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Critiques

Un homme qui savait, Emmanuel Bove (Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 10 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Un homme qui savait, 216 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Emmanuel Bove Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Romancier précoce (un premier livre à 26 ans), Emmanuel Bove a publié, le temps d’une carrière fulgurante (il mourut dès 1945), une vingtaine de livres.

La réédition de ce roman écrit en 1942 permet à un large public de redécouvrir une plume que l’on compare souvent à d’autres figures incontournables de ces années-là, disparues, puis ressuscitées : Gadenne, Calet, Hardellet, Vialatte, merveilleux stylistes.

Un homme qui savait est le genre de titre particulièrement voltairien, puisque le lecteur se rendra vite compte des abîmes qui enfouissent le destin de ce médecin, Maurice Lesca, qui a rompu avec son passé pour finir son périple d’homme, sans rien savoir de sûr, dans une pauvre piaule, mendiant l’amitié d’une Madame Maze, libraire de son état, comme celle de sa sœur Emily qu’il a fini par héberger, elle qui a laissé un fils à Noyon.

Sérotonine, Michel Houellebecq (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Flammarion

Sérotonine – 352 p. janvier 2019 – 22 € . Ecrivain(s): Michel Houellebecq Edition: Flammarion

 

On savait Houellebecq sombre et déprimé. Mais avec ce livre, il se situe au-delà de toute forme d’espérance. Il nous offre une traversée amère et terrible de notre monde, une sorte de symphonie funèbre à une humanité défunte. Houellebecq a toujours eu des échos romantiques, ici c’est le Winterreise de Schubert qui résonne, le Voyage d’Hiver. Des vers me viennent en mémoire, ceux d’un chant des gardes suisses de 1793 :

 

« Notre vie est un voyage

Dans l’hiver et dans la nuit

Nous cherchons notre passage

Dans ce ciel où rien ne luit ».

10 bonnes raisons de ne pas se faire sauter, Plantu (par Fanny Guyomard)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Seuil, Albums

10 bonnes raisons de ne pas se faire sauter, novembre 2018, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Plantu Edition: Seuil

 

Plantu, connu pour ses dessins qui paraissent dans le quotidien Le Monde, revient en images sur l’actualité de l’année. Mais, prévient-il, « il s’agit d’un livre un peu différent des autres ». En effet, la première partie est dédiée à la question de l’islam en France, « démocratie fragilisée » et perturbée par des « malentendus » depuis les attentats de Charlie Hebdo en 2015. Difficile de parler religion ! Il offre alors un entretien avec un interlocuteur actif dans la lutte pour la tolérance et la réconciliation des religions : le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur. Sur une cinquantaine de pages, on aborde de nombreux thèmes comme le salafisme en France, le rôle du dessin de presse, la laïcité, le port des signes religieux ou encore le ramadan, le tout rythmé par les dessins de Plantu parus dans depuis 1977, preuve de la permanence du débat.

Plutôt qu’une interview, où le journaliste poserait des questions « neutres », Plantu fait le choix d’une conversation où il fait part de son expérience de dessinateur et donne son avis.

Lieux exemplaires, Flora Bonfanti (par Frédéric Aribit)

Ecrit par Frédéric Aribit , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Lieux exemplaires, Editions Unes, septembre 2018, 75 pages, 16 € . Ecrivain(s): Flora Bonfanti

 

« Formuler une phrase, c’est allumer des torches, distribuer le feu en torches ».

Flora Bonfanti sait bien le feu qui n’en finit pas de couver dans les phrases. À mi-chemin entre l’étincelle de l’articulation originelle, et l’incendie qui embraserait tout le langage, il y a le rougeoiement des braises où naissent les premières flammes. Braises : celles de son Brésil d’origine sans doute, et de toutes ces langues qui parlent en elle comme autant de torches vives.

Les Lieux exemplaires qu’elle vient de publier se partagent en deux espaces distincts, deux textes exigeants qui interrogent pareillement poésie et philosophie ab initio, depuis ce moment où nommer le monde, c’est le faire advenir, et faire advenir en même temps un autre jeu d’équivalences qui renouvelle notre regard. Ceci est ou n’est pas cela : être, c’est toujours attribuer. D’où cette dimension fortement attributive de l’écriture de Flora Bonfanti, où s’ouvre la grammaire des possibles.

La vérité sur « Dix petits nègres », Pierre Bayard (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Les éditions de Minuit

La vérité sur « Dix petits nègres », janvier 2019, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Pierre Bayard Edition: Les éditions de Minuit

 

Un héros sans peur mais non sans reproche

Transformant la perspective qui accorde au seul auteur, lecteur ou critique le droit de parler des personnages, ici celui qui a commis le crime des Dix petits nègres d’Agathe Christie prend la parole.

Et ce pour une raison majeure : la romancière s’est trompée. Or, le personnage n’est pas de ceux qui veulent rester impunis. Il propose donc une enquête de l’enquête bâclée. Le criminel donne son avis « insoupçonnable » sur le texte dont il est objet. Tandis que tant le suspect se défile, à l’inverse celui-ci (ou celle-là) s’assume.

Ce livre de critique aussi ironique et surprenant se transforme comme le dit l’auteur en « roman policier ». Il se déroule en quatre temps : EnquêteContre-enquêteAveuglement, et Désaveuglement. Et le narrateur avant de quitter le livre donne son juste avis sur la victime, le meurtre et l’assassin (à savoir lui-même) en découvrant les nombreuses erreurs d’Agatha Christie, ses biais cognitifs et ses illusions d’optique.