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En Vitrine

Terre somnambule (Terra Sonâmbula), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Septembre 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié, Cette semaine

Terre somnambule (Terra Sonâmbula, 1992), Mia Couto, éditions Métailié, janvier 2025, nouvelle traduction d’Elisabeth Monteiro Rodrigues, 242 pages, 21 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

 

Un enfant et un vieillard marchent, sans but précis, fuyant la guerre civile qui ravage leur pays, le Mozambique

Ce roman de Mia Couto, le premier en date de son œuvre, est une vague submersive, une sorte de tsunami langagier, ici magnifiquement servi par une traduction hors normes, d’une intelligence stupéfiante. La langue de Mia Couto dans Terre somnambule n’est pas seulement l’outil de la narration, loin s’en faut : elle est un personnage à part entière, une matière vivante qui permet de tenir à distance un monde terrifiant, de dire la douleur autrement, et surtout, de résister à l’effacement que l’Histoire semble vouloir imposer aux hommes du Mozambique. En transformant la langue coloniale (le portugais) en un langage poétique, oral, complètement africain, Mia Couto rend possible une forme de renaissance – individuelle, culturelle et collective. On pense à Kateb Yacine qui disait, à propos de la langue française des écrivains algériens, que c’était leur « butin de guerre ».

Le Mauvais sort (La Malora, 1954), Beppe Fenoglio (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Août 2025. , dans En Vitrine, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie, Cambourakis

Le Mauvais sort (La Malora, 1954), Beppe Fenoglio, Ed. Cambourakis, 2013, trad. italien, Monique Baccelli, 111 pages, 9 € Edition: Cambourakis

 

La pauvreté, dans notre monde consumériste, s’entend d’abord comme le dénuement de biens matériels et, par effet de conséquence, de bien-être moral et culturel. Dans ce court et terrible roman, Fenoglio met avec minutie à nu une autre vérité sur l’extrême pauvreté : elle met les hommes en face d’un réel absolu, celui de la condition humaine non atténuée par l’illusion des choses. La pauvreté est la brutalité du réel : point de biais, point de medium, la collision de l’homme avec le monde est frontale. Chaque déclinaison du dénuement sonne comme un glas, le thrène d’une vie. Ainsi, ce roman de la pauvreté prend, page après page, la dimension d’une métaphore universelle, celle du manque, de la perte, de la faille qui fend les hommes et les rend aussi fragiles que pathétiques.

Ça allait mal : la façon de mesurer le manger et d’économiser le bois le montrait bien ; aussi chaque fois que je voyais ma mère sortir ses sous et les compter dans sa main avant de les dépenser, je tremblais, je tremblais vraiment comme si je m’attendais à voir la voûte s’écrouler après qu’on lui eut ôté une pierre.

La chatte, Colette (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 25 Juin 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche, Cette semaine

La chatte, Colette, Le livre de poche . Ecrivain(s): Colette Edition: Le Livre de Poche

Chez Colette (3)

 

« Mon petit ours à grosses joues…

Fine-fine-fine chatte…

Mon pigeon bleu…

Démon couleur de perle…»

 

« Me-rrouin ». « R…rrouin… ».

Colette possède l’art du mot juste pour toucher nos sens. Elle nous fait entendre Saha, surgie de la végétation sous la main d’Alain, « comme si elle naissait à son appel. » Car Saha a boudé toute la soirée.

L’animal que donc je suis, Jacques Derrida (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 23 Juin 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard)

L’animal que donc je suis, Jacques Derrida. Folio essais, Mars 2025, 240 pages, 8,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Au regard du vivant et de la vie animale


Ouvrir le livre de Jacques Derrida « L’animal que donc je suis », ou plutôt l’ouvrir à nouveau puisque ce texte a paru il y a près de vingt ans déjà, c’est retrouver une langue pleine d’élégance ; une expression brillante, riche de raffinement et de finesse bien éloignée de la trivialité de l’époque qui est la nôtre. On suit bien volontiers Jacques Derrida dans les sinuosités de sa pensée, un philosophe qui jongle avec les concepts, qui lance des pistes, des « hypothèses », ouvre des « parenthèses », des « trajets » et qui nous entraine dans un itinéraire qu’on pourrait trouver, comme il le dit lui-même, « tortueux, labyrinthique voire aberrant ».

Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Éditions de La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Juin 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Nouvelles, La Pléiade Gallimard, Cette semaine

Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Éditions de La Pléiade NRF, 2 tomes, 124 € l’intégrale Edition: La Pléiade Gallimard

 

D’aucuns pensent que Sherlock Holmes est un personnage de fiction. Quelle sottise. Par un mouvement de déplacement et de condensation, il est plus réel que tous les personnages que vous croiserez dans la rue. Il a existé et, probablement ici et là, il existe encore. C’est le philosophe épris de vérité, le théologien fou d’absolu, le scientifique qui ne jure que par la preuve. Il est Platon regardant hors de sa caverne, Spinoza dans son rejet du mensonge, Descartes dans sa religion de la Raison, Freud dans sa quête indiciaire, Einstein dans sa mise en rapport du grand tout.

Sherlock Holmes est l’homme occidental dans sa version la plus éclatante.

Il était donc grand temps que la plus belle maison d’édition littéraire d’Occident accueille en ses pages l’homme du 221 b. Baker Street, en compagnie de ses chroniqueurs officiels : Les docteurs John Watson et Arthur Conan Doyle. Et cette édition est une fête d’intelligence, de jeux d’esprit, de magie littéraire.