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Critiques

Plaise au tribunal, Emmanuel Venet

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 26 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Plaise au tribunal, La fosse aux ours, mars 2017, 32 pages, 5 € . Ecrivain(s): Emmanuel Venet

 

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle… Cela rappelle-t-il quelque chose à l’impétrant qui s’aventure dans les lignes de cette chronique ? Et aussitôt chacun de dire mais oui, bon sang mais c’est bien sûr… Mais oui, Prévert, Kosma et Montand ! Qui ne connaît pas ça ?

Eh bien non. Non. Vous faites erreur. Désolé. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle n’est pas une chanson. C’est une œuvre artistique, soit, mais ni musicale, ni littéraire. Conceptuelle, sans doute. Et très matérielle. En partie éphémère aussi. Et surtout menacée par ceux qui gèrent le site où elle peut être admirée, le centre hospitalier psychiatrique d’Oublevé. Plus que menacée : détruite.

Créée par Monsieur Rémy Dièse, patient dudit centre hospitalier, elle n’est pas, surtout pas, à confondre avec un simple tas de feuilles mortes diligemment constitué par les personnels d’entretien de l’institution. Le conseil du patient, Me Siddag, entend bien démontrer à l’administration publique hospitalière que les feuilles mortes se ramassent à la pelle relève bien du statut juridique d’œuvre d’art et en cela impose à l’institution un certain nombre d’obligations, à l’égard de l’œuvre ainsi qu’à son concepteur…

L’imbécillité est une chose sérieuse, Maurizio Ferraris

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 26 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, PUF

L’imbécillité est une chose sérieuse, août 2017, 148 pages, 12 € . Ecrivain(s): Maurizio Ferraris Edition: PUF

 

Manuel d’Imbécillité

Il n’y a pas que les mots qui mentent, déguisent, égarent plus qu’ils ne guident. Mais, peu importe après tout puisque ceux qui les émettent – et quel que soit leur niveau d’incompétence – sont des imbéciles. Ils font abstraction du fait que la réalité leur saute dessus comme un fauve sur sa proie. Emerveillés de leur bêtise, ils ne s’en éprouvent en rien coupables puisque c’est la chose la plus partagée au monde. Dès lors le massacre des innocents par un Mengele est moins un mal qu’une fatalité. Et c’est bien là où dans ce pamphlet tout coince.

La thèse qui peut faire rire lorsqu’elle jouxte le pire est moins probante. Que Ferraris s’en prenne à Rousseau (sa bête noire), Nietzsche ou Flaubert, devient péripétie. Certes il faut prendre ce livre pour ce qu’il est : une fable propre à illustrer autant la misère des hommes que de leurs philosophies. Et l’auteur a beau jeu de nous rétorquer que notre jugement est fallacieux puisqu’il n’est donné que du haut de notre imbécillité. Mais le même reproche peut être donné à l’amuseur.

Les ombres de l’Araguaia, Guiomar de Grammont

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 25 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

Les ombres de l’Araguaia, septembre 2017, trad. brésilien Danielle Schramm, 232 pages, 18 € . Ecrivain(s): Guiomar de Grammont Edition: Métailié

 

Ce roman dédié « aux familles de tous les disparus politiques du Brésil, surtout à leur mères et leurs sœurs », aborde un passage obscur de la lutte contre la dictature dans les années 70, quand des jeunes étudiants épris de justice sociale avaient dans l’idée de libérer leur pays. Quelques-uns d’entre eux sont même allés se former à Cuba aux techniques de guérillas, et les chefs de la guérilla jusqu’en Chine maoïste.

Dehors les bate-paus et les grileiros !

Morts aux généraux fascistes !

A bas la dictature militaire !

Vive la terre libérée pour que le peuple vive et travaille !

Vive les Forces guérilleras de l’Araguaia !

Vive le Brésil libre et indépendant !

Lettres à Flaubert, réunies par Yvan Leclerc

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 25 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Correspondance, Thierry Marchaisse

Lettres à Flaubert, réunies par Yvan Leclerc, juin 2017, 191 pages, 16,90 € Edition: Thierry Marchaisse

 

Original, le concept de la collection. Réunir un lot – bien choisi, compétent, passionné qui plus est – d’auteurs, tous pignon sur rue littéraire, et les faire « écrire à » ces monstres sacrés de la grande littérature, celle des Classiques. Prudente, pour autant, la démarche, puisque le maître d’œuvre, et souvent une bonne partie de l’équipage, sont savants dans le destinataire des lettres, son œuvre comme sa personne, assez pour s’autoriser le parfum d’aventure du projet : un roboratif jouissif passant à chaque page ! Enfin – dira-t-on jamais assez que derrière chaque livre, il y a le maillon-éditeur, Thierry Marchaisse appartient à ce genre, rare, de ceux qui savent bâtir le livre, agencer une construction, en architecte de haute maîtrise, faisant bellement partie, en ça, du bonheur de lire.

Flaubert, l’immense, l’incontournable, celui qui – XIXème et au-delà – perche tout en haut de la pyramide. Qui – sachant lire, s’entend – n’aurait pas lu, et jusqu’au bout, s’il vous plaît, sa Madame Bovary, son Education sentimentale, son Salammbô… chacun d’entre nous, à un niveau ou un autre, ne peut-il se sentir « concerné » par Flaubert, ce « la », à la fois unique et tout ; c’est dire.

La reine noire, Pascal Martin

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 24 Octobre 2017. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Jigal

La reine noire, septembre 2017, 248 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Pascal Martin Edition: Jigal

 

Chanterelle, village de Lorraine, vit en sursis depuis la fermeture de la raffinerie de sucre dont la haute cheminée, surnommée La Reine Noire, jette son ombre inquiétante sur les toits en tuiles rouges des petites maisons de l’ancienne cité ouvrière. C’est dans ce bourg où la seule activité concrète consiste à jouer aux cartes dans le bar de la place que deux hommes que tout oppose vont revenir et chambouler la vie assoupie de ses habitants.

L’un, Toto Wodjeck, est un tueur professionnel basé en Indonésie, chargé d’un contrat sur la personne du maire de Chanterelle, héritier de l’usine, mais aussi importateur d’ecstasy et en conflit ouvert avec son associé indonésien. L’autre, Michel Durand, est un policier d’Interpol, basé à Lyon, qui, ayant eu vent de l’arrivée en France de Wodjeck entend bien lui faire payer au prix lourd un vieux crime. Ils ont pourtant deux points communs qui remontent à leur enfance : tous deux sont originaires de Chanterelle et tous deux vouent une haine inextinguible à l’égard de Spätz, le maire, coupable selon Wodjeck de la mort de son père et selon Durand, à l’origine du suicide de son propre père, l’ancien directeur de la raffinerie. Deux hommes qui ont également d’autres contentieux à régler et dont on ne sait distinguer lequel est le plus dangereux.