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Critiques

L’Urgence et la patience, Jean-Philippe Toussaint

Ecrit par Carole Darricarrère , le Vendredi, 01 Juin 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Les éditions de Minuit

L’Urgence et la patience, 107 pages, 11 € . Ecrivain(s): Jean-Philippe Toussaint Edition: Les éditions de Minuit

Lu dans un trou de la vue entre minuit et minuit cinq à quelques bâillements de serrures et années de distance du temps fortuit de son achat, cet essai, ces confessions, ce fourre-tout éclectique, ce petit livre blanc light comme un jour de jeûne – petit c’est parfois dense – dans lequel il n’est question cette fois ni de fuir ni de faire l’amour mais bel et bien de regarder non son nombril mais les articulations de la langue de face dans sa propre altérité, dans ses zones de cohabitation comme d’exclusion – car c’est la langue dans ses rythmes qui agit l’écrivant et non le contraire – ; de se poser, en appariteur du monologue, le temps de trier-classer-compter-compiler un nombre épars de papiers anciens, rassemblés de droite et de gauche au centre, sous couvert de la question de l’urgence et (de) la patience entendues comme deux piliers de l’écriture, non sans une certaine inclination complaisamment contemporaine de chef-cuisinier cosmopolite habile dans l’interprétation qu’un filet de sauce à lui seul a le pouvoir de conférer à un mets, auquel une réputation sans faute s’attache, lui intimant une légitime tentation de s’asseoir sur le laurier, ce petit snack, entre deux plats de consistance ce sorbet, un Perrier-citron se prêtant à ce selfie sans craindre le snobisme, ce très léger sentiment d’ivresse que procurent les apnées entre deux inspirations, cet opus d’une minceur absolue ayant longuement glissé de pile en pile hors de ma vue, cette plume postmoderne dans le vent des pages enfin stabilisée entre mes deux mains voici ce qu’il en reste : un sentiment de faim extrêmement dense.

Chaos, Mathieu Brosseau

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 31 Mai 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Quidam Editeur

Chaos, Mathieu février 2018, 168 pages, 18 € . Ecrivain(s): Mathieu Brosseau Edition: Quidam Editeur

 

Comment peut-on comprendre, ne serait-ce qu’un petit peu, ce que l’on appelle folie ? S’il vous est arrivé de la côtoyer d’un peu près, il n’est pas impossible que vous ayez éprouvé à quel point elle peut être subjective, et subjectivement appréciée ou évaluée. Ses limites, s’il elle en a, sont bien poreuses et l’on est sans doute toujours le fou ou la folle de quelqu’un, que cela se dise dans la métaphore ou au travers d’un diagnostic clinique. Les tentatives littéraires pour pénétrer un peu cet univers – pour autant qu’il y ait un univers de la folie – ne sont pas rares, loin s’en faut. Mais plus rarement nous donne-t-elle l’impression de quasiment y être en s’attachant à libérer les choses, des choses.

Le chaos organisé du délire obsessionnel devient ici celui du langage lui-même. De la langue qui éclate, qui page à page semble fuir la syntaxe, le bon sens et la logique narrative et qui ne cesse en même temps d’y revenir, de s’y accrocher. Le délire n’étant délire que pour celles ou ceux qui se refusent à lire et relire.

Avènement d’un rivage, Jacques Guigou

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 31 Mai 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, L'Harmattan

Avènement d’un rivage, mars 2018, 66 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jacques Guigou Edition: L'Harmattan

 

« Déplacé par les courants du Rhône

le rivage revient

chargées ou lestes

les saisons de son passé

signent ses lignes à venir

altérés insatisfaits

les sables de Petite Camargue

n’en finissent jamais

de faire des avances à la mer » (p.11)

Une terrasse en Algérie, Jean-Louis Comolli

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 30 Mai 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Récits, Verdier

Une terrasse en Algérie, février 2018, 192 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Comolli Edition: Verdier

 

Plus de soixante ans après les faits tragiques, Jean-Louis Comolli revient par l’écriture dans l’Algérie qu’il a dû quitter un jour de 1961.

Né en 1941, l’amoureux du cinéma, le cinéphile, l’essayiste connu, le cinéaste, entreprend de nous raconter par le menu ce que furent ces années-là, terribles, à Philippeville en Algérie, ces années 55 à 57, germes tragiques d’une « drôle de guerre » faite d’embuscades, de tortures, de guérilla urbaine, d’attaques rurales, de factions opposées entre des communautés qui avaient « commencé » à vivre ensemble : les Pieds Noirs, installés de tout temps, auxquels Jean-Louis, par ses parents, ses grands-parents, appartient de plein droit ; les Arabes, les Kabyles, souvent méconnus, peu visibles, réduits chez les précédents aux tâches subalternes (et le grand-père Florentin est une exception, un entrepreneur qui conçoit l’égalité avec ses employés kabyles) ; le pouvoir français qui joue comme tout pouvoir de sa domination.

L’Epreuve et le baptême, Jacques Demaude

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 30 Mai 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

L’Epreuve et le baptême, Le Taillis Pré, Poésie, mars 2018, frontispice Jeanne-Marie Zele, 122 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jacques Demaude

 

Comment définir autrement Jacques Demaude que par « marteleur d’éternité », lui-même étant cet écrin d’absolu qu’on ne prête qu’aux grandes références, l’auteur se ressourçant depuis longtemps auprès d’autres grandes voix telles celles de Marcel Hennart, Michel Defgnée ou Max Elskamp.

Cet auteur éponge la nuit pour en transcender la lumière, celle qui nous continue, la « mort » n’étant qu’un vain mot : « charmer la lumière incréée ».

Sensible à l’élan du moindre mouvement poétique mais avec une prudence de Sioux car si « les branches surabondent, les fruits nous sont mesurés ».

Enfant littéraire de ce « Créateur » où « ratures sous les ratures, nous irons peut-être graver la lumière perpétuelle ».