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Nouvelles

Trop de bonheur, Alice Munro

Ecrit par Grégoire Meschia , le Vendredi, 13 Septembre 2013. , dans Nouvelles, Les Livres, Recensions, La Une Livres, L'Olivier (Seuil), Canada anglophone

Trop de bonheur, traduit de l’anglais (Canada) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, 2013, 320 pages, 24 € . Ecrivain(s): Alice Munro Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Trop de bonheur. Un titre quasiment philosophique qui décontenance quand on s’intéresse de plus près aux histoires qu’il contient. Du bonheur on en est loin. Ou alors faut-il redonner à l’adverbe son sens premier et négatif de démesuré, au-delà des limites. Tellement de bonheur qu’il disparaît. C’est en effet plus par son absence que le bonheur brille dans le texte.

S’il ne s’agit pas d’un ouvrage de philosophie, les nouvelles d’Alice Munro apportent néanmoins une certaine vérité sur l’existence. On peut tirer de chaque histoire un constat qui bien loin d’être moralisateur donne à voir des humains, comme vous et moi, en prise avec des situations de la vie quotidienne. Si ces vies ont d’abord la banalité du quotidien, quelque chose d’extraordinaire – un nœud – vient d’emblée noircir le tableau. Elles ont l’apparence du fait divers qui peut arriver à n’importe qui, mais qui peut se trouver d’un coup en première page d’un journal à scandale. Alice Munro dissèque les humains, elle les met à nu :

Contes d'amour, de folie et de mort, Horacio Quiroga

Ecrit par Guy Donikian , le Jeudi, 05 Septembre 2013. , dans Nouvelles, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Contes d’amour de folie et de mort , trad. espagnol (Uruguay) par Frédéric Chambert, 5 septembre 2013, 215 pages, 10 € . Ecrivain(s): Horacio Quiroga Edition: Métailié

 

Les contes d’amour de folie et de mort ont été écrits en 1917. Horacio Quiroga, écrivain uruguayen, a eu une vie durant laquelle il a côtoyé la mort dès son plus jeune âge, ce qui a, à l’évidence, plus qu’influencé son œuvre. Il a trois mois quand son père se tire une balle de fusil dans la tête, et on ne saura pas s’il s’agit d’un suicide ou d’un accident. En revanche, dix sept ans plus tard, son beau-père se suicide en raison d’une maladie. Sa première femme se suicide en 1915 et Quiroga lui-même va tuer accidentellement son meilleur ami lors de la manipulation d’un pistolet.

Ce recueil de nouvelles, relativement courtes, met en scène la mort dans ce qu’elle a d’incontournable, et on ne s’étonnera pas de trouver dans les nouvelles des chutes qui paraissent d’une logique implacable. Lire Horacio Quiroga c’est s’immerger dans ce rapport au monde très singulier, où l’éphémère est au service d’un réalisme et dans lequel chaque détail a son importance.

Dimanche chez les Minton et autres nouvelles, Sylvia Plath

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 30 Août 2013. , dans Nouvelles, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Dimanche chez les Minton et autres nouvelles, mai 2013, 97 pages, 2 € . Ecrivain(s): Sylvia PLATH Edition: Folio (Gallimard)

 

 

La nouvelle est un exercice difficile en littérature ; son caractère succinct incite à la concision, à une brièveté efficace. Le tout doit créer un univers, une ambiance.

Sylvia Plath, nouvelliste et poétesse américaine du XXe siècle, excelle dans le genre. Elle décrit ainsi des individus aux rêves brisés par le conformisme d’une vie trop bien rangée, ordonnée par de lancinantes habitudes comme dans La boîte à souhait, description de la vie d’un couple dans lequel l’époux tue les rêves de sa compagne par la pure routine. On citera également, dans le domaine de la satire sociale et de la mise à jour de l’hypocrisie sociale, Le jour où Mr Prescott est mort, fine description de la fausseté des sentiments et de l’absence de chagrin réel ressenti lors d’un deuil dans une famille… La dernière nouvelle, Un dimanche chez les Minton, met en scène un frère, au demeurant très âgé, qui a choisi de partager sa retraite avec sa sœur ; il est conformiste, aime les recettes de cuisine bien faites, elle est rêveuse, hardie en pensée, et cède devant ce conformisme vainqueur et cette quiétude émolliente :

Nouvelles du New Yorker, Ann Beattie

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 28 Mai 2013. , dans Nouvelles, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Christian Bourgois

Nouvelles du New Yorker, trad. (USA) par Anne Rabinovitch avril 2013, 379 p. 20 € . Ecrivain(s): Ann Beattie Edition: Christian Bourgois

 

 

Pour certains d’entre nous, Ann Beattie a accompagné nos années d’adolescence post soixantehuitarde. Elle est de ces plumes qui ont su capter une époque, un style, un mode de vie, des silhouettes, des mots : ceux de la « libération » des langues et des esprits. Du moins de la pseudo libération car elle cachait bien sûr d’autres enfermements, d’autres illusions, d’autres croyances imbéciles. Et ça aussi, Ann Beattie l’a saisi.

Vous l’avez compris, les nouvelles réunies ici, pour une large part d’entre elles, datent des années 70 et ont été publiées, dès leur naissance, par le célèbre New Yorker, magazine littéraire et culturel de Big Apple. Et on y retrouve tout cet univers d’alors : babas cool, chipoteurs psychologisants, fumeurs de joints, révolutionnaires de salon, nanas « libérées », gratouilleurs de guitares et de rimes approximatives, théoriciens nuls de l’avenir du monde, artistes dans un devenir qui ne viendra jamais.

Stefan Zweig en La Pléiade Gallimard

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2013. , dans Nouvelles, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Récits, La Pléiade Gallimard

Stefan Zweig, Romans, nouvelles et récits. Avril 2013. 2 tomes. Prix de lancement 116 € (130 € après le 31 août 2013) . Ecrivain(s): Stefan Zweig Edition: La Pléiade Gallimard

 

L’arrivée en La Pléiade d’une œuvre est en soi, toujours, un événement. Pour le lecteur français, francophone, c’est une sorte de consécration éditoriale suprême d’un auteur et de ses œuvres. La publication de Stefan Zweig constitue donc un événement, et à plus d’un titre. Toute l’œuvre est là, bien sûr, mais aussi et surtout, dans son cas, la dernière demeure en fin de compte de celui qui n’en avait plus vraiment depuis l’exil et qui, en choisissant la disparition physique, disait au monde que son œuvre était son dernier refuge. Ecoutons à ce propos Jean-Pierre Lefebvre dans sa superbe préface :

« Il n’avait pas déserté le monde, (…) Il avait seulement fait « sécession », lui aussi. Non pas dans la rumeur dorée d’une architecture nouvelle fortement imprégnée de ses héritages, ni dans un repli religieux, mais dans le jardin d’un monde de demain, pour mettre un terme à la fuite infinie, et se replier avec armes et bagages dans la seule vie de ce qu’il avait écrit. »