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Critiques

La Boussole aux dires de l’éclair, exercices sur des lieux, Jean-Paul Bota

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 24 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, Editions Tarabuste

La Boussole aux dires de l’éclair, exercices sur des lieux, 247 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jean-Paul Bota Edition: Editions Tarabuste

 

La Boussole aux dires de l’éclair : Jean-Paul Bota dans la lignée de Cy Twombly

Jean-Paul Bota conduit une œuvre exigeante, importante. Dans le sillage d’Octavio Paz, il pourrait proclamer : « Contre le silence et le vacarme, j’invente la Parole, liberté qui s’invente elle-même et m’invente, chaque jour ». Et ce avec une sensibilité si haute, face à tout ce qui – pour sa vie – est audible, face à tout ce qui – pour sa vie – est visible, que l’on ne peut que songer au poème de Rutger Kopland, Jeune laitue, extrait de Souvenirs de l’inconnu (poème traduit du néerlandais par Paul Gellings) : « Je suis capable de tout supporter, / des haricots qui se dessèchent, / des fleurs mourantes, l’arrachage / d’un carré de pommes de terre / j’y assiste sans larmes, pour ça / je suis vraiment un dur. // Mais la jeune laitue en septembre, / qu’on vient de planter, encore molle, / dans des couches humides, non ».

Le chemin des fugues, Philippe Lacoche (2ème critique)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 23 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Les éditions du Rocher

Le chemin des fugues, août 2017, 312 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Philippe Lacoche Edition: Les éditions du Rocher

 

Voyage au bout du Vaugandy

« Vaugandy »… déjà le nom résonne comme un vaudou d’arrière-monde où le culte du Sombre et de l’Éclatant se tailleraient chacun sa part d’arc-en-ciel pour envoûter et réveiller un territoire ensorcelé. Pour le relier à ses racines, à sa mémoire. Pour s’y faire de nouveau rencontrer les hommes qui y habitent et y circulent, voyageurs passagers d’un temps à partager, rehaussé quand il vibre de ses instants de fraternité, de solidarité.

Dans Le chemin des fugues, l’ensorcellement – plutôt l’asphyxie, escortée d’un désenchantement vrillé à un 21e siècle emporté par l’ouragan incontrôlé des nouvelles technologies, d’un libéralisme mettant à mal nos existences de terrain pour celles de spéculation – se paie le luxe d’un style.

Un Secret et autres récits, Severino Pallaruelo

Ecrit par Nathalie de Courson , le Lundi, 23 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles

Un Secret et autres récits, éditions de la Ramonda, trad. espagnol Monique et Charles Mérigot, 170 pages, 17 € . Ecrivain(s): Severino Pallaruelo

 

Les seize nouvelles de ce recueil se déroulent en Aragon, région natale de Severino Pallaruelo, rude pays montagnard de pauvreté, d’isolement, d’exode vers la ville, d’émigration vers la France, et plus récemment de canyoning et de randonnée pédestre. Mais plus que le décor d’un écrivain régionaliste, l’Aragon de Pallaruelo est un paysage comme l’entendrait Jean-Pierre Richard : l’ensemble des éléments sensibles qui forment le sol rugueux de son expérience créatrice. Ses personnages ressemblent à la nature qui les contient, « tenaces et durs comme les rochers de ces montagnes et comme les ajoncs qui poussent sur ces versants arides ».

Pallaruelo est un conteur comme on en trouve peu de notre côté des Pyrénées : entrant dans ses récits avec la vivacité d’une rivière de montagne, il sait par des sauts temporels en accélérer le rythme, pour le ralentir ailleurs en déployant des nappes de sensations : dans le premier récit, la perspective pour une petite fille de découvrir un secret est « un chatouillement dans la poitrine, comme si un mille-pattes minuscule avait dansé dans ce recoin de l’âme tellement sensible aux caresses délicieuses du doute, des secrets partagés et des révélations intimes ».

L’Infini 140, Littérature, Philosophie, Art, Science, Politique, Eté 2017

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 20 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Revues, Gallimard, La rentrée littéraire

L’Infini 140, Littérature, Philosophie, Art, Science, Politique, Eté 2017, 20,50 € Edition: Gallimard

 

« Le vrai charme appartient à celui, ou à celle, qui est allé, les yeux ouverts, dans son propre enfer. C’est très rare, et il s’ensuit une gaieté spéciale, teintée d’un grand calme :

« Ce charme a pris âme et corps

Et dispersé les efforts »

Juste avant, Rimbaud écrit :

« J’ai fait la magique étude

Du bonheur, qu’aucun n’élude »

(Philippe Sollers, Bizarreries)

Une chance folle, Anne Godard

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 20 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Les éditions de Minuit

Une chance folle, septembre 2017, 144 pages, 14 € . Ecrivain(s): Anne Godard Edition: Les éditions de Minuit

 

Sauvée après avoir été brûlée par de l’eau bouillante suite à un accident domestique, lorsqu’elle était bébé, Magda, la narratrice, survit avec une blessure qui peine à se refermer. Elle s’élargit même, eu égard à ce qu’on en dit. Si bien que le corps au lieu d’être carapace devient un territoire presque « abject » d’exposition aux yeux du monde. Au fil de sa narration, Magda tente de remonter l’histoire de sa vie et de son corps dont le haut à l’exception d’un visage (superbe) a été altéré.

Cette histoire, elle la connaît trop. Sa mère n’a cessé de la ressasser devant tous ceux qu’elle croisait comme pour justifier son propre chemin de croix. De toute ces douleurs, la narratrice tente de se débarrasser en précisant au lecteur : « Pardon pour la laideur infligée, j’étais petite, je ne me souviens plus, mais vous avez le droit à des explications, ma mère m’en a légué tout un sac, tenez, écoutez, et ensuite laissez-moi passer, je ne veux pas déranger ».