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Les Livres

L’été où tout a fondu, Tiffany McDaniel (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Joelle Losfeld

L’été où tout a fondu (The Summer that Melted Everything), traduit de l'américain par Christophe Mercier mai 2019, 416 pages, 23 € . Ecrivain(s): Tiffany McDaniel Edition: Joelle Losfeld

 

« Hell is empty and all the devils are here »

The Tempest (La Tempête), William Shakespeare, Acte I Scène 2

 

La citation en exergue du grand Will pourrait à elle seule rendre compte de ce superbe roman. Le Diable se promène dans la Grand’Rue de Breathed (Sud de l’Ohio, au pied des Appalaches) sous les traits d’un jeune garçon noir de 13 ans au cours d’un été 84 caniculaire. Il répond à l’invitation par voie de presse du juge Bliss qui veut en découdre enfin avec lui devant un tribunal. Fielding Bliss, jeune fils du juge, se lie d’amitié avec ce doux « Satan » aux yeux verts, au point de l’accueillir au sein de sa famille, comme un deuxième frère. De cette trame narrative, Tiffany McDaniel fait un espace d’exploration du mal dans le village, transformant Breathed en métonymie d’Amérique.

L’île aux enfants, Ariane Bois (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

L’île aux enfants, mars 2019, 228 pages, 19 € Edition: Belfond

 

A l’origine de ce roman, dont le titre fait référence, de manière antinomique, à l’île heureuse de Casimir, cette terrible réalité :

Entre 1962 et 1984, plus de deux mille enfants réunionnais ont été arrachés à leur île natale et envoyés de force dans la Creuse. Cette pratique a continué jusque tard dans le XXe siècle puisque c’est seulement sous François Mitterrand qu’on suspendra enfin ce transfert. Entre temps, 2150 mineurs réunionnais ont été répartis dans quatre-vingt trois départements français. Ce sont les chiffres irréfutables minimaux sur lesquels sont tombés d’accord les experts qui ont planché deux années durant au sein de la commission nationale d’information et de recherche historique, lancée en 2016 par George Pau-Langevin sous le quinquennat Hollande. L’Assemblée nationale venait de reconnaître solennellement la responsabilité morale de l’Etat.

Le travail de cette commission a permis d’établir également que la pratique avait duré 22 ans au total, c’est-à-dire plus longtemps que ce qu’avaient longtemps cru les rares à s’intéresser à ce sujet resté tabou. Et aussi, qu’elle avait eu une ampleur plus large qu’on ne l’imaginait, finissant par concerner presque la totalité du territoire français.

L’ombre du crime, Panique sur Brive, Virginie Anglard (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman

L’ombre du crime, Panique sur Brive, Editions Le Geste noir, mars 2019, 400 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): Virginie Anglard

 

Virginie Anglard livre ici un roman policier que l’on lit sans souffler de bout en bout, avec un suspense bien mené. Les chapitres font alterner personnages et lieux de Brive-la-Gaillarde et de ses environs. Brive-la-Gaillarde est une ville gastronomique de Corrèze qui héberge chaque année au mois de novembre le salon du livre qui porte son nom, événement très prisé des auteurs et des éditeurs. Mais ceci n’est peut-être qu’anecdotique. Il n’y a en effet nulle référence directe au livre et à l’édition dans ce roman qui met aux prises un assassin aux rituels pervers, une enquêtrice-stagiaire qui cache un lourd secret et deux victimes torturées. Ces deux victimes, deux belles femmes célibataires de quarante ans, l’une gérante d’une boutique de prêt-à-porter féminin, l’autre maire de Brive, disparaissent tour à tour et font l’objet d’une macabre mise en scène.

Peu à peu l’enquête avance, menée au commissariat de Brive par le commandant Victor Guiliano et ses adjoints les lieutenants Franck Bréchard, Befey et Djomo, personnages hauts en couleurs, dont les dialogues font vivre le récit.

Monsieur Stark, Pierre Girard (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Monsieur Stark, Pierre Girard, éd. L’Arbre vengeur, 2014, 139 pages, 9 €

 

Ce livre m’a été offert par un ami – il faut dire qu’Henri se passionne, depuis quarante ans, pour les écrivains oubliés. Pierre Girard (Genève 1892-1956) en est un ; il l’était en tout cas pour moi jusqu’ici.

Après dix ans comme agent de change (il y a dans sa vie et dans ce livre quelque chose de Kafka), Pierre Girard se donne entièrement à l’écriture : poèmes, chroniques (dans le Journal de Genève et La Gazette de Lausanne, ou à la radio), romans et nouvelles.

Ne quittant guère Genève qui sert de cadre à ses écrits, il fait figure de solitaire, même s’il côtoie Valéry Larbaud et se lie d’amitié avec lui ; même s’il aime venir quelquefois à Paris – il y croise Paul Valéry, James Joyce, Léon-Paul Fargue, et d’autres.

Autre remarque liminaire : vous me pardonnerez l’excès de citations – je ne vois, en fait, guère mieux que d’y recourir, tant ce livre regorge de phrases savoureuses.

Mais foin de ces prolégomènes, venons-en à Monsieur Stark (août 1938)… je vous sens bouillir d’impatience.

L’Art de la traduction, Hugo Friedrich (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mardi, 28 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

L’Art de la traduction, Editions Unes, trad. allemand et postface Aurélien Galateau, 45 p. 11 € . Ecrivain(s): Hugo Friedrich

Les Editions Unes ont ouvert à l’automne 2017 leur collection « Unes Idées » avec le texte d’une conférence prononcée en 1965 à l’Académie des sciences de Heidelberg par le grand romaniste allemand Hugo Friedrich : L’Art de la traduction.

L’orateur commence par donner un cadre strictement littéraire à ce qu’il entend par « art de la traduction » et annonce que son étude sera centrée sur un exemple concret : la traduction d’un sonnet de Louise Labé par le poète Rainer Maria Rilke, qu’il introduit par une brève histoire de la traduction.

La traduction est-elle un contact de culture à culture, ou bien « est-elle seulement la réaction d’un poète isolé à un autre ? », demande Friedrich. Le « seulement » nous donne un premier indice de la tournure polémique que prendra la conférence. Friedrich rappelle dans son résumé historique que les Romains pratiquaient une traduction « captatrice », conquérante, assimilatrice, perspective qui a prévalu jusqu’à la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Depuis Schleiermacher et Humboldt, l’art de la traduction est devenu un « mouvement vers l’original, un basculement dans l’étranger et pour l’étranger ». Il faut que la langue d’arrivée soit stylistiquement adaptée à la langue de départ, sans appauvrissement mais sans exagération non plus.