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Critiques

La Légende de Bruno et Adèle, Amir Gutfreund

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 28 Novembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard, Israël

La Légende de Bruno et Adèle, novembre 2017, trad. hébreu Katherine Werchowski, 286 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Amir Gutfreund Edition: Gallimard

 

Lorsque l’on recense des livres, il vaut mieux réfléchir avant de laisser sa plume écrire le mot chef-d’œuvre, tant il est galvaudé : à en croire la réclame, en effet, les maisons d’édition ne publient rien d’autre, surtout l’automne venu. En l’occurrence, cependant, le terme chef-d’œuvre est justifié. Même si La Légende de Bruno et Adèle ne ressemble pas à un titre de roman policier, c’en est un, extraordinaire et d’un niveau de tension comparable, par exemple, au Silence des agneaux.

Amir Gutfreund est mort à l’âge de cinquante-deux ans, le 27 novembre 2015, en corrigeant les épreuves de son ultime roman. Formé aux mathématiques, il travaillait pour l’armée de l’air. La télévision avait fait appel à lui, comme co-scénariste de la remarquable série Otages (Bnei Aruva), aux côtes du scénariste principal, Gal Zaid (par ailleurs acteur dans une autre grande série, Hatufim – noter que ces deux séries israéliennes firent l’objet de médiocres adaptations américaines). C’est dire que nous sommes en présence d’un écrivain qui connaît son métier et qui sait construire une intrigue.

L’œil de tous les yeux, Bérénice Constans

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 28 Novembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Arts, Fata Morgana

L’œil de tous les yeux, novembre 2017, 96 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bérénice Constans Edition: Fata Morgana

 

Histoires de l’œil

 

Poétesse et peintre, Bérénice Constans apprend à voir, renverse les règles de la peinture (mais pas seulement) afin d’apprendre au lecteur ce qu’il y a dedans. Il faut parfois des stratégies et, avant d’entrer en ce qu’on nomme art, passer par d’autres surfaces. Mais non sans de multiples précautions que souligne la « narratrice » de L’œil : « Se servant de l’entrelacs de branches tombantes pour mieux se dissimuler, elle observait la tache sur le mur, en se mordant nerveusement la lèvre. Plusieurs fois de suite, elle ouvrit et ferma les yeux, en essayant de s’arracher à̀ sa vision. Mais, il y eut en elle comme une cassure. Elle n’osait plus bouger, de peur de découvrir de nouvelles taches », et ce avant un ébranlement : « L’obscurité́ allait s’abattre sur elle en une pluie de cendres noires ». Mais les taches demeurent, comme la peinture (du moins celle de Bérénice Constans), entre réalité et onirisme.

Un petit héros, Fédor Dostoïevski

Ecrit par Nathalie de Courson , le Lundi, 27 Novembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Un petit héros, septembre 2017, traduit du russe par Gustave Aucouturier, 79 pages . Ecrivain(s): Fédor Dostoïevski Edition: Folio (Gallimard)

 

La Collection Folio 2 € présente l’avantage de mettre à portée de la main, dans toutes les librairies de quartier, certaines œuvres de grands écrivains que l’on n’a pas toujours remarquées et qui contiennent en germe certains de leurs thèmes les plus importants. C’est le cas de Un petit héros publié en septembre dernier dans la traduction classique de Gustave Aucouturier (et dont celle, plus récente, d’André Markowicz pour Actes Sud, ne diffère pas considérablement). Cette nouvelle de 70 pages mérite d’être isolée car elle est très particulière dans la production de Dostoïevski, d’abord par les circonstances de sa composition : l’auteur, arrêté pour complot politique en 1849, attendant la sentence qui le condamnera à mort, s’empresse de l’écrire aussitôt qu’il peut disposer d’une bougie, d’une plume et d’un papier. Mais bien loin de raconter le dernier jour d’un condamné, ce récit a pour narrateur un garçon de onze ans que l’on envoie passer l’été dans une maison pleine de gaieté, et où de multiples invités virevoltent en une fête permanente et artificielle, comme en témoignent d’étourdissantes énumérations :

Poèmes, Natsume Sôseki

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 27 Novembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Japon

Poèmes, éd. Le Bruit du Temps, 2016, trad. chinois Alain-Louis Colas, 400 pages, 28 € . Ecrivain(s): Natsume Sôseki

 

Sôseki, plus connu sans doute comme romancier (Je suis un chat ; La Porte ; etc.), se voit ici pour la première fois publié en français pour ses 207 poèmes, écrits sur une longue période, de l’adolescence à sa mort en 1916, à 49 ans.

L’édition trilingue, copieuse en poèmes, copieuse en commentaires (sous la plume de A. L. Colas), en chinois classique, japonais, français, révèle un talent sûr, qui maîtrise les formes brèves (quatrains, huitains, entre autres, parmi les plus nombreux) et donne à ce lent cheminement aux abords du monde, de la nature, à la quête du soi, une allure de journal, proche de celui d’un Bashô, par exemple.

Notations pures, effets de saisons, sensations d’être traversent ces textes empreints autant de justesse que de constats paysagers et intimes.

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, Blaise Cendrars, en la Pléiade

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Novembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Roman, La Pléiade Gallimard

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, novembre 2017, Édition publiée sous la direction de Claude Leroy, 2912 pages, 115 € . Ecrivain(s): Blaise Cendrars Edition: La Pléiade Gallimard

 

Selon la légende, Freddy Sausey devint poète à New-York dans la nuit du 6 avril 1912. Pour honorer cette révélation il change de nom : Blaise Cendrars naît. Néanmoins, dans Panama ou les aventures de mes sept oncles, il donne une autre voie à la gestation de l’œuvre : « C’est le crash du Panama qui fit de moi un poète/ C’est épatant / Tous ceux de ma génération sont ainsi /Jeunes gens /Qui ont subi des ricochets étranges ».

Il ne faut pas prendre bien sûr ses aveux au pied de la lettre. Mais – et justement – tout Cendrars est là. Non seulement il refuse de jouer « avec des vieilleries » et entame son parcours. Il s’agira pour lui de casser « la vaisselle » et surtout de ne cesser de s’embarquer vers l’ailleurs pour « tuer les morses » ou – sous d’autres climats – de craindre les piqûres de la mouche tsé-tsé.