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Ecriture

L’air du dehors, par Marianne Braux

Ecrit par Marianne Braux , le Mercredi, 28 Mars 2018. , dans Ecriture, La Une CED

 

Ça veut sortir. Là, tout au milieu de soi, quelque part entre la gorge et le sexe, quelque chose de trop grand pour soi demande à voir le jour (lapsus, j’avais écrit « le dire »). On ne sait pas ce que c’est (à y réfléchir, il y a peut-être un terme pour ça, je le dirai le moment venu), on ne sait pas non plus de quoi ça aura l’air. On peut seulement se mettre à sa place, à la place de cette chose en soi, coincée sous la peau pour encore un peu de temps – on ne sait pas combien. En fermant les yeux, on peut imaginer ce qu’elle voit, la chose, et alors on voit du rouge. Un rouge sourd et battant, translucide, teinté ici et là d’ombres sans contours, qui parfois disparaissent. Un rouge… incubation (IN-CU-BA-TION, cela faisait des jours que je cherchais le mot !). C’est comme une série de beaux tableaux qui ramènent l’œil morne et expérimenté à un état d’avant la vie qu’on aurait oublié. La vision brûle un peu la cornée – on se demande si la chose au-dedans de soi a mal comme nous et si, elle aussi, elle prend plaisir à cette douleur. Car ce n’est pas une brûlure comme les autres ; c’est une brûlure saine, semblable à celle que fait une musique que l’on aime trop (une folie d’Espagne, une tarentelle), ou un poème, une phrase, sur la peau ténue de l’âme.

Où sont les philosophes ?, par Mustapha Saha

Ecrit par Mustapha Saha , le Mardi, 27 Mars 2018. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

Où sont libres parleurs au forum des torcols

Où sont merles moqueurs des belles tragédies

Où sont magots railleurs aux barbes des blancs cols

Où sont génies farceurs des saintes parodies

 

Où sont veilleurs d’esprit dépurés de pétrole

Où sont déconstructeurs d’imprenables bastilles

Où sont maîtres-penseurs délivrés du contrôle

Où sont débroussailleurs d’impossibles tortilles

Ce jour où il vola mon innocence, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Lundi, 26 Mars 2018. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

Ce matin. Sang de mes menstrues mélangé au sang de mon hymen déchiré. A l’aube. Déchiqueté. Pendant que tout le monde dormait. Défloration ! J’ai crié. Au viol ! J’ai hurlé.

Le deuxième crime de la saison venait d’être commis. Sur mon corps, à l’aube. Entre obscurité et lumière. J’ai pleuré. Rapt !

Il m’a surprise dans mon lit. Il est venu dans ma chambre à pas de loup. J’ai crié, mais aucun son n’est sorti de ma bouche. Il se jeta sur moi, bâillonna ma bouche et banda mes yeux. J’ai appelé au secours mais mes mots se sont tus. Je ne l’ai pas vu car son visage était noir. Je ne l’ai pas reconnu car à la place de son visage, il y avait un sexe, long, rouge, dur qui saignait ; du sang blanc. Bizarre ! Le sang des hommes n’a-t-il pas la même couleur que celui des femmes ?

L’Arpenteur d’infini, par Mustapha Saha

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 23 Mars 2018. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

Mille trois cent cinquante au creux du siècle sombre

Je n’eus que l’abaque pour tromper mon angoisse

Et les chiffres romains pour supputer les nombres

Quand la grande peste dépeuplait les paroisses

 

J’acquis l’art des échecs pour braver la Camarde

Elle misait du temps je jouais mon destin

Vainqueur je repartis sous mon manteau de barde

Vers d’autres royaumes sans macabres festins

Gérard de Nerval, par Hans Limon

Ecrit par Hans Limon , le Mardi, 20 Mars 2018. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

j’ai connu les barreaux de Sainte-Pélagie

l’alchimie des humeurs, la liesse et les orgies

j’ai fêté mes vingt ans sous les rêves de Faust

lourd de graves pensers, fin comme un timbre poste

 

je suis ailleurs, je suis ici, je suis l’Orient

sur les bords de Sylvie, prospecteur surconscient

des chimères de feu, sous l’aube inconsolable

où la brune hirondelle étend son long retable