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En Vitrine

Atala suivi de René, Chateaubriand (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 06 Novembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), Cette semaine

Atala suivi de René, Chateaubriand, Folio classique, mai 2023 (édition nouvelle, Sébastien Baudoin ; préface, Aurélien Bellanger), 432 pages, 5,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

C’est un tableau de dimensions honorables (deux mètres sur plus de deux mètres et demi), représentant trois personnages à taille presque réelle : Atala au tombeau, montré au Salon de 1808 et peint par Girodet, un des précurseurs du romantisme pictural français. La scène se déroule dans une grotte, et le peintre a placé le spectateur au fond de cette grotte, la lumière provenant de l’ouverture. De gauche à droite, les trois protagonistes principaux du drame qu’est Atala : Chactas, un sauvage à l’oreille ornée d’une large boucle, vêtu d’un seul pagne, assis, courbé sur les jambes d’Atala, qu’il enserre aux genoux, affligé ; ensuite Atala, couverte d’un linceul des pieds aux seins, le corps détendu, paisible dans le sommeil de la mort, le visage tel celui d’une Madone du quinzième siècle, tenant en ses mains croisées sur son ventre un simple crucifix en bois ; enfin le Père Aubry, vêtu et coiffé de sa robe de bure, qui soutient le corps d’Atala, lui-même légèrement courbé, le visage grave et affligé. Au premier plan, une pelle et ce qui ressemble à un instrument sacerdotal en fer. Par l’ouverture de la grotte, on voit une croix plantée dans la nature, de laquelle semble provenir la chiche lumière illuminant la scène.

Construire un feu (To Build a Fire, 1902), Jack London (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 17 Octobre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Libretto, Cette semaine

Construire un feu (To Build a Fire, 1902), Jack London, éditions Libretto, trad. américain, Paul Gruyer, 176 pages . Ecrivain(s): Jack London Edition: Libretto

 

Le cadre de l’histoire, dans le froid extrême d’un Yukon en grande partie inhabité, établit d’entrée le rôle principal de la nouvelle : la Nature. On est loin de celle des romantiques qui communique avec l’âme des hommes. La Nature de ce récit est impassible, d’une cruauté tranquille dans son indifférence. A sa manière, Jack London rejoint dans ce texte sublime, le chant des grands panthéistes que furent avant lui Spinoza et Thoreau. Mais en déifiant le monde naturel, London en fait un Dieu terrible, dénué de tout affect, de toute attention, à mille lieues du Dieu bienveillant des Chrétiens. Le Dieu de Spinoza est plus proche, il est la Nature et ne connaît donc ni compassion, ni amour, ni cruauté, il est, simplement, englobant le Grand Tout.

Le ciel est vide, blanc comme un linceul, immense comme l’éternité. La terre est à l’unisson, infinie, immaculée, déserte. L’homme de cette nouvelle est seul au monde et n’a d’autre compagnon que son chien dans ce paysage spectral.

Tortilla Flat, John Steinbeck (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 26 Septembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), Cette semaine

Tortilla Flat, John Steinbeck (1935), Folio, trad. américain, Brigitte V. Barbey, 254 pages . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

Tortilla Flat est – étonnamment au vu de sa brièveté – le livre qui a fait la renommée de John Steinbeck. Quand il fut publié en 1935, Steinbeck avait publié quatre autres livres, tous plus ou moins mal reçus. Il était dans la trentaine, proche de la pauvreté, vivant dans une maison que son père lui avait donnée et dépendant en grande partie de la paye de sa femme, Carol Henning.

Dès les premières semaines, le livre provoque des critiques très élogieuses, soulignant le ton nouveau et la liberté de Steinbeck, le mélange parfait entre la comédie et le tragique.

Singulièrement, Steinbeck regretta d’avoir écrit l’histoire de Danny et de ses colocataires. « Quand ce livre a été écrit, il ne m’est pas venu à l’esprit que les paisanos étaient originaux ou pittoresques, pauvres ou opprimés ». « Ce sont des gens que je connais, des gens réels, qui existent », a-t-il écrit dans une préface de l’édition de 1937. « Si j’avais su que ces histoires et ces gens seraient considérés comme pittoresques, je pense que je n’aurais jamais dû les écrire ».

Le Loup des mers, Jack London (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 25 Septembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), Cette semaine

Le Loup des mers, Jack London, trad. anglais (USA), Philippe Jaworski, 480 p. 10,90 € . Ecrivain(s): Jack London Edition: Folio (Gallimard)

En 1904, Jack London publie Le Loup des mers ; ce roman est son quatrième, juste après L’Appel de la forêt et trois recueils de nouvelles dont le thème principal était l’aventure, en particulier dans le Grand Nord. Le thème principal du Loup des mers est aussi l’aventure, mais autant morale que maritime, car il s’agit du récit à la première personne de l’embarquement forcé d’un critique littéraire de la Côte Ouest, Humphrey Van Weyden, sur un phoquier dont le capitaine, par son absence totale de morale et sa brutalité foncière, va lui faire connaître une forme d’épiphanie ténébreuse, ainsi qu’il le constate par son absence de réaction émotionnelle au massacre à coups de poings d’un autre membre de l’équipage :

« Je fus épouvanté de découvrir la pente que prenait ma pensée. La sauvagerie qui régnait à bord avait sur moi un effet corrupteur ; elle promettait de détruire tout ce que la vie offrait de beau et de bon à mes yeux. La raison m’ordonnait de considérer la raclée reçue par Thomas Mugridge comme une horreur et pourtant je ne pouvais m’empêcher d’en éprouver un vif plaisir. Si l’énormité de mon péché m’oppressait – car c’était bien d’un péché qu’il s’agissait –, j’en riais pourtant, d’un rire imbécile. Je n’étais plus Humphrey Van Weyden. J’étais Hump, mousse de cabine à bord de la goélette Fantôme. Loup Larsen était mon capitaine, Thomas Mugridge et les autres étaient mes compagnons de bord, et la couleur dont ils étaient peints déteignait sur moi chaque jour un peu plus ».

Tristan et Iseut (Version Joseph Bédier) (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Septembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, 10/18, Cette semaine

Tristan et Iseut (Version Joseph Bédier), 10/18, 183 pages 6,40 € Edition: 10/18

Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’amour et de mort ? C’est de Tristan et d’Iseut la reine. Ecoutez comment à grand joie, à grand deuil ils s’aimèrent, puis en moururent un même jour, lui par elle, elle par lui.

(Tristan et Iseut, version de Joseph Bédier)

 

Très au-delà de l’ouvrage de Béroul et/ou d’autres poètes-narrateurs anglo-normands du XIIème siècle, l’histoire de Tristan et Iseut s’est érigée en mythe et, à ce titre, il n’est pas seulement le produit d’un rhizome passé mais aussi – surtout – le fondateur d’une pensée qui va irriguer durant des siècles et des siècles, la culture, l’art, la littérature d’Occident, jusqu’à en devenir une sorte d’« inconscient collectif » qui est en fait une mémoire collective active. La force d’un mythe se mesure au nombre de domaines humains qu’il traverse et celui de nos malheureux héros amoureux interroge autant le problème du Bien et du Mal, de l’innocence et de la culpabilité, du pouvoir et du droit, de la passion amoureuse et de la raison. Rien moins. Il tisse par conséquent une véritable toile sur la vie des hommes et des femmes, les enserrant dans quelque destin toujours funeste.