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Les Livres

Antonia, Gildas Girodeau

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 03 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Antonia, éd. Au-delà du raisonnable, mars 2015, 250 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gildas Girodeau

 

Les romans qui tirent vers le noir et du côté du polar sont souvent ceux qui nous en apprennent le plus sur le monde tel qu’il est ou tel qu’il a été, voire tel qu’il pourrait être ou sera. Le dernier opus de Gildas Girodeau n’échappe pas à cela et, en outre, c’est un roman dont le personnage principal emporte le lecteur, le séduisant tout en l’amenant à réfléchir au monde et à sa place dans le monde.

Antonia appartient aux fameuses Brigades rouges, alors que l’Italie entre dans les terribles « années de plomb », celle où une démocratie mal en point sera le théâtre des actions armées, violentes (on commence alors à parler plus systématiquement de terrorisme), ciblées ou aveugles, menées par les extrêmes politiques. Mais Antonia, celle que les services de police ont surnommée la « pistolera », parvient à échapper au « coup de filet » qui démantèle son organisation et l’amène à prendre le large sans tarder, à se fondre dans une autre identité, à changer de pays. Toutes choses qu’elle fait avec une détermination et une intelligence qui vont lui permettre de démarrer une autre vie, ailleurs.

Survivants, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Babel (Actes Sud)

Survivants, traduit de l’américain par Pierre Furlan, 256 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Babel (Actes Sud)

 

En 1975, Russell Banks (1940) voit quelques-unes de ses nouvelles réunies sous un très beau titre : Searching for Survivors, Survivants en français (une nuance est perdue, mais elle n’est pas essentielle) ; il n’est pas encore l’auteur majeur de Continents à la Dérive, De Beaux Lendemains ou encore American Darling, mais la qualité de ces romans incite l’amateur à se pencher avec bienveillance sur ces œuvres de jeunesse. Cet amateur est récompensé de sa curiosité : Banks, alors trentenaire, affiche une claire maîtrise de l’art narratif, même lorsqu’il fait ses gammes.

Une caractéristique que possède déjà Banks au plus haut point, c’est l’empathie envers ses personnages : peu importent leurs faiblesses, leurs défauts, la façon dont ils ont mené leur existence, aucun jugement n’est posé sur eux. Banks décrit des agissements, des comportements, rapporte des paroles, mais ne s’institue pas en petit comptable de l’existence de ses personnages ; cet art, il le portera à la perfection avec le Bob Dubois de Continents à la Dérive, mais c’est littéralement une autre histoire.

Trois années-lumière, Andrea Canobbio

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 30 Mai 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Italie

Trois années-lumière (Tre anni luce), janvier 2015, traduit de l’italien par Vincent Raynaud, 429 pages, 26,50 € . Ecrivain(s): Andrea Canobbio Edition: Gallimard

 

Cécilia, Sylvia, Viberti.

Deux femmes, un homme.

Deux sœurs, un amant.

Deux rivales, un amoureux transi et pusillanime.

Un, deux, trois !

Situation triangulaire classique en littérature, traitée de façon singulièrement intéressante par Andrea Canobbio.

Viberti est médecin, interne dans l’hôpital où Cecilia est elle-même médecin urgentiste. Ils ne se connaissent pas, jusqu’au jour où Viberti s’intéresse au cas clinique d’un jeune garçon anorexique, Mattia, qu’il découvre dans un service de l’hôpital où il passe par hasard.

Le pays de la peur, Isaac Rosa

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 30 Mai 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Christian Bourgois

Le pays de la peur (El país del miedo), avril 2014, trad. espagnol Vincent Raynaud, 329 pages, 20 € . Ecrivain(s): Isaac Rosa Edition: Christian Bourgois

 

Quel est donc ce pays de la peur dont Isaac Rosa entend nous faire le récit ? Quelques pays en guerre ou soumis à une terrible dictature ? Un nouvel avatar du meilleur des mondes, de 1984 ou de Farenheit 451 ? Nullement. Le pays de la peur, c’est celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Le pays dans lequel vivent aussi l’auteur, le narrateur et les personnages. Une Espagne qui devient France par la magie de la traduction et qui pourrait être n’importe quel pays de notre monde moderne, de notre « occident », voire au-delà.

En suivant les pas et les pensées de Carlos, c’est dans nos propres têtes qu’Isaac Rosa nous fait pénétrer, mettant à jour les mécanismes qui peuvent insidieusement et irrépressiblement nous installer dans le pays de la peur. Un pays où le quotidien peut se révéler plein de menaces qui, à force d’être fantasmées et médiatisées deviennent réelles et effectives.

Mon âge, Fabienne Jacob

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 30 Mai 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Mon âge, septembre 2014, 165 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Fabienne Jacob Edition: Gallimard

Descendre jusqu’au cœur des choses – au profond de soi, tout en restant au bord – plonger dans la matière rugueuse d’une écorce d’arbre auquel on s’enroule et sentir le flux de la vie qui nous déborde – ce roman de Fabienne Jacob est le roman de l’écriture du corps et des sensations, du temps intérieur. Mon âge, ce roman constitue un voyage au fil des reflets saisis impromptus – ou presque toujours par hasard – dans le regard d’un miroir que l’on croise, au courant de l’existence, au cœur d’une irisation troublante où la mémoire refait la traversée/un voyage au fil de reflets de soi surpris…

Comme en boucle le récit avance dans le rythme d’une limpidité interrompue/confondue lorsque le cours de la vie arrête un laps de lucidité la narratrice – lorsque son regard croise ces miroirs d’où remonte le flux éloquent toujours vif d’une mémoire en résurgence d’immersions ou de projections. Des îlots de poésie émergent véritablement par-ci par-là des surfaces de l’eau tranquille des habitudes ou du cours paisible ou inextinguible de la vie conjugale – éclaboussements d’écume et de sel dans le flux cyclique du tempo de la quotidienneté – ainsi cette odeur du sommeil des enfants, ce miracle éphémère qui tremble dans (l’)apesanteur irisée des bulles d’air, ce froissement de papier de soie blanc, papier fin presque translucide faisant courir une première salve de chair de poule sur le bras. Des passages émaillent les pages de cette poésie née du récit dans un flot de souvenirs teints de nostalgie et de fraîcheur :