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Les Livres

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 26 Juin 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Classiques Garnier

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey, avril 2018, 252 pages, 34 € Edition: Classiques Garnier

 

Grand historien de la philosophie, Étienne Gilson définissait ainsi l’athéisme : « doctrine qui, après mûre réflexion, conclut comme une certitude rationnelle que rien qui réponde au mot “dieu” nexiste en réalité » (cité p.9). La phrase mérite d’être examinée de près. « Après mûre réflexion » exclut la négation de Dieu sous le coup du désespoir ou de la colère. « Certitude rationnelle » va dans le même sens : il ne s’agit pas de proclamer l’inexistence de Dieu après une catastrophe collective (comme le séisme de Lisbonne) ou un deuil privé. « Rien qui réponde au mot “dieu” » correspond au nœud du problème. Que convient-il de mettre sous ce vocable ? Le créateur d’un univers infini, fait de milliards de galaxies contenant chacune des milliards d’étoiles ? L’entité qui accompagne le destin individuel de tous les êtres humains ayant jamais vécu (et qui veille sur eux) ? L’intelligence qui sait tout de tout et de tous à chaque seconde ? Le mot « Dieu » recoupe-t-il la même chose dans le judaïsme que dans l’islam ou chez les Aztèques ?

Nouvelles triestines, Giorgio Pressburger (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 26 Juin 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Nouvelles triestines, Giorgio Pressburger, Actes Sud, juin 2019, trad. italien Marguerite Pozzoli, 163 pages, 19,50 €

 

Certaines villes attirent les écrivains, au rang desquelles Trieste (« À Trieste, beaucoup de gens écrivent »). Jules César y publia la Guerre des Gaules. Stendhal en fut l’éphémère consul. Italo Svevo y eut pour professeur d’anglais, puis ami, James Joyce (Ulysse est né à Trieste)…

Exilé hongrois, naturalisé italien, Giorgio Pressburger y est mort, il y a moins de deux ans.

Allons-y sans tarder.

La visite commence via Brunner et se fera en sept nouvelles. Nous irons ainsi via Milano ; sur les hauteurs de Trieste (Opicina) ; au Café Tommaseo, le plus ancien de la ville ; via Rismondo ; et arpenterons aussi d’autres vies… Avec, peut-être, au bout du compte (du conte), l’envie de nous y rendre physiquement : « Ceux qui liront ce livre » ne sont-ils pas invités par l’auteur à venir « voir de près certains des lieux mentionnés ».

La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde à moi, Andréas Altmann (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 25 Juin 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

La vie de merde de mon père, la vie de merde de ma mère et ma jeunesse de merde à moi, mai 2019, trad. allemand Matthieu Dumont, 336 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Andréas Altmann Edition: Actes Sud

Le livre de son père

Avec Vipère au poing (1948), Hervé Bazin avait écrit le roman autobiographique de la haine maternelle. On se souvient du petit Jean Rezeau, alias Brasse-Bouillon, engageant avec sa Folcoche de mère une guerre des tranchées au sein même du domaine familial, devant le regard impuissant des autres membres de la famille. Plus d’un demi-siècle plus tard, Andréas Altmann nous propose dans La vie de merde de mon père…, la version allemande et père-fils du désamour familial, un anti Livre de ma mère (1) qui célèbre la détestation de la figure paternelle.

Dès les premières pages, l’auteur-narrateur-personnage donne le « la ». Il tiendra la note douloureuse tout au long du récit : « Je suis prêt à témoigner à charge contre mon père, tout ce qu’il faudra. Au cours des cent prochaines pages, si elles suffisent, j’étalerai au grand jour ses infamies, sans éluder aucun forfait ». Ce père, c’est Franz Xaver Altmann. Il a porté l’uniforme SS pendant la guerre et en est revenu « tel un zombie pour repartir de plus belle à la guerre tout au long de la seconde moitié de sa vie. Mais cette fois la zone de combat n’était plus quelque Oural lointain, mais sa propre famille ».

Les Hautes Herbes, Hubert Voignier (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 25 Juin 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Voyages, Cheyne Editeur

Les Hautes Herbes, 64 pages, 17 € . Ecrivain(s): Hubert Voignier Edition: Cheyne Editeur

 

Ce qui interpelle de prime abord est la très belle plastique du livre, soignée, relevée par des reliefs sur la couverture autant qu’à l’intérieur des pages, via les illustrations de hautes herbes (splendide travail dû à Estelle Aguelon) qui, à elles seules, savent nous emmener dans l’entremêlement infini des feuilles et des tiges qui peuplent l’ouvrage entier.

Il s’agit d’une progression en quatre mouvements : la référence au champ lexical de la musique se justifie pleinement, tant la langue d’Hubert Voignier est maîtrisée, riche, magnifiquement nuancée dans son rythme – il est impossible de résister au courant de sa prose poétique une fois que nous nous sommes lancés, tant l’immersion dans le monde végétal se fait le reflet d’une vie intérieure intense. Le déferlement de nature qui nous submerge et nous anime en même temps semble trouver son apothéose dans le troisième mouvement, avec l’arrivée des mauvaises herbes et leur « mouvement d’émancipation naturelle », leur « débordement de vie, anarchique et frondeur » [p.38].

Au fil du labyrinthe, suivi de Marines résiliences, Silvaine Arabo (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 25 Juin 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Au fil du labyrinthe, suivi de Marines résiliences, Silvaine Arabo, éditions Rafael de Surtis, février 2019, 100 p. 15 €

 

Le dernier ouvrage en date de Silvaine Arabo, composé de deux ensembles, procède d’une remontée dans le temps. En effet, comme elle l’explique elle-même en quatrième de couverture, « ces textes dormaient dans un tiroir ». Le premier d’entre eux a été écrit à vingt-six ans alors qu’elle venait de perdre sa mère, le second deux ans plus tard pour tenter de se reconstruire. Après une relecture attentive, elle a décidé de les revoir et de les corriger en vue d’une publication. C’est aujourd’hui « cet enfant d’autrefois » qu’elle propose à ses lecteurs.

La mort d’une mère est une expérience traumatisante, un « grand vertige » dit Silvaine Arabo. Une rupture dans l’existence. Le monde est devenu inhabité depuis que la mère l’a quitté. « On ne ressent plus rien comme autrefois » répète la poète, comme pour exorciser une douleur trop intense et qui ne cessera plus. Entrer dans ce deuil-là, c’est comme entrer dans un labyrinthe. Labyrinthe des mots bien sûr, qui s’épuisent à essayer d’exprimer l’inexprimable, mais aussi labyrinthe de l’égarement ressenti devant l’insupportable, l’inexplicable. Un dédale du chagrin et de la perte qui n’a pas de fin.