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Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Éditions de La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy 12.06.25 dans La Une Livres, En Vitrine, La Pléiade Gallimard, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Nouvelles, Roman

Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Éditions de La Pléiade NRF, 2 tomes, 124 € l’intégrale

Edition: La Pléiade Gallimard

Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, Éditions de La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

 

D’aucuns pensent que Sherlock Holmes est un personnage de fiction. Quelle sottise. Par un mouvement de déplacement et de condensation, il est plus réel que tous les personnages que vous croiserez dans la rue. Il a existé et, probablement ici et là, il existe encore. C’est le philosophe épris de vérité, le théologien fou d’absolu, le scientifique qui ne jure que par la preuve. Il est Platon regardant hors de sa caverne, Spinoza dans son rejet du mensonge, Descartes dans sa religion de la Raison, Freud dans sa quête indiciaire, Einstein dans sa mise en rapport du grand tout.

Sherlock Holmes est l’homme occidental dans sa version la plus éclatante.

Il était donc grand temps que la plus belle maison d’édition littéraire d’Occident accueille en ses pages l’homme du 221 b. Baker Street, en compagnie de ses chroniqueurs officiels : Les docteurs John Watson et Arthur Conan Doyle. Et cette édition est une fête d’intelligence, de jeux d’esprit, de magie littéraire.

Littérature populaire ? OUI, et en majuscules, littérature publiée pour l’essentiel dans les journaux d’époque, pour un large public qui se passionna pour les aventures extraordinaires de l’homme de Baker Street. L’œuvre de Conan Doyle est l’une des démonstrations les plus éclatantes de la possibilité d’une littérature de divertissement de haute tenue.

En intégrant La Pléiade, Sir Arthur Conan Doyle se voit enfin offrir une reconnaissance méritée dans le panthéon des lettres mondiales. L’auteur écossais, se retrouve désormais aux côtés des plus grands écrivains de la tradition occidentale, tous genres littéraires confondus. Cette publication marque un tournant dans la perception de son œuvre, souvent cantonnée au genre policier, mais en réalité d'une richesse bien plus vaste. Longtemps résumé à son personnage mythique — le détective de Baker Street — Conan Doyle a pourtant embrassé une diversité littéraire étonnante : récits d’aventure, science-fiction, romans historiques, pamphlets politiques, nouvelles fantastiques, et même essais sur le spiritisme. L’édition La Pléiade permet enfin de redécouvrir cette palette variée, en restituant la complexité de l’oeuvre. La sélection retenue dans cette édition comprend bien sûr l'intégralité des aventures de Sherlock Holmes, mais s’attache aussi à mettre en lumière d'autres pans de son œuvre : Le Monde perdu, chef-d'œuvre précurseur du roman de science-fiction, les récits de guerre et les intrigues coloniales, ou encore ses textes sur la justice et les erreurs judiciaires.

Fidèle à la tradition de la collection, cette édition est accompagnée d’un appareil critique remarquable : préface érudite, notices biographiques, chronologie, bibliographie commentée, et annotations précises replacent chaque texte dans son contexte historique et littéraire. Elle est dirigée par un collectif de spécialistes de littérature victorienne et de l’œuvre de Conan Doyle, garantissant un équilibre entre rigueur universitaire et plaisir de lecture.

Conan Doyle a-t-il inventé Sherlock Holmes ? Ou est-ce Sherlock Holmes qui a inventé Conan Doyle ? Une seule chose est sûre : dans la chaîne de production, c’est le docteur Watson qui occupe la position centrale, car c’est lui qui écrit les aventures de son ami détective, medium imaginaire certes mais incontournable dans la lecture de l’œuvre. Mais en creusant encore, Holmes a d’autres pères que son ami du 221 b. Baker Street et son père littéraire. On peut trouver les traces de ses méthodes depuis les aubes de l’humanité. Ainsi le Jugement de Salomon est-il très « holmésien » : un stratagème, une faute et la déduction implacable !

Plus près de Conan Doyle, un personnage semble incontournable dans la paternité de Sherlock : le chevalier Dupin d’Edgar Poe. C’est le premier détective « moderne », dans une chaîne dont Holmes occupe le deuxième maillon. Adepte de la Raison et de la logique pure, premier maître de la déduction à partir de pistes indiciaires, Dupin est un aristocrate oisif, doté d’une intelligence hors norme et passionné par les énigmes. Il vit à Paris, dans une semi-retraite du monde, et son raisonnement repose sur l’analyse logique, la déduction, et l’observation fine des détails. Que de ressemblances avec son descendant londonien ! La dette de Conan Doyle envers son collègue américain est assurément immense. Mais là où Dupin est une pure intelligence froide, Holmes se montre bien plus impliqué affectivement dans ses enquêtes : il est capable d’amour, de haine, de compassion ou de mépris, ce qui en fait un personnage bien plus humain que le héros de Poe.

Deux aventures de Sherlock évoquent directement les contes de Poe : un scandale en Bohême reprend le thème de La Lettre Volée – des lettres compromettantes volées – et Le Pouce de l’ingénieur qui fait allusion dans la partie finale au célèbre Le puits et le pendule avec un plafond qui descend peu à peu vers le héros qui risque l’écrasement. Cela n’empêche pas Holmes de se montrer fort peu reconnaissant à l’égard de son « grand-père » : Dans Étude en rouge, quand Watson cite Dupin – « Vous me rappelez le Dupin d’Edgar Poe » - il répond, arrogant, « Il se trouve que Dupin était à mon avis quelqu’un de très inférieur ».

Le bonheur de la lecture de ces deux tomes de La Pléiade est sans pareil. Certains préfèreront les 3 grands romans holmésiens : Étude en rouge, Le signe des quatre, Le chien des Baskerville ; D’autres auront plus de plaisir à se plonger dans les brèves aventures rapportées par le cher Watson et qui firent les délices du lectorat des feuilletons londoniens de la fin du XXe siècle : Les aventures de Sherlock Holmes, Les mémoires de Sherlock Holmes, Le retour de Sherlock Holmes, Quand tombe le rideau, Les archives de Sherlock Holmes. Tous, dans tous les cas, se loveront avec volupté dans un des fauteuils du 221 b. Baker Street, en compagnie du plus célèbre détective de tous les temps !

Les éditions de La Pléiade nous offrent un bijou magnifique.

 

Leon-Marc Levy


Avec les deux volumes, Gallimard offre un superbe album Sherlock Holmes, riche en iconographie et en biographie.

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A propos du rédacteur

Léon-Marc Levy

 

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Directeur du Magazine

Agrégé de Lettres Modernes

Maître en philosophie

Auteur de "USA 1" aux éditions de Londres

Domaines : anglo-saxon, italien, israélien

Genres : romans, nouvelles, essais

Maisons d’édition préférées : La Pléiade Gallimard / Folio Gallimard / Le Livre de poche / Zulma / Points / Actes Sud /