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Critiques

Le pouvoir de l’optimisme, Christelle Crosnier (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 01 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Le pouvoir de l’optimisme, Idéo Editions, septembre 2018, 273 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): Christelle Crosnier

 

Pourquoi une telle floraison de livres sur la pensée positive et le développement personnel ? Il semblerait que la recherche de son propre accomplissement soit devenue depuis quelques décennies le nouveau Graal pour survivre à une société individualiste. L’optimisme est-il une façon de se protéger des horreurs de l’extérieur ? Lorsqu’on ouvre le livre de Christelle Crosnier, on se rend compte au contraire que l’optimisme est un élan vital indispensable pour faire confiance à la vie et aux autres.

Lire des livres sur l’optimisme, comme ceux sur le bonheur, est une thérapie, un entraînement pour muscler notre persévérance. Car contrairement à la culture Instagram où l’on fait miroiter aux jeunes que l’on peut devenir une star en quelques clics, réussir passe nécessairement par une série d’échecs. Et c’est pour cette raison que nous avons besoin de la magie du pouvoir de l’optimisme. Aucune grande victoire ne s’est accomplie sans petites victoires.

Lumière, doucement, Marian Draghici (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 01 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Poésie, L'Harmattan

Lumière, doucement, avril 2018, trad. roumain, Sonia Elvireanu, 114 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Marian Draghici Edition: L'Harmattan

 

La mer, la lumière et puis la présence obsédante qui s’avance sur la pointe des douleurs :

« doucement, viens à moi mot à mot » avec aussi le poids d’une plume passant par « un hibou de dix tonnes » pour faire apparaître, dans cette sorte de rêve, la « chose », la douleur transcendant l’image de souvenirs doux rêvés en cauchemars colorés à l’instar d’un film terrifiant puisque « elle souriait à la fenêtre/ après qu’on lui avait arraché/ mains/ cœur/ cheveux ».

Le souvenir se fait terre, os, cheveux, autant d’images suggérant une sorte d’éclatement de la stupéfaction. Comme une idée se serait jetée contre un mur le souvenir la tête la première. Avec une dislocation à partir de soi éclaboussée sur les éléments tout autour, le texte est pressenti, page après page, de titres improbables annonçant le chaos. J’ai songé à des tableaux de Bosch où toute l’humanité s’éclate en diverses attitudes quotidiennes exacerbées dans une imagination prolifique.

L’Adversaire, Emmanuel Carrère (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Jeudi, 31 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

L’Adversaire . Ecrivain(s): Emmanuel Carrère Edition: Folio (Gallimard)

 

Lorsque, étudiant en médecine, il raconte à son entourage qu’il a réussi son examen d’entrée alors qu’il ne l’a même pas passé, Jean-Claude Romand ne sait pas que ce mensonge marquera le début d’une spirale infernale qui le conduira à mener, pendant près de dix-huit ans, une insupportable double vie. Insupportable, tout au moins vers la fin, quand, réalisant qu’il n’a plus les moyens (entre autres financiers) de continuer à mentir, il se retrouve au pied du mur et assassine, en 1993, ses parents, sa femme et ses deux enfants pour ne pas avoir à leur avouer la vérité sur sa véritable identité : non pas un médecin travaillant en Suisse pour l’Organisation Mondiale de la Santé à Genève, non pas un ami à qui on peut faire confiance pour garder au chaud son argent de l’autre côté de la frontière, non pas un mari ni un fils fiable et sûr de ce qu’il dit et fait, mais un homme sans emploi qui passe ses journées dans sa voiture et à se promener dans les bois, et dilapide l’argent qu’on lui a (frauduleusement) confié pour mener la vie qu’il souhaite donner à ses proches.

Les Destinées sentimentales, Jacques Chardonne (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 31 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Les Destinées sentimentales . Ecrivain(s): Jacques Chardonne Edition: Le Livre de Poche

 

Ce roman, en trois parties, apparaît a priori comme le portrait d’un monde déjà éloigné, historiquement : celui de la bourgeoisie charentaise et limousine protestante de la fin du XIXe siècle.

M. Pommerel est un fabricant de cognac, très croyant. Il n’éprouve pas de contradiction entre l’exercice de sa foi et le commerce des spiritueux. Il y voit une sorte de confirmation : « Il retrouvait dans les affaires de multiples prescriptions, des coutumes sacrées, des défenses et des permissions, des frontières précises entre le bien et le mal ».

Cet homme assiste justement à la fin d’un sermon prononcé par Jean Barnery, pasteur. L’épouse de Pommerel, disparue, était la fille de David Barnery, fondateur de la fabrique de porcelaine de Limoges. Jean Barnery est apparenté à cette famille et conserve des intérêts dans la fabrique.

Pauline est la fille de son frère Lucien. Après le décès de ce dernier, Pommerel offre à Pauline de venir habiter chez lui à Barbazac.

Etat d’ivresse, Denis Michelis (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mercredi, 30 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Editions Noir sur Blanc

Etat d’ivresse, janvier 2019, 140 pages, 14 € . Ecrivain(s): Denis Michelis Edition: Editions Noir sur Blanc

Elle est femme, épouse, mère et rédactrice d’un magazine de psychologie. Autant de statuts qui se combinent et façonnent une belle identité, solide et légitime. Mais que se passe-t-il quand l’état d’ivresse vient s’immiscer dans l’engrenage et gangréner tout le système ?

On ne peut plus exemplaire et significatif, le procédé narratif de focalisation interne prend toute son ampleur dans ce court roman de Denis Michelis puisque la narratrice enferme littéralement le lecteur dans son carcan d’ivrogne, sans d’autre perception que celle de ses propres délire et obsession. Hormis les spéculations hors texte auxquelles le lecteur ne manquera pas de s’adonner, il est inutile d’attendre des explications sur les tenants et aboutissants de cette situation. Comme le suggère le titre du roman, l’ivresse est postulée comme un état de fait que la narratrice, qui domine l’appareil discursif, serait bien en mal de justifier. En dépit de cette narration ingénieusement restreinte et resserrée dans le temps (une semaine et quelques jours), il n’est nullement question de l’allocution vaseuse, sans queue ni tête, d’une poivrote en plein délire, qu’il aurait été laborieux de retranscrire et plus encore de déchiffrer. Si confusion mentale il y a, elle se concentre sur le fond et n’entache point la forme. Faut-il rappeler que la narratrice est rédactrice de magazine et par conséquent capable de s’exprimer de manière intelligible ?