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Italie

Les volatiles de Fra Angelico, Antonio Tabucchi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Février 2019. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

Les volatiles de Fra Angelico, novembre 2018, trad. italien Bernard Comment, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Antonio Tabucchi Edition: Gallimard

 

Treize nouvelles du grand connaisseur de Pessoa (Une malle pleine de gens), disparu trop tôt, que l’on avait apprécié pour des livres vibrants tels Pereira prétend ou Tristano meurt.

Cette nouvelle traduction, due à l’écrivain italianiste Bernard Comment, permet au lecteur de prendre bonne mesure des atouts de la narration de Tabucchi, dans des tonalités diverses : la première nouvelle, éponyme, réussit à faire de la peinture et du frère Angelico un univers du merveilleux partageable ; les références personnelles du romancier qui avoue dans l’un des textes qu’il n’a pu achever un roman et s’en explique ; des lettres à Goya et à la Passionaria Ibarruri ; l’aire de l’art aussi…

Un échange entre Tabucchi et un lecteur hindou fan de son œuvre donne lieu à un décodage subtil d’une œuvre (Nocturne indien).

Ailleurs, des « Gens heureux » montrent la voie au bonheur saisissable et enjoignent le lecteur à prendre la vie dans l’ouverture de ce qu’elle favorise.

La fille au Leica, Helena Janeczek (par Carole Darricarrère)

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mercredi, 24 Octobre 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

La fille au Leica, octobre 2018, trad. italien Marguerite Pozzoli, 384 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Helena Janeczek Edition: Actes Sud

 

 

Confidence pour confidence, la chronique n’est pas un sport de tout repos. Le trou noir de la lecture existe, ce livre en fournit la matière, qui nous renvoie à notre incurable sens des responsabilités.

Portrait retard enchâssé dans un jeu de miroirs en révélant bien d’autres, incarné dans le lit d’une actualité d’une densité historique à couper au couteau qui fait de cette reconstitution in extenso sur deux continents et quelques pays un tour de force en forme de machine de guerre, La fille au Leica est un gros livre réel, composé par degrés de réminiscences et de touches de frappe, un roman solide dans lequel il ne suffit pas d’entrer pour s’enfoncer à la verticale du temps dans les strates de l’Histoire et les remous d’une époque, sorte de monument funéraire à effet de labyrinthe qui vous enserre dans ses replis à s’y perdre ou non.

La coupe de bois, Carlo Cassola (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Octobre 2018. , dans Italie, Critiques, La Une Livres, Roman, En Vitrine, Editions Sillage

La coupe de bois (Il Taglio del Bosco, 1949), traduit de l’italien par Philippe Jaccottet, 119 p. 9,50 € . Ecrivain(s): Carlo Cassola Edition: Editions Sillage

 

Comment ce miracle ? Comment ce petit livre, pas un roman, à peine une novella, peut-il condenser en une centaine de pages toute la magie de la littérature ? L’ampleur du style, son immense simplicité, des personnages taillés au burin, une histoire élémentaire, et la détresse des hommes, tout est là pour faire de ce petit roman un monument de littérature. Il semble que les écrivains italiens aient eu au XXème siècle un tropisme pour ce genre de la novella ancrée dans les profondeurs du pays, ses villages et ses montagnes. On pense à Leonardo Sciascia (La tante d’Amérique), surtout à Silvio d’Arzo (La maison des autres).

Guglielmo est bûcheron. Il vient d’acheter une coupe dans les bois perdus dans les Abbruzes. Il s’y rend après avoir embauché quatre hommes, plus ou moins ses amis, pour une période de six mois – automne et hiver – à couper des pins pour en faire du charbon qu’il vendra. Il est content car l’affaire est bonne. Et ce sont ces six mois, où il ne se passe rien d’autre que la coupe et les soirées dans la cabane construite dans le bois, que ce livre raconte. Rien d’autre. Mais qui a besoin d’autre chose ? L’écriture de Cassola fait le reste, c’est-à-dire l’essentiel.

Journal d’un étranger à Paris, Curzio Malaparte (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 09 Octobre 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Journal d’un étranger à Paris, juin 2018, trad. italien Gabrielle Cabrini, 368 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Curzio Malaparte Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Trois parties (« 1947 », « 1948 », « Non daté ») constituent ce journal tenu par l’Etranger à l’étranger, dans cette ville que l’auteur a eu l’occasion de connaître dès les années 20, et mieux, dans les années 30, son dernier séjour. Il revient en 1947, 1948, et tient registre de ses rencontres, de ses dîners, de tout le climat intellectuel de l’époque, en pleine vague existentialiste. L’esprit indépendant du romancier de La peau et de Kaputt ne cache pas ses détestations, ses partis-pris (nombreux), sa « vision » des choses écornée par un rejet de tout ce qui n’est pas dans son esprit. Il s’en donne à cœur joie – l’intelligence n’est pas toujours au rendez-vous – pour égratigner même les plus gentils (ainsi son portrait de Camus), pour répéter à l’envi que la France, c’est la grâce, que Cocteau, c’est la grâce et l’esprit français. Bon, on a compris : il n’aime pas les gens des pays balkaniques, il n’aime pas l’esprit cartésien ; on le comprend : il multiplie les sophismes, les postulats délirants et il suffit de se reporter à la partie « Non daté » pour s’en convaincre :

Le Stade de Wimbledon, Daniele Del Giudice (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Lundi, 24 Septembre 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, Voyages

Le Stade de Wimbledon, Daniele Del Giudice, Seuil, Coll. La Librairie du XXIe siècle, mai 2018, trad. italien René de Ceccatty, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Daniele Del Giudice Edition: Seuil

Saluons en tout premier lieu la très belle écriture de Daniele Del Giudice. Servie par l’excellente traduction de René de Ceccatty, elle reste homogène et poétique malgré quelques passages techniques insolites et l’insertion incongrue de realia contemporains. C’est en effet la noblesse, la sensibilité et la musicalité d’une langue à la fois humble et littéraire qui se dégage et illumine le récit de la première à la dernière page. Aussi le lecteur se laissera-t-il facilement bercer et envoûter par les tâtonnements du narrateur qui, dans une quête quasi-religieuse, le menant de Trieste à Londres, s’efforce de suivre les traces de Roberto Bazlen (dit Bobi), un écrivain très apprécié des milieux littéraires de son temps, bien qu’il n’ait rien publié de son vivant.

D’aucuns pourraient y déceler la peur d’écrire un roman raté, ou un prétexte à la paresse, voire la répugnance à se lancer dans une entreprise exigeante et fastidieuse. D’autres, plus compréhensifs, parleront plutôt de son intégrité intellectuelle lui ayant toujours interdit une voie déjà empruntée, puisqu’il serait inutile d’écrire, sinon pour soi et ses amis, sinon une œuvre totalement inédite.