Identification

Les Livres

Un sacré gueuleton, Jim Harrison (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Flammarion

Un sacré gueuleton, novembre 2018, trad. anglais (USA) Brice Matthieussent, 374 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Jim Harrison est mort le 26 mars 2016, dans sa « résidence d’hiver », en Arizona. Il est rare que, deux ans et demi après son départ, un écrivain adresse à ses lecteurs un salut aussi plein de vie.

Pour diverses raisons, les livres de Jim Harrison se vendaient mieux en France que dans son pays natal. La postérité dira s’il n’y eut pas quelque malentendu dans cette réception (le chef-d’œuvre écrit en neuf jours qu’est Légendes d’automne est ce qu’il y a de moins « harrisonien » chez Jim Harrison). Mais il est indéniable que la France l’aimait et il le lui rendait bien. Son itinéraire gastronomique le conduisait de Paris à Collioure en passant par Lyon, Arles et le Morvan. Il ne faisait pas partie de ces Américains qui, en période de brouille diplomatique, achètent des flacons de vins français pour les vider à l’égout (imagine-t-on une manière de protester plus stupide ?). Certes, le vin français acheté par Jim Harrison au long des ans a également fini à l’égout, mais non sans un certain nombre d’étapes, de transformations – de sublimations.

Eros Capital, Les lois du marché amoureux, François de Smet (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 14 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Flammarion

Eros Capital, Les lois du marché amoureux, janvier 2019, 320 pages, 21 € . Ecrivain(s): François de Smet Edition: Flammarion

 

On se souvient tous des propos d’une vulgarité sans nom d’un certain Donald Trump dans une vidéo où il déclarait éhontément : « Grab’m by the Pussy ». C’était en 2005, les propos d’un futur président… Cette citation fait partie de celles qu’utilise François de Smet dans cet Eros Capital, dont l’objet n’est rien moins que de démonter les thèses romantiques des unions amoureuses quelles qu’elles soient et de démontrer des équivalences a priori surprenantes : le mariage romantique et la relation sexuelle rétribuée ont un dénominateur commun qui n’est autre qu’un échange économico-sexuel.

Chez l’épouse bourgeoise l’échange est implicite alors qu’il est clair chez la putain avec un billet de 50 euros. Quand Trump fait cette déclaration, il choque évidemment nos éthiques en même temps qu’il nous remémore des réalités étouffées par une morale qui n’aura fait qu’entériner des nécessités sociales et économiques.

La Femme aux Cheveux roux, Orhan Pamuk (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 13 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Gallimard

La Femme aux Cheveux roux, mars 2019, trad. turc Valérie Gay-Aksoy, 304 pages, 21 € . Ecrivain(s): Orhan Pamuk Edition: Gallimard

 

Habituellement chantre d’Istanbul, Orhan Pamuk se fait ici, dans la première partie de La Femme aux Cheveux roux, écrivain du monde rural : on y retrouve des échos de la célèbre saga romanesque des Memed – Memed le Mince, Memed le Faucon, Le retour de Memed le Mince, et Le dernier combat de Memed le Mince – publiés par Yachar Kemal en Turquie de 1955 à 1984.

Mais il s’agit aussi d’un roman d’apprentissage dans lequel le jeune narrateur de 16 ans, Cem, pour payer ses études, est engagé comme apprenti pour l’été par un puisatier, Maître Mahmut. Sur la commande d’Hayri Bey – bey signifie en turc « chef de clan » –, un riche bourgeois, ils vont forer en zone aride et rocheuse à la recherche de la précieuse eau, « aux alentours de Kuçukçekmece » (l’un des trente-neuf districts d’Istanbul), non loin du bourg d’Öngören. Entre le maître et l’apprenti se noue une relation, paternelle pour l’un, de filiation pour l’autre, mêlée de souvenirs récurrents du mythe d’Œdipe.

Le peintre abandonné, Dominique Fernandez (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 13 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Le peintre abandonné, février 2019, 256 pages, 19 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Grasset

 

Centième livre de l’académicien français depuis ses débuts littéraires en 1958, ce roman tout entier axé sur le peintre Picasso s’ajoute à une nombreuse liste de récits, d’essais, d’études et de romans. Spécialiste de la littérature italienne qu’il a moult fois traduite (Pavese, Pasolini, Penna, etc.), du baroque, de la Sicile (qu’il considère comme la part la plus authentique de l’Italie), Dominique Fernandez, en ce vingt-cinquième roman, s’insinue dans la vie intime du grand peintre né à Malaga et qui, après dix années de bonheur sans ombre, se voit quitté par Françoise Gilot, jeune peintre, mère de deux enfants. Le peintre, macho dans l’âme, qui déclarait « On ne quitte pas Picasso », se trouve là trahi, amoindri. Il n’est plus que l’ombre dérisoire de lui-même, et s’il trouve refuge auprès d’amis à Perpignan, il a bien du mal à trouver les moyens de faire l’impasse sur ce qui lui arrive. Il est là, entouré de son fils Paulo (autrefois appelé Pablo), fils d’Olga la Russe, de ses hôtes Paul et Aimée, de l’oncle Alphonse, inénarrable biographe du Cubiste, l’amie d’Aimée, Totote ; et l’abandonné, quand il ne fustige pas ses contemporains artistes (Matisse, Derain, ceux de Collioure), jette toute la peinture italienne à la casse, s’amuse à vitrioler les meilleures réputations, à inventer des histoires de l’art à chaque monument visité avec ses amis.

Enfin le royaume, François Cheng (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 13 Mai 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Enfin le royaume, Quatrains, février 2019, 224 pages, 7,40 € . Ecrivain(s): François Cheng Edition: Gallimard

 

Les poèmes de François Cheng sont autant de raccourcis de temps où s’invitent la permanence et la continuité : « A l’apogée de l’été/ Retient ce qui a été : / Tous les fruits suspendus/ Toute la soif étanchée ».

Avec son éternelle soif de l’attente, quel que soit le moment et quelle que soit l’attente, le poète est à la fois dans l’expectative et l’émerveillement nourri d’optimisme incité par une source initiale coulant en filigrane : « Toi, tu entends le bruit des étoiles qui passent ».

C’est que ce poète de stature a besoin de cet écho multiplié pour se rendre à l’évidence de sa plénitude qu’il compte bien transmettre à autrui : « Tout d’ici t’est offert, offre, toi à ton tour ! ».

Si parfois le crépuscule « s’exténue », c’est pour mieux se rendre à l’évidence d’un matin tournant la page à l’appui de « l’habitable étincelle » puisque « Ici/ Nous avons tracé le trait/ Nous avons laissé vacant/ Afin qu’un jour advienne ».