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Les Livres

Le Fruit le plus rare, ou la vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 28 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman, Gallimard

Le Fruit le plus rare, ou la vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem, Gallimard, Coll. Continents Noirs, août 2023, 238 pages, 20 € Edition: Gallimard

 

Il y a deux bons et puissants romans en un dans ce deuxième ouvrage que publie Gaëlle Bélem.

« Il s’appelle Edmond, il a douze ans. Dans un XIXe siècle fade comme la pluie, où le peuple mange utile, loin de tout souci de goût, de présentation ou de parfum des aliments, Edmond vient de produire une nouvelle épice. Dans un siècle donc où on n’a l’habitude que de deux saveurs, l’amer des margozes et l’acide du citron-galet, où le sucre de canne est rare, dans un siècle disions-nous où la patate douce, le pain et les aigreurs d’estomac triomphent, lui Edmond, douze ans, apporte au monde occidental une saveur nouvelle, un arôme oublié depuis le XVIe siècle. L’arôme vanille ».

Edmond – il aura un patronyme bien plus tard, après l’abolition de l’esclavage en 1848 – est né de parents esclaves sur l’île Bourbon (La Réunion) au début du XIXe siècle. Orphelin précoce, il est recueilli et gardé avec lui dans son jardin de botaniste amateur et passionné par le maître Ferréol Beaumont…

Un poème au milieu du bruit, Lectures silencieuses, Antoine Boisclair (par Jacques Desrosiers)

Ecrit par Jacques Desrosiers , le Jeudi, 28 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Un poème au milieu du bruit, Lectures silencieuses, Antoine Boisclair, Éditions du Noroît, 2021, 240 pages, 25 €

 

Ce recueil qui se présente comme une simple collection d’essais pourrait servir d’introduction à la poésie. L’auteur a beau se limiter à une poignée de contemporains, il dégage de leurs poèmes des thèmes soit rattachés depuis toujours au cœur même de la poésie (le temps, la mort, la nostalgie), soit proches des grandes préoccupations actuelles (l’écologie, la métamorphose des villes, l’engagement politique). Sa palette est large : poésie américaine, mexicaine, québécoise, française, antillaise, polonaise, portugaise, géants comme Pessoa ou Szymborska, poètes connus (Yves Bonnefoy, Gaston Miron) à côté d’autres qui nous sont moins familiers (comme Derek Walcott ou Amy Clampitt). Sans parler de tous ceux qui surgissent au fil des pages, de Guillaume de Machaut à T. S. Eliot. Sa sobriété de ton donne à ses textes quelque chose de clair et tranquille qui nous fait entrer de plain-pied dans les poèmes. À la fin de chacun de ces dix-huit courts chapitres, on a très bien saisi ce qui est en jeu dans les vers qu’il vient de passer au peigne fin.

Erotika Biblion, et Lettre à M. sur Cagliostro et Lavater, Honoré-Gabriel Riquetti Mirabeau, précédés de Un Cabinet de curiosités littéraires, Emmanuel Dufour-Kowalski (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 27 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Slatkine

Erotika Biblion, et Lettre à M. sur Cagliostro et Lavater, Honoré-Gabriel Riquetti Mirabeau, précédés de Un Cabinet de curiosités littéraires, Emmanuel Dufour-Kowalski, éditions Slatkine, 2022, 242 pages, 45 € Edition: Slatkine

 

L’Erotika Biblion de Mirabeau – dont le titre semble à lui seul un alléchant programme – n’a rien d’un ouvrage introuvable, accessible seulement par des éditions anciennes conservées dans des institutions vénérables. Il fut reproduit dans deux recueils d’Œuvres érotiques faciles à se procurer sur le marché du livre d’occasion, l’un aux éditions des Arcades (1953), l’autre dans un fort volume publié chez Fayard (1984), où chaque opuscule était présenté par un préfacier différent : Gabriel Matzneff pour L’Abbé Il-et-Elle, Charles Hirsch – expert de l’hébreu et de la kabbale (on verra que ce choix de prime abord déroutant, car ces disciplines semblent peu chargées d’érotisme, se justifie). Il existe en outre une édition savante par Jean-Pierre Dubost, chez Champion (2009).

Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Septembre 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Cycle de Syffe, Patrick K. Dewdney, Folio, mai 2023 : L’Enfant de poussière, 800 pages, 10,90 €, La peste et la vigne, 720 pages, 10,90 € & Les chiens et la charrue, 784 pages, 10,90 €

 

Avant de se lancer dans l’écriture du Cycle de Syffe, l’œuvre de sa vie à l’en croire, le Français d’adoption Patrick K. Dewdney a publié quelques romans noirs et un recueil de poésie ; sans les avoir lus, on les imagine volontiers comme des galops d’essai, des tests stylistiques qui lui ont permis de s’aguerrir avant le plongeon dans les tumultes de la vie de Syffe, personnage complexe qui, de l’âge de huit ans à celui de vingt-deux ans, celui atteint à la fin du troisième tome de son « cycle », Les chiens et la charrue, connaît l’équivalent de plusieurs vies mouvementées pour dire le moins. Il est vrai que lui-même, puisqu’il est le narrateur de ces vies, se présente comme le « spectateur d’une époque convulsée », et affirme ceci le concernant : « Mon unique qualité récurrente était une chance insolente en dépit de mes malheurs, et même lorsque j’avais pris une part plus active dans les péripéties de mon existence, je me révélais tout simplement incapable de m’approprier quoi que ce soit ». Il est vrai que ce personnage a ceci de particulier que rien ne semble lui être destiné de pérenne : il assiste voire prend part au succès d’autrui puis repart sur les routes, quand il n’y est pas rejeté de force.

Tortilla Flat, John Steinbeck (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 26 Septembre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Tortilla Flat, John Steinbeck (1935), Folio, trad. américain, Brigitte V. Barbey, 254 pages . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

Tortilla Flat est – étonnamment au vu de sa brièveté – le livre qui a fait la renommée de John Steinbeck. Quand il fut publié en 1935, Steinbeck avait publié quatre autres livres, tous plus ou moins mal reçus. Il était dans la trentaine, proche de la pauvreté, vivant dans une maison que son père lui avait donnée et dépendant en grande partie de la paye de sa femme, Carol Henning.

Dès les premières semaines, le livre provoque des critiques très élogieuses, soulignant le ton nouveau et la liberté de Steinbeck, le mélange parfait entre la comédie et le tragique.

Singulièrement, Steinbeck regretta d’avoir écrit l’histoire de Danny et de ses colocataires. « Quand ce livre a été écrit, il ne m’est pas venu à l’esprit que les paisanos étaient originaux ou pittoresques, pauvres ou opprimés ». « Ce sont des gens que je connais, des gens réels, qui existent », a-t-il écrit dans une préface de l’édition de 1937. « Si j’avais su que ces histoires et ces gens seraient considérés comme pittoresques, je pense que je n’aurais jamais dû les écrire ».