains un savoir-faire hérité de ses ancêtres, il ne cède en rien aux modes du moment, ce qui pourrait pourtant le sortir de la misère. C’est son histoire que raconte Sara, étudiante à Londres, qui, pour tromper l’ennui et la solitude, pratique l’art traditionnel de la poterie que lui a enseigné Elango, alors qu’elle était petite fille dans un village en Inde.

Comme une lune noire sur ma table, Christian Viguié (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 28 Mars 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

Comme une lune noire sur ma table, Christian Viguié, éd. La Table Ronde, mars 2024, 176 pages, 17 € Edition: La Table Ronde

 

Ce volume de poésie, copieux et léger, est sans doute, dans l’esprit de l’auteur, et celui de ses lecteurs fervents, une chronique « au jour le jour » de la vie quotidienne. L’art de piéger le réel pour nous le restituer avec vivacité, humour et cohérence, semble aller de soi pour le poète qui passe son temps à attendre que le monde entre en ses pages. Il lui suffit d’observer une porte, d’ouvrir un tiroir, de « poser des choses » sur une table, pour faire naître ce condensé du monde : le poème.

Distribué en deux parties, le livre expérimente là deux écritures : des poèmes très brefs, d’une part, jamais au-delà de sept, huit vers, et d’autres, beaucoup plus longs, offrant au texte plus d’amplitude sinon de réflexion.

Ravages, Violette Leduc (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 28 Mars 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Ravages, Violette Leduc, Gallimard, Coll. L’imaginaire, novembre 2023, 444 pages (édition augmentée), 23 € . Ecrivain(s): Violette Leduc Edition: Gallimard

 

 

Cette œuvre monumentale de Violette Leduc n’avait jamais, au grand dam de l’auteure, été éditée dans son intégralité, ayant été, dès sa première parution chez Gallimard en 1955, expurgée, fragmentée, remaniée à la demande expresse de l’éditeur, déplorablement dénaturée, mutilée, amputée d’un coup de couperet de sa première grande partie représentant un bon quart du texte, et tronquée de très nombreux éléments dans ce qui restait de l’ouvrage.

Cette nouvelle édition est donc une revanche, hélas posthume, pour l’auteure, et une action d’utilité publique en matière littéraire.

Drôle de ménage, texte et dessins de Jean Cocteau (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 27 Mars 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Drôle de ménage, texte et dessins de Jean Cocteau, Grasset Jeunesse, Coll. Lecteurs en herbe, 2023, 60 pages, 22 € Edition: Grasset

En famille chez les étoiles

Jean Cocteau (né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte, décédé le 10 octobre 1963 à Milly-la-Forêt) fut à la fois poète, peintre, dessinateur, dramaturge et cinéaste. Élu à l’Académie française en 1955, il compte parmi les artistes qui ont marqué la première moitié du XXème siècle. Louis Aragon, en parlant de lui, évoquait un « poète-orchestre ». Jean Cocteau apprend la mort d’Édith Piaf dans sa demeure de Milly-la-Forêt et succombe quelques heures plus tard d’une crise cardiaque. Sur sa tombe (il est enterré dans le cimetière jouxtant l’église de Milly-la-Forêt), on peut lire en guise d’épitaphe : « Je reste avec vous ».

Jean Cocteau a produit texte et dessins pour ce précieux album jeunesse au format de 37x24,8 cm, juste après-guerre. Les tirages, datant de juillet 1948, dus aux éditions Paul Morihien, ont été importants : 2700 exemplaires dont 720 numérotés. À la manière d’un conte, d’une fable onirique, Cocteau s’adresse autant aux enfants qu’aux parents, les priant de demeurer dans l’univers du rêve et ainsi, de ne pas trahir leur propre enfance.