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Les Livres

Comédie d’automne, Jean Rouaud (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 09 Octobre 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Comédie d’automne, Jean Rouaud, Grasset, août 2023, 284 pages, 20,90 €

 

Triste comédie

Sans doute est-ce un vœu pieux de recenser, mot de Rouaud, son dernier livre, sa Comédie d’automne, car l’auteur ne fait que narrer sa fabrique romanesque, expliquer, justifier, raconter ce qu’il raconte mieux que quiconque et qu’il a vécu : le making-of du Goncourt.

Ce livre de Jean Rouaud est moins centré sur le livre que sur ses banlieues, son magnum circum, sa warholisation au bout du compte tellement affligeante, tellement triste. C’est ici le sujet, la triste comédie où l’auteur est embarqué, comme une paille sur le ruisseau et, s’il le dépasse, c’est par la littérature, bien sûr !

Lisons, c’est du Rouaud !

Livre tellement utile, tellement beau et tellement triste. Pour qui écrit, veut écrire, tente d’écrire, ici, par exemple le modeste autant qu’humble recenseur de Jean Rouaud, tout de cette écriture sauf l’écriture elle-même est démoralisant. Décourageant bocal littéraire. Sous vide ! Décourageants rapports de force et de farce.

Adieu Tanger, Salma El Moumni (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 06 Octobre 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Grasset

Adieu Tanger, Salma El Moumni, Grasset, août 2023, 175 pages, 18 € Edition: Grasset

 

Le thème du premier roman de Salma El Moumni est ambitieux : le pouvoir et l’influence du regard des autres sur soi, sur les choix de sa propre vie.

Alia est marocaine, vit à Tanger. Elle fréquente Quentin, un jeune garçon scolarisé comme elle dans le même lycée. Ce qui préoccupe gravement Alia, ce qui l’obsède dès le départ de ce récit, c’est la sensation qu’elle éprouve de se voir scrutée, épiée, déshabillée du regard, méprisée de ses compatriotes. Serait-ce de la paranoïa ? Alia a le sentiment qu’elle dérange, que ses tentatives d’émancipation et d’ajout d’un peu de liberté dans sa vie sont vouées à l’échec.

Alia relève ce défi en postant des photos sur la toile, ce qui est passible de l’article 483 du Code pénal marocain, qui punit l’outrage public à la pudeur d’un mois à deux ans d’emprisonnement. C’est la résolution de ce dilemme qui va occuper Alia dès sa reprise de contact avec Quentin, qui ne l’aide pas vraiment : « Il t’a toisée du regard avec ses yeux bleus liquides en mordant dans sa fajita (…) Tu as immédiatement regretté d’être venue chez lui, tu n’avais soudain plus faim, tu voulais partir ».

Ces messieurs du rugby, Anthologie, Collectif, Edition de Marie Boizet (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 05 Octobre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Ces messieurs du rugby, Anthologie, Collectif, Edition de Marie Boizet, La Petite Vermillon, septembre 2023, 250 pages, 8,90 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

« Véritable arbre généalogique, ces portraits de champions ou d’anonymes, parfois oubliés, composent la grande famille du rugby qui circule de village en village, de club en club, de génération en génération depuis que le ballon ovale a atterri sur le sol français » (Marie Boizet).

« Il provoquait l’enthousiasme et justifiait cette affirmation de Montesquieu qu’on peut être amoureux de l’Amitié. Son frère et lui formaient un couple de princes raciniens qui drainait tous les cœurs avec soi » (Antoine Blondin, Guy, c’était Fanfan (sur Guy Boniface).

« Les prouesses de Roques, Quaglio, Lacaze “le papillon”, et Danos “le pianiste”, cultivaient mes terres en friche. La bravoure de Jean Barthe, que seuls les vainqueurs de l’Himalaya ou du cap Horn pouvaient égaler, devient pour moi la référence, le mètre étalon » (Daniel Herrero, Le combat des combats).

Une révolution dans la pensée, Jean François Billeter (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 05 Octobre 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Une révolution dans la pensée, Jean François Billeter, éditions Allia, août 2023, 64 pages, 7 €

 

Une révolution dans la pensée ?? Pas moins ??!… Et par un homme seul, pour un projet global et dans un opuscule d’une cinquantaine de pages ?! On peine à le croire, mais, à le lire, le contenu est riche, le pari est tenu, l’affaire est passionnante. Voici en quoi.

Il faut une révolution, en effet, c’est-à-dire il faut retourner la catastrophe en cours : sans un nouveau commencement (une sorte de mutation personnelle, partagée de proche en proche, y pourvoirait), l’aventure humaine est finie, l’affaire est pliée. Et révolution dans la pensée, car la pensée est le pouvoir le plus général, le plus accessible, le plus proche (il suffit que chacun fasse l’effort de se servir de lui-même) : la pensée est en effet le pouvoir de se représenter ce qui importe, elle est la liberté de comprendre dans l’exigence de vérité. La vérité n’est pas ici un contenu, mais une exigence (un Trump, par exemple, ou un Poutine, ne pense pas, car il n’exige pas la vérité de son propre discours ; il ne pense pas, il se parle – surtout de lui-même – à voix haute, et fait vivre ce qu’il veut réel, sans tenter d’éclairer ce qui rend réel ce qu’on vit).

La Nuit de Gigi, Dominique Dussidour (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mercredi, 04 Octobre 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

La Nuit de Gigi, Dominique Dussidour, La Table Ronde, avril 2022, 272 pages, 20 € Edition: La Table Ronde

 

La nuit et les jours

Le livre La Nuit de Gigi n’est pas à lire seulement parce que Dominique Dussidour est morte peu après avoir posé son point final. Pas non plus parce que le livre livre la mort, noyade infinie, fleuve sombre, Léthé, Styx ou Seine, mais bel et bien à lire parce que le livre s’illumine du vivant.

Les conversations nombreuses, infinies, adolescentes, futiles et sensibles sont des dialogues qui vibrent l’aujourd’hui. On sent la vapoteuse tout parmi ou les effluves par moment de joints qui flottent.

Les escarmouches sont vives, acides, les effusions l’emportent mais l’une et l’autre sont surtout nimbées d’une fraternité, amoureuse, amicale, on aurait dit bien avant camarade.

Le roman déroule une cour parisienne. Un quartier. La rue bien nommée des Martyrs et ses bars-tabacs célèbres. Le récit est, c’est là que Dussidour innove, jeune. On dirait djeun si ce n’était carrément démodé !