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Critiques

Le Grand Jeu, Céline Minard (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Rivages poche

Le Grand Jeu, janvier 2019, 220 pages, 7,80 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Rivages poche

 

Un roman surprenant, vraiment rafraîchissant, qui se laisse boire avec une certaine jubilation et qui plus encore, contient en lui-même une profondeur de réflexion – des pistes, pas de réponses, seulement des pistes – et une énergie communicative qui fait fourmiller les racines de l’être.

Une jeune femme dont on ne connaîtra pas l’identité, ni rien de son existence antérieure – ou à peine quelques flashs – si ce n’est qu’elle est bien décidée à s’en couper, tout comme elle va se couper du monde et de toute relation humaine, pour s’isoler dans un coin de montagne, une sorte de cirque naturel qui sent bon le Pliocène, un îlot de deux cents hectares de roche, de bois et de prés au cœur d’un massif montagneux de vingt-trois kilomètres carrés, qu’elle a acheté et équipé de façon très technique. Plusieurs modules y ont été héliportés : un « tonneau » d’habitation high-tech « à demi-appuyé à demi-suspendu à un éperon granitique », plus bas des sanitaires et un abri jardin, réserve et outillage, le tout bien réfléchi, hyper organisé. « Une belle planque ».

Post-Minimalisme et Anti-form, Dépassement de l’esthétique minimale, Claudine Humblet (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts

Post-Minimalisme et Anti-form, Dépassement de l’esthétique minimale, Skira, Genève, 2017 . Ecrivain(s): Claudine Humblet

 

Le livre de Claudine Humblet est pertinent car il se nourrit non seulement de ses connaissances mais aussi de ses rencontres avec les artistes d’un art qui s’édifie d’abord dans années 60-70 et réunit un certain nombre de créateurs. Celle qui connaît parfaitement l’évolution de l’art aux USA depuis la Nouvelle Abstraction puis L’Art Minimal offre ainsi le troisième temps de sa trilogie américaine. Elle met en avant l’importance des matériaux (quelle qu’en soit la nature) au moment où le ménage ayant été fait au sein des vieilles images écrasées sous le poids du passé.

L’art peut renouer avec des concepts structuraux auxquels et paradoxalement l’Anti-form donne voie en renouvelant le sens du geste, le choix du matériau et le positionnement de l’œuvre dans l’espace. Ils demeurent souvent méconnus en Europe. C’est le cas d’Eva Hesse, décédée très jeune, de Keith Sonnier qui récrée son propre langage formel, de Gary Kuehn, Lynda Benglis, Rill Bollinger, Alan Saret et – plus connu mais non le moindre – Richard Serra. Tous ces créateurs font clignoter dans les cases et caves du cerveau des lumières intempestives.

Mado, Marc Villemain (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

Mado, février 2019, 160 p. 15 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

 

Marc Villemain, dans ce roman virtuose, réussit un double défi. Ecrire un beau roman d’amour – ce qui de nos jours relève de la rareté extrême – et parler non des filles de quinze ans mais comme une fille de quinze ans, avec une justesse, une délicatesse, une pertinence saisissantes. La jeune narratrice, auteure du journal intime qui constitue la matière de ce livre (et qui intervient aussi parfois, quinze ans plus tard devenue adulte) nous raconte une amour exceptionnelle – le féminin d’amour, normalement réservé au pluriel, s’impose ici au singulier.

On ne découvre le prénom de la narratrice, Virginie, qu’à la page 53. Rien d’étonnant à cela, la jeune Virginie, dès les premières pages, est éblouie, dominée, fascinée, reléguée au second plan par l’époustouflante Mado dont elle tombe éperdument amoureuse. Mado, pas une fille, un rêve : belle, sûre d’elle déjà malgré son jeune âge, sensuelle, intelligente, fascinante. Elle efface tous les personnages du roman par son rayonnement quasi divin.

Une histoire des images pour les enfants, David Hockney, Martin Gayford, Rose Blake (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 13 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Jeunesse, Seuil Jeunesse

Une histoire des images pour les enfants, septembre 2018, trad. anglais Céline Delavaux, 128 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): David Hockney, Martin Gayford, Rose Blake Edition: Seuil Jeunesse

 

Une histoire des images pour les enfants est la version jeunesse, écourtée à peu près des deux tiers, d’Une histoire des images parue chez Solar en 2017. Le principe reste similaire : de courts chapitres mettant en scène une discussion entre l’artiste David Hockney et le critique d’art Martin Gayford. L’approche mêle les différents arts visuels pour offrir non pas une histoire de la peinture mais une réflexion sur la création et la perception des images mettant en valeur l’évolution des techniques de représentation, des peintures rupestres aux images numériques.

Le dispositif de la conversation a l’intérêt de donner de la vie aux réflexions proposées et de faciliter la lecture en aérant le texte. Martin Gayford joue nettement le rôle du comparse : ses répliques, synthétiques, fournissent au lecteur quelques éléments d’histoire de l’art, tandis que David Hockney, dans des textes plus développés, commente les images reproduites en s’appuyant sur sa propre pratique artistique. Les œuvres de David Hockney sont ainsi relativement nombreuses dans l’ouvrage et leur analyse par l’artiste intéressera sans nul doute les amateurs du peintre.

Un tramway long comme la vie, Vladimir Maramzine (par Fanny Guyomard)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mardi, 12 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Editions Noir sur Blanc

Un tramway long comme la vie, janvier 2019, trad. russe Anne-Marie Tatsis-Botton, 168 pages, 18 € . Ecrivain(s): Vladimir Maramzine Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« Il y a beaucoup de choses qu’il ne comprend pas à cause de son âge respectable, et beaucoup, au contraire, parce qu’il n’est pas adulte. Les vieux, on le sait, sont plus intelligents que les jeunes, c’est pourquoi ils sont si peu adultes. (…) Le fait de ne pas être adultes leur permet de comprendre de simples sentiments humains. Mais cela les empêche de comprendre d’autres événements qui adviennent dans le monde, parce que beaucoup de choses inhumaines se passent dans le monde des adultes » (p.37).

C’est un auteur assagi qui parle, un écrivain et éditeur russe qui a quitté, dans les années 70, l’Union soviétique et son régime liberticide. Durant treize nouvelles, Vladimir Maramzine nous entraîne dans les différentes phases de la vie de son double, partant de son enfance heureuse dans la campagne soviétique, puis racontant les errances d’une communauté russe en exil dans la capitale parisienne. L’Union soviétique et son visage sombre ne transparaissent nettement que petit à petit, par des citations, des jeux hypertextuels, comme un refoulé sur lequel l’auteur, blessé et irrémédiablement rebelle, ne peut se taire.